Syrie aspects militaire et politique 27 février 2016

par JMBerniolles
samedi 27 février 2016

De très bons articles viennent d’être publiés sur Agoravox à propos de la Syrie.

Il ne s’agit donc pas de reprendre ce qui a été bien dit, mais de préciser les deux aspects cités, intimement liés, compte tenu de ce que le temps qui passe vient de nous révéler. L’information sur la Syrie, en France, est complètement manipulée par des journalistes, souvent très agressifs et outrepassant largement leur fonction d’informateurs, par des « experts », ainsi que par les pouvoirs en place depuis 2011. Elle est orchestrée par Reuters et l’AFP, quand cela n’est pas l’OTAN directement. Elle fait appel à des sources partisanes et approximatives comme l’auto déclaré observatoire sur la Syrie, basé à Londres.

L’information vient donc pour l’essentiel de l’étranger : Liban, Iran, Syrie et Russie principalement. Ainsi que de sites indépendants tels que South Front pour l’évolution militaire. De très bons analystes intègrent les informations qu’ils jugent fiables pour donner une vue d’ensemble de la question syrienne, très complexe, notamment à cause d’arrières pensées et de doubles jeux, et souvent rapidement évolutive. On peut citer Bassam Tahhan, Régis Chamagne pour le côté militaire, et bon nombre d’américains : Tony Cartalucci, le Professeur Michel Chossudovski, Stephen Lendman, Paul Craig Roberts…. André Vitchek particulièrement pour la question kurde. L’analyse du contexte électoral américain a aussi son importance parce qu’il permet de mesurer l’adhésion du peuple américain à la politique, notamment étrangère, des USA, marquée par l’influence majeure du complexe militaro industriel et des lobbies sioniste et pétrolier. Sur ce sujet il y a d’excellentes analyses du Professeur James Petras et d’Eric Zuesse. Et puis dans le style synthèse percutante il y a Pepe Escobar. Thierry Meyssan fait aussi partie de ces analystes et informateurs. Il a l’avantage d’habiter Damas. Il a été diabolisé en France ce qui est presque un certificat d’authenticité. On peut ne pas adhérer à tout ce qu’il dit et douter de certaines de ses sources, mais il développe souvent une analyse pertinente. Ainsi lorsqu’il avance que Hollande/Fabius avec Erdogan, ont cherché à éliminer physiquement Assad, il y a de bonnes chances que cela soit vrai. La rupture de la Syrie avec les services secrets français conforte cette affirmation.

Des analyses montrent que dans le passé les mouvements islamiques extrémistes, notamment celui des frères musulmans, ont été utilisés par les anglais et les américains pour déstabiliser les pouvoirs arabes. De longue date la Syrie particulièrement a subi ces tentatives de renversement du pouvoir en place, et toujours pour des questions de pipeline et aujourd’hui de gazoducs. Ce que nous vivons actuellement au Moyen Orient est une guerre généralisée autour du gaz naturel, qui concerne à la fois son exploitation et son transport.

L’Aspect militaire

Le contexte militaire et l’évolution des rapports de force dans ce domaine conditionnent totalement le volet politique.

En Syrie l’action militaire est immédiatement apparue dans les mouvements de contestation du pouvoir en place, basés bien évidemment sur des mécontentements, en fait limités mais qui ont pris de l’ampleur avec les échanges de tirs. La répétition des scénarii type Bengazi et Maidan, révèle sans contestations le rôle de la CIA et d’autres services secrets, français entre autres. On sait maintenant parfaitement ce veulent dire, instauration de la démocratie, un motif d’emblée douteux quand ce sont des gens armés jusqu’aux dents qui affichent cet objectif, ainsi qu’intervention humanitaire.

Dans l’évolution militaire qui a suivi rapidement, parce que des mercenaires, takfiris essentiellement, qui avaient été armés, entrainés, encadrés et payés sont immédiatement entrés en action, on peut noter trois phases. L’armée syrienne libre a existé, mais elle n’a jamais pesé.

La première phase court jusqu’à septembre 2013, qui constitue un tournant historique

Celui-ci, on le verra, déborde le simple contexte du Moyen Orient. Ce véritable point de rupture est soit inconnu, soit sous-estimé. L’action militaire, évidemment préparée à l’avance et qui a fait déferler des hordes sauvages depuis la Turquie, la Jordanie et une partie du Liban, s’est accompagnée de la mise en place d’un organe politique de direction, appelé club de Paris par Bassam Tahhan parce qu’il a été créé initialement à Paris par Juppé.

Celui-ci était sûr que Bachar Al Assad à qui l’on avait offert un exil doré qu’il a refusé courageusement mettant ainsi en jeu sa vie et celle de sa famille, serait balayé en quelques semaines. Il ne l’a pas été et c’est d’ailleurs à cela que l’on peut savoir que la grande majorité du peuple syrien le soutient. Il mène la guerre avec une armée principalement de conscrits où toutes les confessions sont représentées et qui s’est vue rejoindre par des mouvements populaires qui ont pris les armes. Avec le soutien du Hezbollah et d’un encadrement iranien, Bachar El Assad a tenu le choc militairement contre des effectifs qui ont culminé vers les 200.000 hommes à un moment, jusqu’à l’été 2013.

Il faut se souvenir de la campagne d’accusation et de haine lancée à ce moment-là par nos médias, avec notamment la manipulation du journal Le Monde, à l’encontre du régime syrien, accusé, sans preuves, d’avoir utilisé des armes chimiques contre son armée et son peuple. Il s’agissait de préparer le terrain à des frappes massives de la Syrie. Obama ayant alors proposé au congrès américain un programme, si l’on ose dire, de 72 heures de frappes continues de missiles qui auraient réduit la Syrie à l’état d’un champ de pierres, dont beaucoup appartiennent au patrimoine de l’humanité.

L’affrontement militaire Russie/USA

C’est ainsi qu’au tout début septembre 2013 est intervenu le tournant majeur. En fait on parle aujourd’hui d’une possible confrontation militaire directe entre la Russie et les USA au Moyen Orient, en occultant complètement le fait que celle-ci a déjà eu lieu à cet instant. La passe d’armes directe avait été précédée d’opérations de tests de la part de la Russie, de la capacité militaire américaine. Un porte avion américain avait été survolé par un avion russe qui avait annihilé toutes ses défenses électroniques. Les russes avaient aussi testé les anglais au large de leurs côtes. Le choc quasi frontal s’est déroulé lorsque les USA ont envoyé deux missiles tests depuis le fond de la méditerranée occidentale vers la Syrie pour régler leur campagne de frappes. Ces deux missiles ont soit été détournés, soit abattus par les russes. L’information avait filtré depuis le Liban. Régis Chamagne vient de clairement préciser les choses dans le sens décrit. Immédiatement les russes ont proposé aux américains une sortie diplomatique honorable avec le désarmement chimique du régime syrien.

On doit aussi noter la présence discrète des chinois, au moins sur la mer.

Mais il en faut beaucoup plus pour détourner les américains de leurs objectifs.

On entre donc ensuite dans la deuxième phase qui va jusqu’à la fin 2015.

L’année 2014 a été utilisée, par les USA, la France et la Grande Bretagne, à préparer la grande offensive de 2015. Avec les camps d’entrainement en Turquie et en Jordanie, la formation d’ISIS ou Daesh pour avoir un mouvement unitaire fort chez les takfiris, l’offensive en Irak, avec la complicité d’anciens de l’armée de Saddam Hussein et la défection des forces armées irakiennes à Mossoul.

Au printemps 2015 les mercenaires ont déferlé à nouveau, avec un encadrement assuré, en particulier, par des militaires français, des conseillers américains… La progression de ces forces avant tout étrangères (on parle de mercenaires venant de près de 80 pays) était montré avec complaisance par nos médias avec juste ce qu’il faut de larmes hypocrites pour la prise de Palmyre par exemple. L’offensive se concentrait vers la région de Lattaquié, absolument stratégique pour l’issue de cette guerre et vers Damas. Si le Hezbollah, l’armée syrienne et les comités populaires enregistraient quelques succès sur les frontières du Liban, partout ailleurs les reculs étaient importants et prenaient même une tournure dramatique.

L’intervention russe est alors devenue une nécessité pour sauver Assad et c’est elle qui ouvre la troisième phase en septembre 2015.

L’efficacité de cette intervention avec un matériel militaire ultra performant a stupéfié le camp occidental. Celui engagé dans l’OTAN pour des opérations d’agression au Moyen Orient.

Le premier objectif a été de couper la frontière turque, en commençant par le nettoyage de la région de Lattaquié. Pour ce faire il y a maintenant une coordination complète entre le Hezbollah, la Syrie, l’Iran, la Russie et les Kurdes. Ce rassemblement est parfois qualifié de 4+1. Il y a même un centre de supervision générale qui inclut l’Irak. Cela a rendu fou Erdogan, qui a fait abattre un avion russe à son initiative avec l’approbation américaine sûrement. A cette occasion la Russie a mis en place des sanctions contre la Turquie, mais a surtout déployé une grande activité diplomatique destinée à dénoncer l’aide de la Turquie aux takfiris salafistes, son exploitation du pétrole volé à la Syrie et à l’Irak et ses aides en armements, afin de préparer le terrain à une action militaire directe contre la Turquie si celle-ci s’avisait d’intervenir en Syrie. Avec le temps, il est clairement apparu que les américains ne soutiendraient pas Erdogan dans cette offensive. La libération complète d’Alep qui scellerait la défaite complète d’Erdogan est en route. Avec, de plus, l’unification du territoire kurde en Syrie.

Les américains doivent donc se replier sur un plan de sauvetage, formulé par John Kerry et qui est proprement stupéfiant de la part de gens qui prétendent combattre Daesh et autres.

La partie visant à la création d’un Kurdistan indépendant se conçoit, et dit bien quelle importance les américains accordent à Erdogan, mais le projet du Califat à cheval sur la Syrie et l’Irak dans la partir tenue par Daesh détruit complètement le mythe du combat contre Daesh.

Dans cette optique la conquête de Raqqa par les forces syriennes et leurs alliés est un point clé. Comme le dit bien Bassam Tahhan, il y a actuellement une course vers Raqqa. La fin de cette troisième phase et vraisemblablement l’issue de cette guerre en Syrie, se jouera là.

Visiblement à la suite d’un pacte conclut avec les russes, les israéliens se contentent pour l’instant d’être des spectateurs.

On peut aussi noter, particulièrement avec la modernisation de l’armée syrienne et la coordination des forces dites 4+1, que l’objectif des américains de générer une zone de chaos au Moyen Orient a conduit à l’émergence d’une force maintenant organisée qui correspond au croissant chiite de Bassam Tahhan. 

L’aspect politique.

On l’a déjà évoqué avec la création du club de Paris, appelé le conseil national syrien au départ. En émigrant de Paris vers la Turquie, cet organisme politique est tombé entre les mains des frères musulmans, soutenus par le Qatar, et des wahhabites, créatures de l’Arabie saoudite dont la religion officielle est le wahhabisme et qui l’utilise d’ailleurs comme vecteur de conquêtes et de puissance. Genève III vient de montrer que ce conseil n’avait plus d’existence réelle ou de poids politique, puisque l’Arabie saoudite a tenté d’imposer des groupes takfiris comme représentants des opposants.

En fait, comme cette évocation succincte le montre, le niveau politique n’a jamais atteint le stade de la crédibilité. Et cela a toujours constitué un gros handicap pour les manœuvres de l’occident. Avant, lorsque le débarquement d’Assad pouvait s’envisager, la question de savoir par qui le remplacer desservait beaucoup la politique de soutien aux « rebelles », aujourd’hui ce problème est reporté sur le Califat.

Conclusion

Certainement à cause de ce contexte syrien, mais aussi du fait du tour que prend la campagne électorale aux USA avec la contestation de l’empire militaro industriel et des lobbies sionistes et pétroliers, dont la candidate est Hillary Clinton, il semble que l’information se libère là-bas sur la question syrienne. L’exemple type est constitué par un article d’un journaliste très connu, Steven Kinzer, paru récemment dans le Boston Globe, un média mainstream, intitulé « The media are misleading the public on Syria ». Une mise en cause d’emblée de l’information des médias américains. En France nous venons de voir programmer en « prime time » deux reportages à la télévision qui rompent avec le discours de propagande régulièrement tenu précédemment. Il y avait déjà eu une interview de Bachar al Assad dans un hebdomadaire français, mais ce n’était pas aussi clair.

Le pouvoir occulte qui dirige le monde ne se soucie absolument pas de la destinée des peuples. C’est vrai aussi pour le peuple américain qui souffre beaucoup de la politique imposée à la maison blanche par les neocons et autres groupes d’influence. La décrépitude de l’économie américaine, qui fait aussi partie des choses que nous cachent nos médias, fait ainsi souffler un vent de révolte sur la campagne électorale.

Aux Etats Unis, il y a aussi une certaine agitation autour de l’affaire du meurtre de Robert Kennedy. Cette affaire est revenue sur le devant de la scène avec la « parole » (audience pour la remise en liberté sous conditions d’un condamné) de Shiran Shiran le coupable désigné.

Cette audience a été manipulée par le juge au mépris de témoignages et d’enquêtes, qui jettent, à tout le moins, de sérieuses suspicions sur la version officielle. Il apparait que Robert Kennedy a été tué par un tireur placé derrière lui, alors que Shiran Shiran lui faisait face. Et que celui-ci avait été littéralement conditionné par la FBI pour commettre une agression meurtrière sur la personne de Robert Kennedy.

Par ailleurs le fils de Robert Kennedy, Robert Kennedy junior, a publié un article où il énumère et décrit tous les coups organisés par la CIA, particulièrement au Moyen Orient : Iran, Syrie (à de nombreuses reprises) Irak …. Sans aucun mystère, on retrouve systématiquement au cœur des complots le projet de pipeline entre le Qatar et la Turquie.

On peut donc s’attendre à ce qu’il y ait une clarification généralisée sur la question syrienne qui amène à un repositionnement politique. Jean-Luc Mélenchon a déjà fait ce mouvement. L’exfiltration de Fabius, vers un fauteuil sûr et confortable, si elle ne signifie pas un changement de ligne politique immédiat prépare néanmoins à une inflexion vers une position un peu plus réaliste de la France sur la question syrienne.

Ce qui se passe en Syrie est la matérialisation de la fin de l’hégémonie américaine (militaire et bientôt monétaire puisque le dollar avait été imposé au monde par la force) et la naissance d’un monde dit multi polaire. En fait c’est surtout l’émergence d’un bloc euro asiatique, le caractère vraiment multipolaire ne pourra résulter que de la prise d’indépendance des pays liés par les traités européens et l’OTAN ?

 


Lire l'article complet, et les commentaires