Rwanda : la France complice du génocide
par Olivier Bonnet
mardi 3 juillet 2007
Le président François Mitterrand a affirmé à la télévision, le 14 juillet 1994 : "Les Français sont partis plusieurs mois avant le déclenchement de ce génocide qui a suivi l’assassinat des présidents du Rwanda et du Burundi. A ce moment-là, on nous a suppliés de revenir en nous disant : Sauvez les casques bleus, ramenez les Français, les Belges, les étrangers qui se trouvent au Rwanda, ce que nous avons fait.(...) Nous avons sauvé des dizaines, des milliers de gens, de pauvres gens qui avaient déjà supporté beaucoup de souffrances." Mais cette version de l’histoire est un pur mensonge, comme l’écrivait déjà en 1997 le journaliste Mehdi Ba, dans Rwanda, un génocide français (ouvrage réactualisé en 2004). De nouvelles preuves accablantes viennent d’être dévoilées dans l’édition d’hier du quotidien Le Monde, qui dissèque le contenu de plusieurs volumes d’archives de l’Elysée transmis au tribunal aux armées. Ainsi, lorsque le régime du président rwandais Juvénal Habyarimana appelle la France au secours, le 3 octobre 1990, pour le défendre contre l’offensive menée par les hommes de Paul Kagamé et son Front patriotique rwandais, soutenu par l’Ouganda, les premiers signaux d’alerte sont adressés à Mitterrand dès le 12. Après que plusieurs milliers de Tutsi, ainsi que des Hutu considérés comme amis des Tutsi, ont été arrêtés dans la capitale Kigali, le colonel Galinié, attaché de défense sur place, écrit ce jour-là dans un télégramme : "Il est à craindre que ce conflit finisse par dégénérer en guerre ethnique". Le lendemain, c’est l’ambassadeur de France Georges Martres qui prend la plume : "Les paysans hutu organisés par le MRND [parti du président] ont intensifié la recherche des Tutsi suspects dans les collines. Des massacres sont signalés dans la région de Kibilira (...) [les paysans] participent de plus en plus à l’action militaire à travers des groupes d’autodéfense armés d’arcs et de machettes". Dix jours à peine après l’envoi d’une compagnie du 2e régiment étranger de parachutistes, le détachement Noroit, les massacres ont donc déjà commencé et la France le sait. Elle maintiendra pourtant durant trois ans des effectifs militaires qui grimperont jusqu’à 680 hommes pour soutenir le régime génocidaire. En cause, la volonté de ne pas laisser le champ libre au monde anglo-saxon, représenté par Kagamé et ses alliés ougandais. On défend donc Habyarimana, coûte que coûte. Il est le chef des massacreurs mais l’ami de la France... Alors on lui dépêche 80 conseillers pour former ses soldats, le lieutenant-colonel Gilbert Canovas exerçant même la fonction de
Annonce du plan de génocide systématique dès janvier 1993
Elles sont par exemple averties le 19 janvier 1993, par un nouveau télégramme de l’ambassadeur Martres, que le président rwandais aurait lui-même intimé "l’ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l’armée et en impliquant la population locale dans les assassinats". Le 18 février, c’est au tour de la DGSE d’envoyer une note dénonçant les "véritables massacres ethniques" et un "vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsi". Mais le FPR menace de gagner la guerre, alors on envoie des renforts français en soutien des futurs génocidaires. Et quand l’avion du président Habyarimana est abattu, le 6 avril 1994, le génocide commence comme prévu. Le diplomate Bruno Delaye, conseiller Afrique de l’Elysée, informe son patron de tueries d’une "ampleur horrifiante : de l’ordre de 100 000 morts, selon les responsables du CICR (...). Les milices hutu, armées de grenades et de machettes, massacrent les Tutsi qui n’ont pas pu trouver refuge". Du début à la fin, la France était parfaitement au courant de la tragédie qui
Pour en finir avec la responsabilité de la France dans le génocide rwandais - qui pourrait prochainement connaître des suites judiciaires, puisque l’on a appris hier que six survivants ont demandé à la justice l’audition des anciens ministres Alain Juppé et Pierre Joxe, d’Hubert Védrine et de plusieurs militaires -, l’Observatoire permanent de la coopération française, formé d’une quarantaine d’experts, africanistes et responsables d’ONG, livre sur ce sanglant épisode des conclusions terrifiantes : "La France (...) a soutenu militairement le régime Habyarimana, l’armant, voire combattant à ses côtés ; elle a instruit, renforcé ou "assisté" certains des éléments qui exécuteront le génocide (Garde présidentielle, une partie de l’armée, milices d’"autodéfense") ; elle a favorisé la division de l’opposition démocratique, pivot des accords d’Arusha [qui ont tenté de mettre un terme à la guerre civile, le 4 août 1993, Ndlr] ; elle n’a pas rompu, durant le génocide, avec ses principaux responsables, constitués en "gouvernement intérimaire" - le soutenant diplomatiquement, et facilitant, selon plusieurs sources, la poursuite des livraisons d’armes ; elle a reconnu beaucoup trop tardivement le génocide, faisant obstacle, avec d’autres, à une réaction rapide de la communauté internationale".
On dénombre quelque 800 000 victimes. Quelque chose à objecter, messieurs les pourfendeurs de la "repentance" ?