Quoi de neuf pour la présidentielle USA de novembre 2012 ?
par Pierre JC Allard
mardi 31 janvier 2012
Quoi de neuf pour la présidentielle USA de novembre 2012 ? Rien. On se dirige vers la primaire républicaine de Floride après un émondage des candidatures qui laisse en lice, sans surprises, Mitt Romney, Newt Gingrich, Rick Santorum et Ron Paul.
Pourquoi sans surprises ? Parce que, comme dans la Commedia dell’arte, les croquants qui se cachent derrière les masques sont sans intérêt : ils jouent leurs rôles de Pantalon ou d’Arlequin pour des villageois ignares qui connaissent déjà par coeur la trame – toujours la même - de leurs pitreries. On a Newt, le vieux politicien roublard, un peu sulfureux, on a Rick, le porte-flambeau qui fait la synthèse des fondamentalismes ; on a Ron-le-sympathique, pour l’émotion des espoirs impossibles - ou le très improbable coup d’éclat qui viendrait méduser les jacques s’ils arrivaient courroucés aux grilles du château ! Et, finalement, on a Mitt, l’Homme de la Situation, le monsieur bien sous tous rapports, beau, bien pensant et d’une insignifiance à pleurer qui gagnera sans doute à la convention après un suspense bidon…
Des idées ? Ron Paul-le-marginal en a plein, mais qui ne sont absolument pas solubles dans la réalité américaine actuelle. Imaginez Louis XVI nommant Danton ou Marat pour remplacer Necker ! Pour les autres, penser, serait une distraction. Gingrich ne voit le reste du monde que comme un appendice des USA, et croit donc que le spectre de la science politique va de "Démocrate libéral" à "Républicain conservateur", ce qui en excède étant dans le Monde du Mal. Pour Santorum, le monde lui-même, incluant les USA, n’est d'ailleurs que le vestibule d’un monde meilleur. On n’est ici que pour faire son salut…
Reste Romney, Romney, c'est l'homme d'expérience. BCBG, milliardaire issu d’une bonne famille et ses idées sont celles de l’Establishment. C’est à lui que l’on a donné le plus de fric, en stricte observance de la démocratie censitaire à l’américaine, qui permet aux riches de bloquer l’accès des pauvres au pouvoir politique. On le fait en leur niant les fonds indispensables pour mener une campagne électorale qui coûte des dizaines, voire des centaines de millions de dollars. Aujourd'hui, dans la cohorte des prétendants républicains, seul Romney a du fric.
Alors c’est joué ? On a le gagnant, Romney ? Minute … ! Vous n’avez rien compris au jeu de boules. Tout ce cirque n’a pas pour but de trouver un gagnant… mais de trouver un PERDANT ! La convention républicaine ne vise qu’à trouver celui qui mènera la “chaude lutte” que le people attend contre Obama, "le Noir qui a déçu". Une chaude lutte que le Républicain de service perdra, cependant, puisqu’on n’a pas fini de tirer tout le jus du citron Obama.
Il en a fallu des efforts pour mener l'Afroaméricain Barack Obama au Salon Ovale.... ! Tout suggère donc qu’on fera en novembre une deuxième pression d’Obama. Car si ce dernier a déjà réussi à reporter d’une génération la demande des Américains pour un système de santé universel et gratuit et à en envoyer 14 % vivre dans la mendicité des “food stamps sans une révolte, il n’a encore qu’amorcé le train des mesures impopulaires qui permettront de transformer les USA en un véritable état corporatiste. On s’est donné bien du mal pour mettre Obama dans sa position exaltée et infiniment vulnérable. Il a déjà la corde au cou, mais on va le charger encore avant de déclancher la trappe.
Il ne faut donc pas trop s’inquiéter des facéties des candidats républicains : c’est pour rire. Il n’est pas prévu que l’un ou l’autre de ces guignols devienne président des USA. Même si l’on sait mieux, depuis le super communicateur Obama, à quel point celui qui lit de façon convainquante les messages qu’on lui écrit au téléscripteur n’a pas besoin d’en comprendre le sens, ce serait gênant pour l’Américain moyen que soit élu Newt, Ron, Rick ou Mitt et de sentir confusément que le monde entier ricane de son leader… On va sans doute garder Obama pour un autre tour de piste.
Si les candidats républicains ne sont là que pour servir de faire valoir, il ne faut pas croire, toutefois, qu’ils ont été choisis au hasard. Romney, bien sûr représente les conservateurs “progressistes” anglo-saxons qui sont encore - pour une ou deux décennies - la première composante démographique de la population et les gardiens de la tradition ”Mayflower”. Ils sont encore l’image de l’Amérique pour le monde qui veut y croire et le modèle d’imitation pour sa population de plus en plus bigarrée, Mainstream USA, qui veut d’autant plus se reconnaître en Romney qu’elle lui ressemble de moins en moins...
Gingrich, lui, est là pour l’image de l’Américain maquignon, “streetsmart”, vendeur d’huiles de serpents miraculeuses et de voitures usagées. Tammany Hall au quotidien, mais aussi le cousin véreux dont on dit du mal, mais dont on est fier au fond qu’il puisse couillonner les étrangers au besoin. Parce que l’Américain se veut bon et craignant Dieu… mais astucieux et sans faiblesse.
Ron Paul est l'opposé de Gingrich. C'est l’idéal composite d’un vieillard qui pense jeune. Un clin d'oeil à la nostalgie des pionniers autosuffisants et des robber-barons, qui insistent pour "plus de liberté", sans trop regarder les aspects pervers d’une société sans solidarité.
Ceux qui ont tout perdu dans la crise ne demandent qu’à croire que c’est la faute des fonctionnaires… sans voir que le mal de l’État est venu d’un fonctionnariat totalement corrompu par l’usage habile et indiscriminé des “lois du marché”, dont on n’a exclu que du bout des lèvres qu’on puisse y soumettre aussi l’achat, la vente et la location des consciences.
Quant à choisir Paul comme candidat républicain ce serait un énorme gambit. J’aurais peur, car j’y verrais une façon pour l’Establishment de faire plébisciter cet automne, en choisissant Obama, toutes ces choses que Ron Paul rejette par principes … alors qu’Obama reste ouvert à les faire à regret. Ce qui inclut la main mise de l’État sur l’économie pour régler la dette… ou encore des guerres inutiles. On aurait peut-être ce raisonnement tordu que, si le people n’a pas voté pour Paul, c’est qu’il approuve une guerre d’agression contre la Syrie ou l’Iran… !
Santorum ? On peut le voir comme un sot... ou comme la force montante du fondamentalisme qui séduira les Américains quand ils en auront marre de l’hypocrisie des medias, du grenouillage des politiciens et du pouvoir occulte des banquiers. Le fondamentalisme ne pouvait sauter cette élection 2012 à la présidence sans avoir son cheval dans la course, car quand ce monde les aura vraiment déçus, les Américains auront sans doute le réflexe historique de miser sur l’Au-delà.
Ce ne sera pas cette fois, mais dans 4 ou 8 ans… le danger sera alors bien réel que ce soit Savonarole qui vienne demander des comptes aux banquiers. Et il n’est pas sûr, alors qu’on aura gagné au change.
En attendant, il est clair que le vrai pouvoir demeurera encore caché pour un temps. Pour les apparences du pouvoir, car c'est de ça qu'il s'agit ici, je donnerais Obama favori en novembre 2012.... et je m’attends au pire.
Pierre JC Allard