Réponse aux motivations politiques de la Chine dans ses exécutions au Tibet

par Tibet Libre
samedi 31 octobre 2009

Quatre Tibétains d’une vingtaine d’années, accusés d’avoir participé aux manifestations au Tibet en mars 2008 ont été exécutés à Lhassa par l’armée chinoise le 20 octobre 2009. L’information a été donnée par le Gu-Chu-Sum, une association d’anciens prisonniers politiques tibétains basée à Dharamsala, dans le nord de l’Inde. Il s’agit de Lobsang Gyaltsen, Loyak, Penkyi et d’un quatrième supplicié non identifié.

On espérait pourtant que les voix nombreuses qui se sont élevées au niveau international pour le Tibet pourraient convaincre le Parti communiste chinois de ne pas exécuter ces condamnés. Tous les éléments dont nous disposons indiquent une motivation politique des autorités chinoises dans le déroulement des condamnations et des exécutions.


Rappelons les faits. Le 14 mars 2008, des troubles ont éclaté au Tibet après 4 jours de manifestations pacifiques menées par des moines tibétains. Sans que l’on sache exactement ce qui s’est produit, des commerces ont été saccagés et pillés, et selon les officiels chinois, 22 personnes auraient trouvées la mort. Selon le gouvernement tibétain en exil, les autorités chinoises répondirent par une répression qui fit au moins 220 morts et environ 7.000 personnes ont été arrêtées. Les autorités chinoises ont condamné 21 Tibétains, dont 9 à mort. Les condamnations à la peine capitale furent annoncées début avril 2009, concernant de jeunes hommes tibétains accusés d’incendies lors des manifestations. Quelques semaines plus tard, ce furent des jeunes femmes tibétaines dont les autorités chinoises annoncèrent la condamnation à mort.

Malgré la mobilisation des associations, près de 6 mois après les condamnations, 4 des 9 condamnés à mort viennent donc d’être exécutés. Autour de la procédure judiciaire, c’est l’opacité. Les procès furent réalisés à huit clos, laissant penser que les condamnés n’ont pas eu droit à un procès équitable. Les accusés ont-ils réellement incendiés des bâtiments, où ont-ils avoué sous la torture systématique dans les prisons chinoises ? Quand bien même ces personnes seraient impliquées dans des incendies, un État de droit peut-il les condamner à la plus lourde peine, alors que selon toute vraisemblance, leur intention n’était pas d’entraîner la mort, sans tant est qu’ils ont incendiés des bâtiments ? Autant de questions qui suggèrent que le verdict et les exécutions sont politiques.

Le Réseau International de Soutien au Tibet (International Tibet Support Network, ITSN), rassemblant 166 associations de soutien au Tibet, affirme que ces exécutions violent les normes judiciaires internationales, et ont une motivation politique. Dès le 2 avril 2008, le vice-gouverneur de la Région autonome du Tibet appelait à frapper la "clique du Dalaï Lama" et à une justice en accord avec la politique du Parti communiste chinois. L’agence Chine-Nouvelle, organe de Propagande du Parti, déclara le 8 avril 2008 qu’ils "devaient être exécutés pour apaiser la colère du peuple". Le 19 mars 2008, avant toute décision d’un tribunal, le parquet de Lhassa a annoncé que les violences à Lhassa "ont été organisées, planifiées et préméditées par la clique du Dalaï Lama", et que dans le cas des 24 suspects formellement arrêtés ce jour-là "les crimes étaient clairs et les éléments de preuve suffisants" pour déterminer qu’ils avaient commis "des crimes de sécurité contre l’Etat." En d’autre terme, il fallait des coupables, des exemples pour terroriser ceux qui, courageusement au Tibet, demandent la justice et la liberté, au prix de leur vie.

Lhadon Tethong, présidente de l’association Étudiants pour un Tibet libre a déclaré : "Ces exécutions, les premières exécutions connues de Tibétains depuis 2003, sont une parodie de justice et le signal d’une escalade alarmante de la campagne de violence du gouvernement chinois pour punir, intimider, et réduire au silence les Tibétains qui osent s’élever contre la domination chinoise. Les Tibétains et leurs partisans dans le monde entier porteront ces faits à la connaissance du public dans les prochains jours pour condamner ces exécutions et demander une action immédiate de la part de nos gouvernements. Nous demandons également au président américain, M. Obama, de condamner ces exécutions et de prendre des mesures audacieuses et concrètes pour mettre fin à l’occupation chinoise du Tibet quand il fera sa première visite présidentielle en Chine le mois prochain". 

Réagissant à l’exécution des Tibétains, le député Lionnel Luca, président du Groupe d’études sur le problème du Tibet à l’Assemblée nationale, dénonçait aussi la signature à Pékin par Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, d’un protocole entre son parti et le Parti communiste chinois. Il remarque : « le même jour, trois Tibétains - deux hommes et une femme - étaient exécutés par l’armée chinoise pour leur rôle dans les émeutes de l’an dernier. Et je ne suis pas loin de penser que ce n’est pas une coïncidence de faire ça, ce jour-là. De ça, Xavier Bertrand n’en dit pas un mot. Les manifestations au Tibet n’avaient qu’une seule revendication : la liberté. Je suis écoeuré que mon parti soit du côté des tyrans et non des résistants. » Lionnel Luca décida immédiatement de se mettre en congé de l’UMP pour son fonctionnement interne, et le fit savoir. Il faut préciser que Xavier Bertrand avait déclaré le 22 octobre que "Ce protocole veut dire une meilleure compréhension, une meilleure connaissance et beaucoup plus d’échanges" entre le parti communiste au pouvoir en Chine et le parti de droite au pouvoir en France, et que les deux partis ont décidé d’organiser tous les deux ans "un événement qui donnerait un relief particulier à ce protocole". Dans un passé récent, il était plus habituel de croiser les cadres du parti communiste chinois au siège de parti communiste français et à la Fête de l’Humanité, comme le 10 et 12 septembre dernier, même si la langue de bois du communiqué conjoint concluant que « les deux délégations ont décidé de tourner leur relation et leur action vers l’avenir » laissait supposer de profondes divergences comme en atteste la déclaration en août 2008 de Marie-George Buffet en faveur du « respect de la culture tibétaine et des droits du peuple tibétain ». Doit-on conclure de cette nouvelle et inhabituelle alliance que le parti communiste chinois a définitivement perdu tout ses idéaux d’antan, et que l’UMP oublie les siens dans ce protocole d’accord ?

De son côté l’Union européenne, opposé par principe à la peine de mort, vient de condamner les exécutions et demande à la Chine de commuer les autres condamnations à mort prononcées contre des personnes présumées avoir participé aux troubles de Lhassa en mars 2008.

Nous pensons qu’il faut aller plus loin. Car, le Tibet, quasiment fermé aux journalistes depuis mars 2008, vie sous la terreur et la loi martiale de facto, l’armée chinoise patrouillant jour et nuit. Au Tibet, arrestation signifie prison, torture, et risque d’exécution. C’est pourquoi nous demandons à toute personnalité politique, députés, sénateurs, maires, qu’elles s’adressent aussi aux dirigeants chinois pour condamner ces exécutions, et faire commuer toutes les condamnations à mort restantes. Enfin, ces élus peuvent influer pour faire nommer un représentant spécial de l’UE pour le Tibet afin de relancer des négociations entre les instances tibétaines en exil et le gouvernement chinois qui a mis fin à toute discussion depuis 2008.


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