Révolution verte en Afrique : l’erreur de Kofi Annan

par Benoît Thévard
vendredi 10 septembre 2010

C’est lors d’un discours à Accra (Ghana), le 2 septembre 2010, que Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, a déclaré concernant l’agriculture en Afrique :

"Il ne s’agit pas simplement d’assurer la sécurité alimentaire, mais d’exporter"

Donc selon l’actuel président du conseil de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), il faudrait fournir des semences améliorées, transformer les produits et pouvoir les stocker durablement pour leur permettre d’être mis sur le marché.

AFP/ISSOUF SANOGO

Je suis extrêmement surpris par de tels propos, de la part d’un homme qui est né en Afrique et qui est donc supposé vouloir un avenir durable pour son continent et ses habitants.

Extrait d’un article du Monde :

"(...)Soutenu par la Fondation Rockefeller et la Fondation Melinda et Bill Gates, soutiens des organismes génétiquement modifiés - la Fondation Gates vient d’investir 23 millions d’euros dans Monsanto, l’AGRA est soupçonnée par certaines organisations non gouvernementales de vouloir favoriser une solution technologique. Namanga Ngongi, son président, s’en défend : "Nous travaillons avec des semences conventionnelles, mais il faut améliorer celles-ci. De même, la question des engrais est essentielle : l’Afrique utilise 8 kg d’engrais à l’hectare. C’est très peu. Si l’on passait à 30 kg, cela changerait le visage de l’agriculture." (...)"

Rappels sur la révolution verte, prônée par Kofi Annan en Afrique

La révolution verte a démarré en 1943 à l’initiative notamment de la fondation caritative Rockefeller (créée en 1913 par le monsieur du même nom, magnat du pétrole américain !)

La base de cette révolution est l’augmentation des rendements agricoles par la mise en oeuvre d’un tryptique : variétés à haut rendement, eau et engrais de synthèse (NPK).

Les firmes semencières ont donc tapé très fort, puisqu’elles ont réussi à convaincre le monde entier de leur acheter les graines, les engrais, les pesticides et insecticides, et tout ça en écoulant les vieux stocks de produits chimiques ultra-toxiques.

Ainsi la plupart des paysans du monde ont abandonné la connaissance ancestrale de leur terre, pour se prendre à rêver de lendemains merveilleux avec des rendements impressionnants.


 © Atlantide Phototravel/Corbis

En fait, il s’agit d’une lente transformation mondiale et d’une évolution progressive de l’appauvrissement des sols et de l’augmentation des pollutions. Donc les citoyens du monde ne se rendent compte qu’aujourd’hui de l’erreur qui a été commise.

Bien sûr, cela fait longtemps que des alertes sont données et que les paysans vont mal, mais la prise de conscience internationale commence à produire son effet ... enfin !

Suicide des paysans en Inde (et ailleurs...), pollution des rivières et des nappes souterraines, diminution des rendements, adaptation de la faune aux insecticides et de la flore au herbicides, surconsommation d’eau douce, dépendance des paysans du monde aux firmes semencières, disparition de la souveraineté alimentaire, perte de biodiversité etc ... la liste est longue des conséquences de cette révolution verte ... mais elle est réellement négative.

Puisque nous parlons de l’Afrique, une étude menée au Kenya a démontré deux choses :

La production de maïs biologique est moins élevée que la production conventionnelle dans les zones à fort potentiel, avec des précipitations au dessus de la moyenne et une meilleure qualité des sols.

Dans les régions les plus pauvres en revanche la production des agriculteurs biologiques était systématiquement supérieure (Terres d’avenir pour un mode de vie durable, éditions Alphée, 2007).


J’ajoute également, comme une piqure de rappel, que la révolution verte implique une forte dépendance aux produits pétroliers ...évidemment !!

Alors comment est-il possible que cet homme respectable souhaite mettre en oeuvre la révolution verte en Afrique ?

Comment est-il possible qu’il souhaite enfoncer le clou de la dépendance africaine ?

Comment est-il possible qu’il priviligie les rendements productifs artificiels et provisoires à la souveraineté alimentaire et aux techniques autonomes et durables ?

Est-il réaliste qu’un tel homme conserve la naîveté presque infantile de penser que cela va permettre à l’Afrique de vivre mieux ?

Faut-il déduire qu’il n’est finalement que pur produit américain, formaté à l’infaillible réussite technologique et aux lobbies privés ?

Cela reste un mystère !

Alors je pense aux initiatives de Pierre Rabhi, créateur d’oasis au milieu du désert, capable de faire pousser des arbres sur des cailloux et je rêve qu’il puisse disposer de la même écoute internationale pour prôner les techniques respectueuses de la nature, l’adaptation des cultures aux territoires et l’indépendance alimentaire des paysans et de leurs villages.

Parfois les grands Hommes déçoivent ...


Lire l'article complet, et les commentaires