RD Congo-Kabila : Se maintenir au pouvoir malgré le fiasco

par MUSAVULI
samedi 8 août 2015

Deux avions d’occasion achetés à crédit et célébrés en grande pompe par l’ensemble du gouvernement. Des spectacles organisés à travers le pays comme à Goma pour l’anniversaire de la première dame. Des inaugurations, y compris des bâtiments déjà inaugurés. Un sondage bidon revendiquant 60 % d’intentions favorables au maintien du Rais au pouvoir… Joseph Kabila et ses fidèles se battent comme un diable pour assurer leur maintien au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de décembre 2016. Il faut juste espérer que ces manœuvres de désespoir seront vouées à l’échec. Parce que la réalité des 14 ans de sa présidence est celle d’un fiasco politique, et aucune perspective d’amélioration de la situation n’est envisageable à l’allure où vont les choses. 

La capitale mondiale de la pauvreté et du viol

Après ses 14 ans de règne, l’Homme de Kingakati[1] est à la tête du pays classé « le plus pauvre de la planète » selon les rapports du PNUD, le programme des Nations Unies pour le Développement, en dépit des immenses ressources dont regorge le pays, des ressources minières notamment. L’homme aura entraîné le pays potentiellement le plus riche d’Afrique à la dernière place du classement mondial de la pauvreté. Où sont passées les richesses du Congo au cours des 14 années de la présidence-Kabila ?

Plus sordide, le Congo est considéré comme la capitale mondiale d’un crime abject : le viol. Dans n’importe quelle société, on juge la valeur d’un homme par sa capacité à protéger la femme. En 14 ans de règne, Joseph Kabila est à la tête d’un pays considéré comme le sanctuaire des violeurs de tous poils. Il a pourtant à sa disposition 140 mille soldats et 107 mille policiers. Il bénéficie du soutien de 20 mille casques bleus fournis par 53 Etats membres de l’ONU. Et il présente le pays considéré par l’ONU comme « le pire endroit au monde pour vivre lorsqu’on est une femme », en raison de l’ampleur des viols et la garantie d’impunité assurée aux prédateurs sexuels (nationaux et étrangers)

Par ailleurs, sur le plan économique, le critère qui sert le plus souvent à juger la performance d’un homme politique, non seulement le Congo est classé tout dernier sur la liste des pays les plus pauvres du monde, mais, pire, il est parmi les pays les plus corrompus de la planète.

Le champion de la corruption

L’Organisation Transparency international en est même arrivé à la conclusion selon laquelle, le niveau de la corruption au Congo et son ampleur, sont tels qu’ils plombent le développement du pays. Autrement dit, si vous voulez investir au Congo, vous devez vous préparer au fait que la corruption peut ruiner vos investissements. Un président qui aura entrainé son pays dans une telle calamité veut faire croire au monde qu’il mérite de rester au pouvoir. Pour amener le pays où ? Dans toujours plus de corruption ?

Sur le plan du respect de la vie humaine, le Congo a connu des guerres d’agression et de massacres de la part de deux de ses deux voisins (le Rwanda et l’Ouganda). Ces guerres ont causé la mort de six millions de Congolais. Kabila n’a rigoureusement rien fait pour que les victimes de ces agressions, et leurs familles, obtiennent un début de justice. Pire, il a totalement fermé les oreilles sur les appels pour la création d’un tribunal pénal international pour le Congo. Il va même commettre des actes ahurissants comme la nomination des agresseurs à des hautes fonctions de l’Etat. Ainsi le criminel de guerre rwandais Bosco Ntaganda, aujourd’hui poursuivi par la Cour pénale internationale, aura le privilège d’être nommé général dans l’armée congolaise et commettre des exactions sur la population avec des armes fournies par l’Etat congolais. Un dirigeant politique capable de « bêtises » aussi énormes veut quand-même rester au pouvoir. Des « bêtises » favorisées par un autre fléau, l’effritement continu des libertés et des maigres acquis de la démocratie.

En effet, au Congo, journalistes[2], militants des droits de l’homme[3] et leaders politiques vivent dans l’angoisse d’être enlevés, torturés, emprisonnés ou assassinés. Selon un rapport de The Economist Intelligence Unit[4] (organisme qui analyse l’état de la démocratie dans le monde), le Congo ne présente aucune perspective de démocratie dans un avenir prévisible. Le bilan des 14 ans d’une présidence.

Verrous constitutionnels

Sur le plan juridique, les articles 70 et 220 de la Constitution limitent le mandat présidentiel à 5 ans, une seule fois renouvelable, ce que Kabila a déjà fait. En effet, après ses élections controversées de 2006 et de 2011, il arrive au terme de son second et dernier mandat le 19 décembre 2016. Il n’a aucun argument pour légitimer la poursuite de son bail à la tête du pays, la constitution ne pouvant être modifiée à ces articles verrouillés. Et il ne peut pas compter sur son bilan pour tenter de justifier un renouvellement de mandat.

La présidence de la république est une difficile fonction qui n’est pas à la portée de tout le monde. Mais ce qui est irréel, c’est qu’avec un bilan aussi catastrophique, on se persuade tout de même qu’on doit se maintenir au pouvoir. Reste à espérer que les Congolais, comme en janvier dernier[5], se feront à nouveau entendre pour refuser toute idée de son maintien au pouvoir.

Boniface MUSAVULI

 

 

[1] Joseph Kabila entretien un luxueux complexe résidentiel dans une des périphéries de Kinshasa, le quartier de Kingakati. C’est pourquoi on l’appelle parfois « l’Homme de Kingakati ».

[2] Dans une lettre ouverte au président Kabila datée du 28 novembre 2014, Reporters sans frontières rappelle la liste des assassinats de journalistes pour lesquels la lumière n’a jamais été faite : Bapuwa Mwamba, tué par balles en 2006 à Kinshasa, Mutombo Kayilu, poignardé près de Lubumbashi en 2006, Patrick Kikuku, tué à Goma en 2007, Patient Chebeya Bankome, abattu à Béni en 2010, Kambale Musonia, assassiné à Kirumba en 2011, Guylain Chandjaro tué en Ituri en 2013, Kennedy Germain Mumbere Muliwavyo tué à Beni en 2014. Cf. Christophe Deloire, « TRISTE BILAN POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EN RDC », Rsf, 28 novembre 2014.

[3] Le plus célèbre militant des droits de l’homme du pays, Floribert Chebeya, a été assassiné par la police à Kinshasa le 01 juin 2010. Au cours du procès qui s’en est suivi, on a vu les accusés, tous membres de la police nationale, ricanant entre eux, comme pour célébrer l’assurance de leur impunité. Cf. film de Thierry Michel : « Affaire Chebeya, une affaire d’Etat ? », Les Films de la Passerelle, 2012.

[4] Dans son rapport 2013, The Economist Intelligence Unit (organisme qui analyse l’état de la démocratie dans le monde) place le Congo à la 159ème position sur 167 pays en termes des critères internationaux de la démocratie.

[5] Un projet de loi conditionnant la tenue de l’élection présidentielle au recensement préalable de la population a provoqué un soulèvement populaire à Kinshasa et dans plusieurs villes de l’intérieur en janvier 2015. Le texte a finalement été élagué de la disposition controversée, mais le risque d’un glissement du calendrier électoral est toujours bien réel. 


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