Syrie, la guerre n’est pas finie...

par c481
lundi 2 mars 2020

 

L'incohérence de l'occident risque bien de prolonger le conflit...

 

"L'armée turque est présente en Syrie à la demande du peuple syrien."

Dixit M. Erdogan pour justifier la présence de son armée en Syrie, et le soutien de plus en plus direct et massif que celle-ci apporte aux rebelles.

Comme si le peuple syrien était unanime pour accepter cette curieuse coalition turco-islamiste !

 

Cette affirmation péremptoire traduit néanmoins une inquiétude légitime du gouvernement turc :

Celle de voir arriver en Turquie encore 1 ou 2 millions de réfugiés syriens, en plus des 3,5 millions qui s'y trouvent déjà.

Et en plus des irakiens, iraniens, afghans, pakistanais, et autres...

Cela commence à faire beaucoup.

Or, sur cette question des réfugiés, la Turquie n'a reçu que peu de soutien.

Quelques milliards donnés par l'Europe.

Rien ou presque de la part des autres protagonistes du conflit (ni des Etats-Unis et de l'Arabie Saoudite, pourtant bien plus généreux en matière d'armes, ni de la Russie et de l'Iran - ce dernier étant cependant étranglé économiquement).

Seule l'Allemagne a daigné accueillir un lot important de réfugiés, au prix de sérieux remous politiques.

 

Cela ne donne cependant pas le droit à la Turquie d'envahir une partie d'un Etat voisin, alors qu'elle n'a reçu aucun mandat international pour le faire, ni bien sûr l'accord de l'Etat visé.

L'argument selon lequel les forces turques sont présentes en Syrie en vertu de l'accord signé avec Moscou en 2018 ne tient pas, d'abord car elles y sont présentes depuis 2016, ensuite car cela ne vaut pas accord de Damas, et enfin car les forces turques n'ont pas respecté les conditions de cet accord.

En particulier, la présence turque n'a pas du tout perturbé les activités des groupes terroristes. Toute la région d'Idleb est restée dominée par les clones d'Al-Qaeda ; et les turcs ne sont même pas intervenus pour soutenir la population de certaines localités qui s'étaient rebiffées contre Al-Nosra. Et c'est encore ici que les américains ont récemment débusqué et tué le chef de Daesh.

M. Erdogan est un parfait hypocrite, quand il lutte chez lui contre les terroristes du PKK (combattus pêle-mêle avec les défenseurs pacifiques de la minorité kurde), tout en envoyant ses troupes chez son voisin combattre main dans la main avec la pire engeance de l'Islam radical.

 

On peut cependant remarquer aussi la persistance d'une certaine asymétrie dans le discours des dirigeants occidentaux.

Les souffrances des civils d'Idleb sont indéniables et largement relayées, à juste titre.

Mais personne ne s'est ému des 1200 civils d'Alep tués depuis la fin 2016 (reprise totale de la ville par le régime) à cause des obus tirés par les rebelles repliés dans les banlieues de la ville.

Bien peu d'informations sur les 3000 civils tués à Raqqa par la coalition internationale pour en chasser Daesh.

Ou sur les 7000 civils tués à Mossoul pour la même raison.

On peut se dire au moins que c'était pour la bonne cause.

Mais quid des victimes bien plus nombreuses encore de l'intervention saoudienne au Yémen ?

Si l'hypocrisie de M. Erdogan est peut-être motivée par une inquiétude compréhensible (en faisant un effort), l'indignation sélective des dirigeants occidentaux relève de l'aveuglement le plus total.

 

En témoigne la solidarité exprimée vis-à-vis de la Turquie après la mort de 33 de ses soldats dépêchés sur le champ de bataille, en renfort des rebelles.

Certes, la perte de tant de jeunes vies est une immense tragédie, et mérite nos condoléances sincères, mais cela ne doit pas conduire à délivrer un blanc-seing à M. Erdogan.

On oublie un peu vite que cette attaque syrienne, délibérée ou non, est survenue après plus d'une semaine d'engagement direct des troupes turques, sans lequel les djihadistes n'auraient pas pu reconquérir la ville de Saraqib, tuant et torturant au passage de nombreux soldats syriens.

C'est M. Ergogan lui-même qui a mis en danger ses troupes, en les envoyant soutenir des djihadistes qu'elles étaient supposées combattre.

 

En vérité, nos dirigeants et M. Erdogan n'ont pas digéré leur échec à déboulonner Assad. Celui-ci n'est sûrement pas un parangon de démocratie ; cela dit, Erdogan et la théocratie saoudienne non plus. Mais les saoudiens sont nos amis...

Il est vrai aussi que l'aviation russe a un taux de victimes collatérales plus élevé que les aviations occidentales.

Eh bien ! Ils ne font pas correctement le boulot ?

Alors soyons cohérents, et faisons-le nous-mêmes.

Envoyons des troupes internationales déloger les djihadistes d'Idleb (chose que les turcs n'ont pas su ou pas voulu faire en 2 ans, et que les syriens ne peuvent plus faire maintenant qu'ils se font pilonner par les turcs).

 

Mais non, c'est bien plus commode de critiquer sans agir.

Alors, il y a fort à parier que nos dirigeants choisissent la pire des solutions : celle de prolonger le conflit, tout en sanctuarisant une enclave islamiste.

Les américains parlent maintenant d'empêcher l'aviation russe d'opérer à Idleb, histoire de protéger les civils, et surtout d'ennuyer leur éternel adversaire russe.

Tout en se gardant bien d'envoyer des troupes au sol contre Al-Nosra.

Et comme d'habitude, les dirigeants européens vont se ranger servilement à l'avis du grand frère américain.

 

Avec ça, la guerre n'est pas finie...

 


Lire l'article complet, et les commentaires