Sukhoi abattu. Torpiller le rapprochement franco-russe

par Automates Intelligents (JP Baquiast)
mercredi 25 novembre 2015

Comme nous l'avions plusieurs fois indiqué, il fallait s'attendre à ce que les Etats-Unis fassent tout pour saboter le rapprochement stratégique entre la France et la Russie, 48 heures avant que François Hollande ne se rende à Moscou pour en examiner avec Vladimir Poutine les modalités d'approfondissement.

Faire pression sur Erdogan, qui n'attendait que cela, pour que la Turquie abatte un Sukhoi Su-24 prétendu avoir survolé une infime partie de son territoire, est pour cela une excellente occasion. Que l'avion soit sorti de quelques centimètres, à 6000 m, d'altitude, de l'espèce aérien syrien, ou qu'au contraire il y soit resté, n'importe absolument pas. Il fallait provoquer un incident sérieux – considéré comme un casus belli en d'autres temps- pour que la Turquie, membre de l'Otan, puisse parler d'une agression délibérée et réclame l'aide de l'Organisation, c'est à dire de l'Amérique, prévue en ce cas par le traité de l'Atlantique.

Américains et va-t-en guerre turcs espèrent évidemment une réaction violente de Vladimir Poutine. Celui-ci vient d'évoquer un « coup de poignard dans le dos » mais s'est bien gardé jusqu'à présent d'ordonner une riposte militaire contre la Turquie. On peut espérer que malgré de nouvelles provocations très probables, il conservera cette réserve.

Dans l'immédiat cependant, on peut imaginer que dès demain Obama à Washington expliquera à François Hollande que son rapprochement en cours avec la Russie serait une trahison de la France à l'égard de l' « Occident » (du « monde libre ») auquel la France « appartient ». L'Amérique peut également espérer qu'à Moscou, dans son entretien avec Vladimir Poutine, François Hollande, à supposer qu'il persiste à s'y rendre, passera tout son temps à reprocher à son interlocuteur « l'agression russe », au lieu de discuter des modalités d'une coordination plus poussée entre France et Russie dans la lutte contre Daesh...et au delà.

Ceux qui, à juste titre, ont salué le changement à 180° des rapports franco-russes qui s'esquissait, peuvent facilement comprendre que le coup de poignard turc n'est pas seulement porté dans le dos de la Russie, mais dans celui de la France. Les nouveaux rapports entre les deux puissances européennes, France et Russie, changeraient radicalement le jeu au Moyen Orient et plus généralement dans le monde. La France puissance militaire et diplomatique jusqu'ici paralysée par l'influence américaine, était en train de recouvrer son indépendance. Les agressions continues de l'Otan et des Etats Unis contre la Russie ne devenaient plus aussi faciles. L'exemple de la France pouvait par ailleurs être suivi par l'Allemagne, malgré sa dépendance à l'égard de l'Otan.

Espérons que François Hollande à Washington et Moscou ne déviera pas un instant de sa ligne, malgré les efforts américains, relayés aujourd'hui par Cameron et Merkel 1) pour torpiller le rapprochement franco-russe. Alors le président de la République française mériterait bien son regain actuel de popularité.

Note

1) Voir MK Bhadrakumar
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/author/bhadrakumaranrediffmailcom/


Lire l'article complet, et les commentaires