Sous-traitant de Vinci, GDF-SUEZ, Areva, je suis ?

par Emmanuel Glais
vendredi 21 décembre 2012

"Un moratoire n’est pas possible, le code minier ne le permet pas, mais vous pouvez compter sur ma vigilance pour que nous ne voyions pas en France le type de paysage désolé auquel une exploitation sans retenue et sans contrainte environnementale a conduit les Etats-Unis"

Nathalie Kosciusko-Morizet

Moi qui suis normal, je m'en fous de désoler les paysages algériens. Ce n'est pas comme Marrakech où j'aurais ma villa si je n'avais pas fait l'erreur de me faire passer de gôche, personne n'y va en vacances. Et puis ils ont qu'à se faire un code minier. S'ils avaient une histoire aussi les Africains... notre code minier date de Vercingétorix. Au fond il avait pas tort mon prédécesseur.

Je suis un homme politique normal qui jour après jour dément les (très rares) bonnes idées que j'avance dans mes campagnes de mensonge et de racolage. Je porte les initiales de la Fraction Hydraulique, et comme tout citoyen j'ai compris que dans l'Hexagone, sur le sujet, c'était niet. J'ai assez à faire avec les chouans du 44 pour vouloir me mettre les Cévennes, quoique dépeuplées, sur le dos. En plus les greenpicistes, toujours à la recherche de coups d'éclat, ont maquillé furtivement la belle pyramide de Tonton d'un message véhément, à une demi-heure de chez moi à pied. Même si je me trouve plus à mon avantage quand je suis pris en photo dans un wagon de n'importe quelle classe, parce qu'en réalité comme tout être normal l'avion ça me fait un peu peur, j'ai une conscience de classe et par conséquent je me trouve naturellement solidaire de mes copains de Vinci.

Je connais bien l'histoire, j'en ai fait un peu dans mes études, et j'ai retenu qu'un décideur ne s'excuse jamais de faits qu'il pourrait être amené à imiter, au nom de l'intérêt commun, du peuple et du service public. Le grand Charles dont tout le monde se réclame a fait ses essais nucléaires dans le Sahara, moi que l'on conspue unanimement j'extirperai les gaz capricieux enfermés sous la nappe de l'Albien, plus grande réserve d'eau douce au monde (documentaire sur les essais nucléaires).

Quand je me penche sur les relations de mon pays avec d'anciens départements français émancipés, je verse dans la repentance télévisuelle et en douce sous-traite les sujets fâcheux à un sous-fifre pas très catholique ni cathodique (info sur l'avenir du gaz de schiste franco-algérien).

Bref, j'incarne la pleutrerie politicienne, le néocolonialisme flambynnnovant, je piétine mon droit de l'hommisme bien-pensant en serrant les paluches des autocrates quand GDF-SUEZ, deuxième groupe mondial de l'énergie, me fait du pied. Son patron Gérard Mestrallet gagne entre 3 et 4 millions par an. Même si j'aime pas les riches, à côté avec mes 14 910 euros mensuels bruts, faut avouer que dans ce monde je pèse pas grand chose.

Mais la grosse affaire c'était pas ça. Il s'agissait du Mali. On ne peut tout de même laisser la charia s'imposer tel un kyste sahélien. Et puis là-bas il y a quand même Areva, juste à côté, au Niger. Et les bédouins c'est emmerdant, ça circule sans arrêt. On ne peut pas laisser leurs chameaux de terroristes enturbanés s'installer durablement et ainsi menacer notre or atomique ! Les mines d'uranium, c'est sacré ! Dis-moi, comment il marcherait ton ordinateur, si on contaminait pas un peu le Gabon et le Niger ?  

Et ce soir avant de m'endormir je me pose ma question existentielle du jour : en quelle année un président français s'excusera pour les dégâts causés par le pillage du sous-sol africain ? Et comme je n'arrive toujours pas à dormir en pensant à la fin du monde : est-ce que l'histoire trainera autant à me désavouer qu'elle ne le fit pour les champignons atomiques gaullistes dans le Hoggar ? En tout cas j'ai une certitude : les hommes sont toujours lucides avec cinquante ans de retard et le leitmotiv de la repentance n'est pas près de s'interrompre.

Je suis ? Je suis ?


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