Révolution avortée en Libye ? (2)

par GHEDIA Aziz
lundi 11 avril 2011

Ben oui, le gendarme du monde, les USA pour ne pas les nommer, veille au grain : aucune goutte de pétrole ne doit partir ni à gauche ni à droite. Voilà pourquoi la France de Sarkozy est vite remise à l’ordre et l’intervention militaire en Libye est confiée à l’OTAN. Car qui dit OTAN dit USA. Est-il exagéré de dire que tous les autres, c'est-à-dire tous les pays qui font partie de la coalition, se comportent comme des vassaux ? Mais vassaux par rapport à qui ? Par rapport aux USA ? Par rapport au couple franco-britannique qui pour la première fois mène la danse des Sioux ou le bal des vampires ? That is the question ! 

Ceci dit, revenons maintenant à l’idée de départ qui nous a poussé à rédiger cet article. Presque à la hâte, il faut le dire, puisque les évènements s’accélèrent et influent les uns sur les autres. L’idée de départ était que je devais parler de ce qui se passe actuellement en Libye sans parti pris ni prise de position en faveur d’un camp ou d’un autre. Je devais donner mon avis de simple citoyen qui suit de loin les évènements comme je l’ai déjà fait pour la révolution tunisienne. Or, même si les causes qui ont conduit la « rue arabe » à se soulever, du Maroc au Yémen, sont pratiquement les mêmes, l’action des manifestants qui contestent l’ordre établi dans chacun de ces pays puis la réaction des régimes républicains, monarchistes ou autres depuis longtemps en place dans ces pays n’ont pas été les mêmes. En Tunisie, « la rue » a été à la hauteur de l’évènement : mobilisée H 24 mais sans sombrer dans le chaos et l’anarchie. Elle était bien encadrée par l’UGTT et par les intellectuels tunisiens qui ont fait preuve d’une véritable conscience politique. Résultat : malgré ses premières tergiversations, l’ex Président Ben Ali avait compris que la situation politique dans son pays lui échappait complètement et définitivement et il ne lui restait donc qu’à prendre ses cliques et ses claques. Après lui, il n y a pas eu le déluge ! Les tunisiens, même s’il leur reste encore un long chemin à faire pour pouvoir asseoir une véritable démocratie, peuvent d’ores et déjà goûter au fruit de leur révolution. Le clan, de celle qu’on appelait « la régente de Carthage », est tombé, mais Carthage est toujours debout. Carthage panse ses blessures, l’œil rivé sur l’avenir. Carthage a donné l’exemple. Elle a ouvert la voie, une brèche vers la démocratie. Aux autres peuples arabes de suivre, de s’y engouffrer !

La chute du Président tunisien Ben Ali et sa fuite vers l’Arabie Saoudite a galvanisé les foules arabes non seulement à Tunis mais aussi … au Caire où les manifestants occupaient la place Tahrir depuis quelques jours déjà. L’on disait alors que l’Egypte est un cas particulier, que son régime était difficile à faire tomber parce que, pour des raisons géostratégiques, il était, de toute évidence, soutenu par les Etats-Unis. Mais, devant l’ampleur de la mobilisation des citoyens du Nil (plus d’un million de personnes pendant plusieurs vendredi de suite) et leur détermination à faire tomber le pharaon Hosni Moubarak, au pouvoir depuis plus de trente ans, ni les Etats-Unis ni une autre puissance ne pouvaient faire quoi que ce soit. Ils étaient réduits à de simples spectateurs tout en espérant et en priant que le nouveau pouvoir qui résulterait de cette révolution égyptienne ne remettrait pas en cause les relations diplomatiques (ainsi que les accords de Camp David) avec leur protégé de la région : Israël.

Une révolution réussie suivie d’une réelle démocratie en Egypte signifie qu’Israël perd, ainsi, de facto, son monopole de « seul état démocratique de la région du Moyen-Orient  ». Voila pourquoi, les pays de l’Occident et à leur tête les Etats-Unis, pris au dépourvu lors des évènements de la Tunisie puis de l’Egypte, tentent maintenant de torpiller ces dynamiques révolutionnaires en Libye, en Syrie et ailleurs, là où l’émergence d’une probable démocratie ne servira pas leurs intérêts. D’aucuns pourront, peut-être, me rétorquer que, jusqu’ici, les pays arabes du Maghreb et du Moyen-Orient où souffle ce vent de liberté sont encore loin d’être des modèles de démocratie. Très juste. Mais ne dit-on pas qu’il y a un début à tout ?

Tout le monde sait qu’une révolution c’est du sang et des larmes, des morts et des blessés, des veuves et des orphelins. Aucune révolution de par le monde et de par l’Histoire ne s’est imposée, du jour au lendemain, en un claquement de doigts. Dans ma profession de chirurgien, nous avons l’habitude de dire « qu’on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs  », en faisant allusion aux complications post opératoires et aux décès qui pourraient résulter de certains actes chirurgicaux particulièrement délicats et sanglants. Bien sûr aucun chirurgien n’accepterait de gaité de cœur cette « omelette », si j’ose dire, ni ces coquilles d’œufs vides même s’il est aussi admis que « chaque chirurgien a son cimetière ». J’ai cité ces deux adages relatifs encore une fois à ma profession de chirurgien parce que je les ai toujours trouvés plein de bons sens et de sagesse. De plus, ils peuvent parfaitement s’appliquer au contexte actuel des révolutions au Monde arabe. Une révolution est telle une omelette. On casse les œufs pour faire une omelette, n’est-ce pas ? On ne peut donc faire une révolution sans casser les hommes. Une révolution doit forcément avoir ses blessés et ses estropiés, ses charniers et ses cimetières, particulièrement lorsque, pour des raisons x, interviennent des forces étrangères. C’est à cette situation que l’on assiste malheureusement aujourd’hui en Libye. Les coalisés qui sont intervenus dans ce pays limitrophe de l’Algérie pour soit disant empêcher le fou Kadhafi de commettre un carange sur son propre peuple sont entrain de commettre à leur tour bavure sur bavure. Ils larguent leurs bombes et leurs missiles n’importe où ne faisant plus de distinguo entre les insurgés et les pro-Kadhafi ; pire que ça, ils viennent même de rejeter, et cela par la bouche même d’un haut gradé de l’OTAN, toute excuse pour ces « dommages collatéraux ». Par ailleurs le concept de « frappes chirurgicales » n’est qu’un leurre. On l’a déjà vu en Irak. On le voit aujourd’hui en Libye. Lorsqu’un chasseur bombardier passe, il ne laisse que ruine et désolation derrière lui. Ajoutez à cela l’utilisation d’armes à l’Uranium, qu’il soit appauvri ou enrichi, et vous anéantissez toute vie sur terre et cela pour une très longue période. Dans ces conditions-là, a-t-on vraiment le « droit d’ingérence » ? Encore un autre concept occidental pour faire avaler la pilule amère aux peuples sous-développés du Sud.

(1) http://www.mecanopolis.org/?p=22597

(2) http://www.voltairenet.org/article169058.html

A suivre. 

 


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