Référendum sur l’indépendance : Londres menace l’Ecosse de rétorsions en cas de « oui »

par Conseillervérif
mercredi 27 août 2014

Le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse doit se tenir le 18 septembre prochain. Face à la montée en puissance du "oui" dans les sondages, (40% de oui, 15% d'indécis en avril dans un sondage) Londres, inquiet, redouble d'efforts pour décourager ou même semer la peur chez les partisans de l'indépendance. Notamment en intensifiant sa campagne, basée notamment sur ses mesures de rétorsion envers son potentiel futur état voisin. Sans discuter du bien-fondé ou non de l'indépendance ou du maintien dans le giron britannique de l'Ecosse, retour sur l'attitude politique de Londres. 

 
Traitement sans concession
 
L'attitude que Londres veut avoir si l'Ecosse venait à choisir la voie de l'indépendance peut se résumer à elle seule dans les déclarations de M. Carmichael, ministre en charge des questions écossaises au gouvernement britannique. « Si l'Écosse choisit de devenir un pays étranger au Royaume-Uni, elle sera traitée comme un pays étranger par le Royaume-Uni. »
 
En effet, face à l'inquiétude de perdre l'Ecosse, le gouvernement britannique a sa propre stratégie : Pas celle de discréditer les politiciens pro-indépendance écossais, pas celle de se livrer à d'interminables querelles idéologiques sur telle ou telle question de l'indépendance écossaise. Non, plutôt celle, très pragmatique, de dévoiler ce qu'ils imposeront à l'Ecosse. Sans concession. Sans amitié. Sans aide quelconque. Quitte à faire primer la peur et l'incertitude sur la volonté des Ecossais dans leur référundum. 
 
Pas d'Union Européenne
 
Très paradoxalement, alors que les Ecossais sont beaucoup plus favorables à l'Union Européenne que le reste des Anglais, c'est David Cameron, premier ministre britannique aux tendances eurosceptiques, qui tente d'instrumentaliser la question de l'UE contre les Ecossais. En effet, en cas d'indépendance, l'Ecosse serait favorable à rester dans l'UE. Rester, pas y adhérer, là est la nuance. Selon les indépendantistes écossais, l'idéal serait que l'Ecosse, dès son indépendance, soit le potentiel 29ème état membre de l'UE.
 
Pas question rétorquent les Britanniques. Et ils insistent : Si l'Ecosse veut entrer dans l'UE, très bien, mais alors, elle devra passer par sa candidature et une procédure d'adhésion au même titre que les ex- pays communistes d'Europe centrale, par exemple. Et cette procédure risque de se révéler très longue, d'autant que la Grande-Bretagne enfonce le clou : elle n'écarte pas l'option de tout simplement bloquer les avancées des négociations d'adhésion, si elles venaient à s'ouvrir. Ce qu'elle a entièrement le droit de faire vu que la Grande-Bretagne est un Etat membre de l'UE à part entière, ce que ne sera pas une nouvelle Ecosse indépendante. 
 
Quant à Barroso, ex-président de la commission européenne, il a été obligé de rejoindre la position des Britanniques. Car en effet, vu la montée des séparatismes en Europe (notamment en Espagne), il y a beaucoup de monde dans l'UE qui ne souhaite absolument pas que l'Ecosse crée un précédent regrettable en devenant trop facilement membre de l'UE. Ce qui soutiendrait évidemment (en toile de fond) leurs propres séparatismes...
Ce qui a poussé Barroso, en février, à ouvertement lancer un avertissement très fort aux Ecossais : Il sera « extrêmement difficile, voire impossible » pour une Ecosse indépendante d'adhérer à l'UE. Néanmoins, les choses pourraient changer avec le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Se souvenant de la farouche hostilité de Cameron à sa nomination, il se venge un peu de celui-ci en déclarant qu'il est en faveur d'une adhésion à l'UE facilitée pour l'Ecosse indépendante.
 
Pas de livre sterling
 
L'indépendance de l'Ecosse ne signifie pas couper complètement les ponts avec la Grande-Bretagne. Les indépendantistes écossais se sont dits favorables à garder le Livre Sterling comme monnaie. Et cela notamment afin de rassurer les entreprises écossaises dans leurs accès futurs aux marchés internationaux. 
 
Pas question, dit Londres. Le ministre des finances britannique George Osborne a fait une déclaration en avril 2013 dans laquelle il a menacé les Ecossais de l'apocalypse économique si ils venaient à devenir indépendants.
 
Et pour cela, il a notamment tenu à doucher les espoirs des indépendantistes : autoriser l'Ecosse à garder la livre sterling signifierait que la Grande-Bretagne devrait "avec ses 58 millions de personnes, abandonner une part de sa souveraineté à 5 millions d'Ecossais". Donc : Il n'y aura pas de livre sterling. Et cela fait consensus : Conservateurs, libéraux-démocrates et travaillistes de Londres sont tous d'accord sur ce point. 
 
 
L'économie 
 
Mais Londres a une épine dans le pied. Sur la question de l'économie, les indépendantistes ont deux points forts :
Le premier, c'est que l'Ecosse possède une grande partie des réserves pétrôlières de la mer du nord, un trésor qui représente 7 à 11 milliards d'euros par an rien que dans le budget britannique. Mieux, avec la manne pétrôlière, certains disent que l'Ecosse pourrait devenir le 14ème pays le plus riche du monde ! 
La question est si épineuse qu'en février 2014, le conseil des ministres britannique a eu lieu à titre symbolique dans le port pétrôlier d'Aberdeen pour combattre l'idée d'indépendance écossaise. C'est seulement la 3ème fois en 100 ans qu'un tel conseil des ministres s'est tenu en Ecosse !
 
Le deuxième, c'est que la politique économique des autorités de Londres n'est pas forcément celle qui serait optimale pour l'Ecosse, et cela, beaucoup en ont conscience. Ainsi, à titre d'exemple, Londres a augmenté les taux d'intérêt pour lutter contre la hausse des prix de l'immobilier à Londres. Mais cette mesure, qui ne cible que la capitale, a évidemment des effets étatiques dans toute la Grande-Bretagne, y compris l'Ecosse donc, où elle a des effets contraires : elle provoque des dommages indirects à l'économie écossaise.
Un argument repris par les indépendantistes écossais, qui dénoncent le balottage des entreprises écossaises à cause de la politique et de la volatilité des autorités londoniennes. 
 
Néanmoins, la Grande-Bretagne tente de renverser la vapeur à son avantage : si indépendance il y avait lieu, l'Ecosse devrait de toute façon reprendre une partie de la dette publique britannique, contractée du temps où Ecosse et Grande-Bretagne n'étaient qu'un pays uni. Peu importe que cette dette publique ait plus profité à l'Angleterre qu'à l'Ecosse.
 
Ainsi, si l'Ecosse devait devenir indépendante, elle pourrait selon certaines estimations avoir une dette immédiate et artificielle de 85% de son PIB. Pour un nouveau pays, c'est énorme !
Et la Grande-Bretagne ne tient à faire aucun cadeau : elle essayera de se décharger du maximum possible au détriment des Ecossais.
En outre, jusque-là, la construction des navires de guerre britanniques se faisait dans les chantiers navals de Glasgow. Le gouvernement de Londres a prévenu qu'il envisagerait la fin complète de ces contrats.
Portant un coup dur aux emplois locaux (qui sont nombreux dans le domaine de la défense).
 
Campagne de Cameron
 
Et enfin, comme les menaces ne suffisent pas, Londres fait une campagne de charme : Cameron se sait menacé car il ne tient pas à être le premier ministre sous lequel l'Ecosse aura quitté la Grande-Bretagne. Cela aurait des conséquences très négatives tant pour son image que celle de son parti, ce qui ne sera pas de bon augure lors des prochaines échéances électorales. (il a d'ailleurs déja clairement averti, au cas où, que même si l'Ecosse venait à devenir indépendante, il ne démissionnerait pas à cause de ça.)
 
Et donc, Cameron, à l'approche du référendum, a décidé de pleinement entrer dans la campagne. Et a pour cela fait un discours idéologique louant l'union de l'Ecosse et de la Grande-Bretagne et appelant les Ecossaisà renoncer à leur idée d'indépendance. Le tout assorti de références rassurantes à une déclaration commune des travaillistes et des conservateurs visant à promettre aux Ecossais qu'ils auront plus de pouvoirs locaux, notamment dans le domaine de leur propre fiscalité, dès mai 2015. Cette déclaration est déja considérée par certains comme de vagues promesses qui disparaîtront dès la victoire du "non", si non il y a.
 
En outre, Cameron a volontairement "omis" de faire des déclarations sur le fait que son propre parti politique, autant que les travaillistes, se sont bien impliqués depuis Londres à combattre le référendum de septembre qui n'est pourtant théoriquement qu'une question écossaise...

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