Ratko Mladic et Srebrenica : entretien exclusif de 1995 avec CNN jamais paru dans les médias (1/3)

par Al West
mercredi 23 mai 2012

En 1995, un mois seulement après le massacre de Srebrenica et trois semaines après que le tribunal de La Haye a porté plainte contre Ratko Mladic, une équipe de télévision de CNN a réussi à rencontrer et interroger le général serbe. Seulement, malgré le degré d'importance extrême de cet entretien, ces enregistrements ne furent jamais révélés. Les cassettes sont restées pendant plus de 16 ans dans des archives privées en Bosnie-Herzégovine et n'ont été rendues publiques qu'en juillet 2011. En septembre 2011, le tribunal de La Haye a fait savoir qu'il n'avait jamais eu connaissance de l'existence de ces cassettes malgré le fait que l'entretien ait été conduit par des médias occidentaux.

Disclamer : Cette traduction n'est donnée qu'à titre indicatif et son auteur ne saurait être tenu pour responsable de l'inexactitude de certains propos. Le texte original en anglais est disponible ici.

Début de la partie 1/3.

CNN : Au vu de la longue histoire du peuple serbe, comment décririez-vous la crise actuelle causée par le nombre important de réfugiés de la République serbe de Bosnie ?

RM : Avons-nous commencé l'entrevue ?

CNN : Vous pouvez commencer à parler.

RM : Très bien. Les Serbes ont vécu au sein des territoires desquels ils viennent d'être chassés depuis des siècles. De très vieux monastères de l'Église orthodoxe serbe sont situés sur le territoire de la République serbe de Bosnie. Certains sont vieux de plus de mille ans. Les Serbes sont les plus vieux occupants de ces territoires. Il existe des preuves historiques et scientifiques de cela. L'exode des Serbes depuis leurs foyers centenaires est peut-être l'une des plus grandes tragédies dans l'histoire du peuple serbe en général. Il pourrait être comparé à la tragédie de 1915, quand l'armée serbe dût quitter la Serbie pendant la première guerre mondiale. Mais grâce à l'assistance des armées alliées après quatre ans d'une guerre sanglante, l'armée serbe put revenir sur ses terres. Cette tragédie est encore plus terrible parce que, malheureusement, elle se déroule à la fin du vingtième siècle. Tristement, mais la communauté internationale n'en a pas connaissance : nous avons été diabolisés à cause du blocus médiatique et n'avons pu dire au monde notre tragédie et notre souffrance lors de cette guerre, pas plus que l'exode incroyable du peuple serbe. Nous ne voulons pas de compassion ; nous voulons juste que le monde sache la vérité.

CNN : Pourquoi vos forces n'ont pas été en mesure d'aller porter secours aux Serbes de Krajina et empêcher leur tragédie ?

RM : Nous les avons aidés autant que possible à ce moment. Je vais être assez franc : la Croatie et ses unités armées étaient présentes en Bosnie-Herzégovine dès que la guerre se déclara là-bas. L'embargo sur les armes n'était pas observé. Au contraire, certains pays de la communauté internationale ont tout fait pour armer les forces musulmo-croates ; des pays tiers ont envoyé des experts hautement qualifiés pour entraîner leurs armées et les aider à planifier et à exécuter leurs opérations militaires. Malheureusement, la mauvaise image de l'armée serbe, et des Serbes en général, créée par les médias a conduit à une approche inégale et biaisée à propos des belligérants par une majorité de la communauté internationale qui a pris le parti des Croates et des Musulmans, qui sont ceux qui ont déclenché cette guerre sanglante au sein du territoire de l'ex-Yougoslavie. Une résolution des Nations Unies a été scandaleusement violée sous les yeux de la communauté internationale, et un pays qui était le co-fondateur de la Société des Nations et l'un des fondateurs des Nations Unies fut détruit sans aucune raison.

CNN : Pensez-vous qu'il soit envisageable que Krajina soit reprise un jour ? Quels plans avez-vous pour la reprendre ?

RM : Je vais non seulement m'employer à donner une réponse exhaustive a la première question mais aussi répondre à celle d'après.

Le centre de pouvoir qui se tient derrière l'intégralité de la crise en ex-Yougoslavie et qui continue sa désintégration a diabolisé les Serbes et a encouragé les forces qui se sont retirées de l'ex-Yougoslavie par des méthodes violentes de sécession ; jusqu'à ce jour, ces forces ont reçu, malheureusement, tout type de soutien ; et pas uniquement dans les médias. Elles ont été soutenues politiquement, diplomatiquement, économiquement et, tristement, militairement. Il va de soi que non seulement des menaces et des ultimatums ont été utilisés à notre encontre, mais également la force brute, malheureusement ; non seulement par l'OTAN mais aussi, et c'est particulièrement douloureux, par des pays qui étaient les alliés traditionnels de la Serbie lorsque des cataclysmes se produisirent au cours des première et seconde guerre mondiales.

En ce qui concerne votre seconde question, nous, les Serbes, n'abandonnerons jamais notre terre car elle est ce que nous avons de plus sacré. Cette région est irriguée par du sang serbe. Les Serbes de la République serbe de Bosnie ont survécu aux empires turc et austro-hongrois et n'ont jamais quitté leurs foyers. Cela signifie que ces empires, historiquement considérés comme impitoyables, n'ont pas expulsé le peuple serbe de son territoire contrairement à l'armada fasciste contemporaine du président Franjo Tudjman, de ses sponsors et de façon regrettable, de pays de la communauté internationale qui ont joué un rôle sale dans tous ces événements.

CNN : Parlons de la puissance de l'armée croate. Comment comptez-vous retourner à Krajina ? Quel est votre plan ?

RM : L'armée croate n'a jamais présenté et ne présentera jamais de puissance militaire sérieuse sans le soutien de ses sponsors et de certains pays du bloc germanique dont l'Allemagne est aux commandes. Avec l'aide de la mafia internationale et de criminels, ils ont réussi à se doter de quantités incroyables d'armes et de munitions récupérées dans les dépôts de l'ancienne armée soviétique en Allemagne de l'est et dans les pays du pacte de Varsovie. J'aimerais, si je le pouvais, grâce à votre chaine de télévision, mettre en garde la communauté internationale : ces forces se sont engagées sur un chemin très dangereux parce que je suis absolument confiant que pas une seule personne impliquée dans les combats au sein de ce territoire n'a besoin d'armes ou de munitions. Je suis sûr que je partage l'opinion de tous les belligérants, qui est que nous ne devrions pas combattre au sein de ces territoires pour des intérêts étrangers et les intérêts des centres de pouvoir mondiaux. Des personnes réalistes et modérées devraient être envoyées dans ces territoires, des personnes qui peuvent contribuer a établir la paix, qui peuvent arrêter la guerre, nous permettre de retourner à une vie normale et reconstruire nos villes et nos villages détruits, parce que les Balkans sont une région stratégiquement vitale pour l'Europe et le monde entier, et un simple souffle de guerre – que dire d'un ouragan ? – fait peser une menace, non seulement sur les peuples des Balkans, mais sur le monde entier, sur l'histoire de plusieurs siècles de cette planète et particulièrement sur l'histoire des peuples qui ont vécu et vivent toujours dans les Balkans.

CNN : Cela signifie-t-il que vous allez essayer de la reprendre militairement ? Des plans sont-ils à l'étude pour s'emparer de Krajina ?

RM : S'il était question de tels plans, alors il serait impossible pour nous de nous « emparer » de ce qui est à nous ; nous pourrions seulement « libérer » cette région. Nous nous rencontrons pour la première fois et avant cela je ne savais même pas que vous existiez en tant qu'être humain sur cette planète. C'est mon défaut. Mais j'aimerais que vous vous demandiez si les Serbes ou moi-même, en tant que chef d'état major de l'armée de la République serbe de Bosnie, avons ne serait-ce qu'un seul soldat ou qu'un seul équipement militaire dans le territoire de n'importe quel autre pays ou de n'importe quel autre peuple. Je vous répondrais “Bien sûr que non !” parce que mon peuple n'a jamais été un occupant. Les Serbes n'ont jamais conquis ou occupé des territoires autres que les leurs, même lors de cette guerre. Ce n'est pas le peuple serbe qui a déclaré ou provoqué cette guerre. Au contraire, la coalition musulmo-croate a déclaré la guerre aux Serbes en 1991 et 1992. Il y a quelques semaines, nous avons annoncé une situation militaire pour nous défendre des forces musulmo-croates et de leurs sponsors internationaux qui ont amené des mercenaires assassins depuis l'Iran et certains pays occidentaux. Laissez-moi vous dire une dernière chose pour vous informer. J'ai dit un jour que toutes les armes produites dans le monde, exceptées les armes sous-marines et nucléaires, avaient été testées sur nos citoyens récemment. Je ne sais pas si, en tant que journaliste de CNN, vous oserez publier ce que je vais vous dire maintenant, mais si j'étais vous, je le ferais dans l'intérêt de la paix. J'ai été le témoin des largages de bombes par des F-16 et d'autres avions sur nous. Ce qui nous a le plus blessé à ce moment n'était pas tant que nos enfants mourraient sous ces bombes, mais la décision irréaliste des descendants de ceux qui ont combattu aux côtés de nos pères et de nos grands-pères au cours des première et seconde guerre mondiales contre le Diable. Alors que les ancêtres de ceux qu'ils supportent maintenant se réfugièrent dans les tranchées du camp opposé et combattirent aux côtés des hordes austro-hongroises et de Hitler. Malheureusement, c'est l'une des illusions de ce monde et également l'une des vérités les plus tragiques de cette guerre lugubre dans laquelle de nombreuses parties sont impliquées.

CNN : Il y a cette terrible crise des réfugiés et de tout ce qui est arrivé aux Serbes de Krajina la semaine passée, et au même moment, il y a de nombreuses discussions venant de Washington à propos de ce qui s'est passé à Srebrenica. Des photos de surveillance seraient censées montrer des fosses communes d'hommes musulmans. Des milliers de Musulmans sont portés disparus. Y a-t-il des fosses communes en dehors de Srebrenica ? Qu'est-il arrivé aux milliers d'hommes et d'adolescents musulmans portés disparus ?

RM : Je peux vous dire que, en avril 1993, un accord a propos de Srebrenica a été signé. Il définissait clairement Srebrenica comme une zone démilitarisée où aucune force militaire ne pouvait être présente à l'exception de soldats des Nations Unies. La République serbe de Bosnie a coopéré avec les soldats des Nations Unies et a porté assistance aux populations civiles musulmanes qui restaient pacifiquement à Srebrenica, Zepa, Gorazde, Sarajevo et Bihac depuis trois ans. Mais au lieu de désarmer les formations musulmanes, comme elles s'étaient engagées à le faire dans l'accord sur Srebrenica signé par le général Morillon et moi-même, les forces des Nations Unies ont transformé ces régions sécurisées en bases terroristes et fondamentalistes depuis lesquelles nos villages et nos villes étaient attaqués. Les Musulmans de Srebrenica et de Zepa ont brûlé plus de 200 villages serbes aux alentours de ces deux villes et ont tué et massacré massivement toutes les populations civiles serbes dans de nombreux autres villages. Au travers de nos contacts avec l'autre camp – particulièrement avec les dirigeants de la FORPRONU – et les institutions internationales appropriées, tenus au niveau gouvernemental, le président et moi-même avons prévenu que les formations musulmanes devaient être désarmées et que la région sécurisée devait être intégralement démilitarisée, ce qui n'a pas été fait.

CNN : Qu'est-il arrivé aux hommes et adolescents musulmans portés disparus ?

RM : Laissez-moi vous donner une explication plus complète. J'apprécie votre curiosité journalistique mais j'aimerais que vous écoutiez la genèse de ce sujet de façon que vous puissiez en avoir une image claire, car des questions catégoriques et des réponses courtes et fragmentaires peuvent créer une fausse image dans les médias, particulièrement à la télévision. Elles peuvent être transformées et utilisées à certaines fins, ce qui a été fait de nombreuses fois au cours de cette guerre à notre désavantage. Depuis 1993, nous n'avons pas entrepris une seule action contre Srebrenica ou Zepa malgré le fait que nous assistions à l'armement du camp musulman. Parfois, ils utilisaient même des hélicoptères pour acheminer par voie aérienne des armes et d'autres équipements de combat depuis l'Iran. Nous avons abattu l'un de ces hélicoptères près de Zepa il y a deux ou trois mois. Ce qui s'est passe à Srebrenica et à Zepa n'aurait jamais eu lieu si les Musulmans n'avaient pas lancé une attaque depuis Srebrenica et Zepa qui faisait partie d'une offensive pour libérer et lever le siège de Sarajevo. Les Musulmans ont attaqué l'enclave de Sarajevo, également considérée comme une zone sécurisée, bien que cela n'ait pas été défini en tant que tel par les deux parties. L'attaque musulmane fut exécutée exactement depuis la zone d'exclusion des Monts Igman et Bjelasnica de laquelle la République serbe de Bosnie avait retiré ses forces en 1993 et qui avait été rendue en toute confiance aux forces de maintien de la paix avec l'intention d'y empêcher la présence à la fois de nos armées et de celles des Musulmans. Mais les forces musulmans ont utilisé cette situation à leur avantage. Les médias du monde entier, dont votre chaîne, ont suivi l'offensive musulmane dans et contre Sarajevo et, autant que je sache, vous n'avez pas pris position ou condamné cette offensive lancée depuis la zone d'exclusion de Sarajevo.

CNN : Avec tout le respect que je vous dois, pourquoi ne pouvez-vous pas répondre à ma question à propos de Srebrenica ? Le monde veut savoir pourquoi ces fosses communes existent, si ces photos de surveillance sont réelles et ce qui est arrivé aux adultes et adolescents musulmans.

RM : Oui, bien sûr. Avec encore plus de respect, je vous demanderais d'être un peu patient et d'écouter ce que je vais vous dire parce que je vais vous dire la vérité à propos de ce qui s'est exactement passé ; même la science ne peut pas réfuter ces faits parce que ce que je relate a été filmé. Donc un jour, vous et le monde entier seront correctement informés.

En même temps que se déroulait le plus important et le plus difficile combat près de Sarajevo, les Musulmans de Srebrenica et de Zepa ont lancé des attaques terroristes à grande échelle depuis ces deux villes les 26 et 27 juin, à la veille de la fête nationale serbe du Vidovdan. Ils ont incendié le village de Visnjica.

Aparté – le cameraman doit changer de cassette :

RM : Les médias ont un pouvoir illimité, un immense pouvoir et c'est une bonne chose qu'ils en apprennent plus à propos de ces événements.

Autant que je puisse en juger, ce cameraman est très patient et charmant.

CNN2 : Nous pouvons vous parler toute la journée si vous nous en donnez le temps.

RM : Je ne vais pas avoir le temps de vous parler toute la journée mais j'espère qu'un jour nous aurons l'opportunité de nous parler dans d'autres circonstances, en des moments plus heureux et plus pacifiques.

Fin de la partie 1/3.


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