Syrie : la paix est-elle possible ?

par Daniel Debrus
mercredi 14 novembre 2012

Depuis plus de vingt mois, la guerre civile sévit en Syrie faisant 34 000 morts, selon l' OSDH, avec d'un côté les opposants à Bachar El Assad, et de l'autre un gouvernement cantonné dans une impasse de répression et de maintien de l'ordre . Qui sont ces opposants ? Des militants politiques, pour une partie d'entre eux, qui ne peuvent pas faire entendre leur voix car le système électoral n'est pas suffisamment pluraliste, et l'autre partie essentiellement composée de militants religieux sunnites et salafistes.

Ces fanatiques n'ont qu'un seul but : renverser le pouvoir chiite alaouite de Assad. Les chiites et les alaouites sont des musulmans modérés, à minorité en Syrie, et ils pratiquent un islam laïque pour lequel le port du voile n'est pas exigé. Ils sont considérés comme des mécréants par les sunnites (majoritaires en Syrie). Ceux-ci en revanche, représentent une autre branche de l'islam, qui avec les salafistes prônent un retour à la radicalisation de la religion, avec l'institution de la charia (loi islamique). On peut voir un exemple de cette radicalisation au Mali, où les islamistes d' Ansar Diné ont pris le pouvoir par la force et infligent des exactions sanguinaires à la population (amputations, lapidations …) sous prétexte d'obéir à Dieu !

Ces opposants ont donc grossi les rangs de l'ASL (Armée Syrienne Libre) et sont répartis en plusieurs groupes armés, comme par exemple le front Al Nosra (rassemblement des partisans de l'islam), groupe terroriste djihadiste qui multiplie les attentats suicides comme celui du 7 octobre 2012 contre le QG de la police à Damas ou celui du 26 septembre contre l'État-major Syrien (source LePoint.fr). Plus récemment , des attentats contre les chiites ont fait plusieurs morts parmi les civils dont des enfants. Il est intéressant de noter au passage que le gouvernement français ne peut être crédible en matière de lutte contre le terrorisme quand il le condamne sur le sol français mais pas sur le sol d'un pays étranger comme la Syrie. Hollande et Fabius, comme Sarkozy et Juppé précédemment, soutiennent l'ASL.

Récemment 15 millions d'euros ont été débloqués, selon la déclaration du ministre des affaires étrangères, pour officiellement aider les zones libérées. Zones libérées de qui, par qui ? Un article du Nouvel Observateur publié le 25 août, intitulé « A Alep, les gens veulent voir l'ordre restauré » (nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/) relate le témoignage d'un habitant d'Alep, qui est anti-Assad, mais qui condamne les pratiques de l'ASL. On peut constater que les habitants d'Alep en avaient assez des violences de l'ASL et ont accueilli avec soulagement les troupes d'Assad venues restaurer le calme.

Quelles sont les pratiques de ces opposants terroristes ? Le témoignage de Sabah Othman (source : voltairenet.org/article175542.html) publié sur le réseau Voltaire le 22 août 2012 est édifiant car cette jeune femme raconte comment elle a été enrôlée dans l'ASL pour battre des femmes soupçonnées d'être des partisanes de Bachar El Assad. Ces femmes étaient torturées et assassinées (égorgées) et jetées comme de vulgaires déchets. C'est ainsi que quotidiennement des crimes barbares sont commis par ces terroristes au cri de « Allah akbar » (Dieu est grand) sur la population dans le but d'extorquer des renseignements ou de régler des comptes. Qui soutient ces opposants et pourquoi ?

La France, les États-Unis veulent la chute d'Assad pour des raisons géopolitiques et stratégiques. N'oublions pas que Assad est allié avec l'Iran et la Russie et que les États-Unis soutiennent Israël, voisin et ennemi de la Syrie. Les États-Unis ont déjà utilisé l'intégrisme musulman en Afghanistan, en créant de toutes pièces Al-Qaïda pour bouter les Russes hors du pays. Ce qu'ils n'avaient pas prévu c'est qu'Al-Qaïda se retournerait contre eux (attentats du 11 septembre). Le Qatar et l'Arabie Saoudite soutiennent financièrement l'ASL à coup de millions de dollars qui transitent par la Turquie, pour acheter des armes au marché noir. Ces deux pays majoritairement sunnites et certainement pas des modèles de démocratie (ce sont des monarchies dictatoriales et religieuses) ont deux objectifs : Instaurer leur modèle en Syrie et pour le Qatar, riche producteur de gaz, faire passer un gazoduc par la Syrie pour vendre du gaz en Europe via la Turquie, et concurrencer ainsi le gaz russe qui alimente l'Europe. Bachar El Assad a toujours été opposé à ce passage.

La France représentée par Hollande et Fabius a choisi de pousser des cris d'orfraie sur les événements de la Syrie, et soutenir les opposants et les terroristes. Ballotée par une politique intérieure chaotique, elle est sur la même longueur d'onde que les États-Unis et le Qatar. D'ailleurs celui-ci par la voix de son émir, le cheik Hamad Ben Khalifa Al Thani, n'a t-il pas promis 200 millions d'euros pour aider les banlieues françaises, après avoir acheté le PSG et ses droits de diffusion TV ? Jusqu'où va se fourvoyer la France ? Les critiques de Yves Bonnet (ancien directeur de la DST, dans l'émission « C'est dans l'air » de France 5, le 8 octobre 2012, sont pertinentes. Ne doit-on pas se poser la question du danger de ces investissements du Qatar en France, doit-on accepter de l'argent d'un pays intégriste qui finance le terrorisme dans le monde ? Et ce dans le contexte tendu qui suit l'affaire Merah ?

En conclusion si l'objectif est d'instaurer plus de démocratie en Syrie, cet objectif ne sera pas atteint en soutenant des terroristes mais en condamnant leurs actes barbares. Puis en favorisant un dialogue autour d'une table ronde, exigeant des engagements de la part des deux parties : le gouvernement légitime syrien et les opposants. Si au bout du compte, le peuple syrien pouvait s'exprimer et être maître de son destin, la paix pourrait être rétablie.

Daniel Debrus


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