Soudan : un réveil tardif de l’ONU

par Xanadu
lundi 6 mars 2006

Dans une lettre confidentielle adressée à l’ambassadeur américain John Bolton, dont le Washington Post vient de révéler le contenu, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, a demandé implicitement aux Etats-Unis de fournir un appui militaire aux forces africaines de maintien de la paix stationnées au Darfour.

M. Annan s’y exprime en ces termes : "Au vu de la détérioration sérieuse et continue de la situation sécuritaire au Darfour, le soutien à la mission de paix africaine devrait peut-être inclure l’apport de capacités additionnelles et nouvelles, comprenant un soutien aérien rapproché. Je serais reconnaissant si des gouvernements en mesure d’apporter de telles capacités en peu de temps pouvaient en considérer la possibilité". Car depuis son déploiement, la mission africaine, composée de 7000 hommes, n’est toujours pas parvenue à restaurer la paix dans la région ni à stopper les exactions commises à l’encontre des populations civiles.

Alors que depuis l’intensification du conflit en 2003, l’organisation internationale était demeurée sourde aux demandes américaines d’une intervention militaire afin de mettre un terme à ce conflit meurtrier - 250 000 morts et 2,4 millions de déplacés -, cette requête de M. Annan témoigne d’une prise de conscience, certes tardive, par la communauté internationale de l’ampleur du désastre. La diplomatie américaine, jadis critiquée, notamment par la France, pour son "agressivité" et sa volonté de recourir à la coercition, montre à nouveau, comme pour le dossier iranien, le bien-fondé de ses positions. Dans les deux cas, le "soft power" privilégié par l’Europe n’a fait qu’inciter les deux dictatures à persévérer dans leurs entreprises respectives.

Néanmoins, il convient de ne pas laisser place à l’optimisme. Les Etats-unis, qui ont dépêché plusieurs conseillers militaires auprès du Conseil de sécurité, n’envisagent pas pour le moment d’engager leurs forces armées au Soudan, en raison d’impératifs militaires majeurs en Irak et en Afghanistan. De hauts responsables américains ont donc rappelé que d’autres puissances sont en mesure d’assurer le rôle de soutien aérien demandé par M. Annan. Gageons toutefois que ces "puissances" ne manqueront pas de faire preuve d’une lâche apathie malgré une situation humanitaire tragique et alarmante.

Par ailleurs, le gouvernement soudanais, naturellement opposé à une intervention internationale et à un renforcement de la force de paix en place, a fait preuve d’une activité diplomatique intense afin de gagner d’autres Etats à sa cause. Soutenue par la Ligue arabe, Khartoum est ainsi parvenu à influencer plusieurs membres de l’Union africaine, dont les représentants doivent se réunir le 10 mars au Darfour, et qui a annoncé qu’elle pourrait renoncer à transférer sa responsabilité à l’ONU.

En dépit de la prise de position récente de M. Annan, il demeure donc fort peu probable qu’une intervention militaire internationale ait lieu à court ou moyen terme. Khartoum aura donc, encore pour un temps, tout le loisir de poursuivre sa politique de nettoyage ethnique, en toute impunité, et avec le soutien complice de ses "frères arabes".


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