Super Tuesday : le candidat des milliardaires plutôt que le candidat-milliardaire et celui du peuple ?

par Laurent Herblay
samedi 7 mars 2020

Les résultats du « super Mardi » des primaires démocrates ont apporté leur lot de rebondissements. D’abord, le pari de Bloomberg de faire l’impasse sur les premiers Etats et de tenter d’acheter son élection a totalement échoué. Mais il faut aussi reconnaître que Biden, à la dérive il y a quelques jours, effectue un retour spectaculaire et a, malheureusement, pris l’avantage sur Sanders.

 

Bis repetita pour Donald Trump ?
 
Jusqu’à la Caroline du Sud, la candidature de Biden, pourtant longtemps favori des sondages, semblait en très grande difficulté et Bernie Sanders faisait alors figure de favori. Mais coup sur coup, en une semaine, la très nette victoire dans cet Etat, puis les retraits de Buttigieg et Klombuchar en sa faveur juste avant le Super Tuesday et sa victoire globale le propulse à nouveau dans la position de favori. Cela est d’autant plus vrai que Bloomberg s’est rangé derrière lui après son retrait, permettant à l’ancien Vice-Président d’Obama d’unir totalement le clan dit modéré (qui ne souhaite presque aucun changement) face à un Bernie Sanders, qui, s’il gagne la Californie, fait désormais figure d’outsider.
 
La première leçon, positive, de ce scrutin, est l’échec complet de la candidature Bloomberg. Le milliardaire, ancien maire, républicain, de New York rêvait d’un duel avec l’autre milliardaire new-yorkais qui domine la vie politique étasunienne. Les centaines de millions de dollars dépensés n’y ont rien fait, un résultat assez rassurant : la candidature démocrate ne peut pas être achetée, quelles que soient les sommes mises sur la table, Bloomberg ayant dépensé autant que tous ses adversaires réunis… Un résultat probablement logique, tant offrir au pays un duel entre milliardaires new-yorkais pouvait sembler peu attractif pour des démocrates qui sont tout de même sensés être le parti du peuple…
 
En revanche, je ne peux qu’être déçu par une telle tournure. Certes, la partie n’est pas terminée, mais il faut reconnaître que Sanders n’est plus favori. Pourtant, des deux, c’est lui qui propose de réparer le modèle étasunien, en rétablissant la justice sociale, ou en proposant enfin de mettre en place une couverture santé pour tous. Des propositions qui profiteraient particulièrement à l’électorat noir, qui préfère étonnamment un vote superficiellement communautaire en faveur de l’ancien Vice-Président d’Obama, alors même que le parcours de Sanders, et sa lutte contre la ségrégation raciale comme étudiant, devrait lui permettre de faire au moins jeu égal avec Biden auprès de cet électorat…
 
Pire, on peut penser que Biden est l’adversaire idéal pour Trump, sur la même ligne conservatrice qu’Hillary Clinton, qui ne propose que des changements à la marge, pas de quoi retourner l’électorat populaire blanc, dont l’attrait pour Trump lui avait probablement donné la victoire en 2016. En outre, l’état de la conjoncture, et la hausse des bas salaires, en partie du fait de la politique migratoire de l’administration Trump, pourrait bien consolider les positions des républicains dans l’électorat populaire et sceller une nouvelle défaite des démocrates face à ce président baroque qui poursuit pourtant surtout une politique en faveur de l’oligarchie, même s’il sait y apporter quelques touches plus populistes.
 
Bien sûr, rien n’est joué, d’autant plus que mardi, les Etats du Sud étaient dominants. Il faut espérer que le programme de Sanders visant à rétablir la justice fiscale et mettre en place un service public de la santé parvienne à convaincre les électeurs des primaires démocrates. Sinon, il est à craindre que les Etats-Unis poursuivent dans l’impasse qui est la leur

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