Tensions interpalestiniennes. Récapitulons...

par Sylvain
mercredi 12 septembre 2007

Depuis les élections législatives de janvier 2006, la société palestinienne et le monde ont vu le Hamas arriver sur la scène politique nationale et internationale. Depuis, des tensions chroniques ont lieu dans cette société palestinienne divisée entre nationalistes et islamistes.

Le territoire palestinien essentiellement divisés en deux parties (l’une étant la bande de Gaza et l’autre la Cisjordanie) est soumis, depuis la victoire du Hamas aux élections législatives en 2006 à de vives tensions s’exprimant entre les islamistes du Hamas et les nationalistes du Fatah. En effet, durant ces élections, le Hamas obtient la majorité des sièges (74 des 132 avec 44,4 % des voix) de l’Assemblée nationale palestinienne (45 sièges pour le Farah avec 41,4 % des voix). De ce fait, le Hamas, maîtrisant désormais l’Assemblée nationale palestinenne, et le Fatah rentrent dès lors dans une terrible compétition pour conserver leurs pouvoirs et empiéter sur les compétences de l’autre.
Malgré la légitimité que procure une élection démocratique pour les différents partis, le Hamas n’est pas un parti comme les autres. Il est, effectivement, considéré comme une organisation terroriste par la majorité de la communauté internationale avant d’être vu comme un parti classique. Le Hamas a revendiqué de nombreux attentats terroristes et même très récemment (bien qu’il soit aux responsabilités) ; comme par exemple les fameuses roquettes Qassam que l’organisation lance sur les villes israéliennes situées au sud de l’état juif telle que Sdérot.
Le Hamas est arrivé au pouvoir après une série d’événements majeurs pour cette organisation. Après l’assassinat de son chef spirituel, Cheikh Yassine, puis de son successeur Al-Rantissi par l’armée israélienne, le Hamas a acquis, auprès de la population palestinienne, une image d’organisation martyre lui conférant une certaine position privilégiée au moins dans l’inconscient palestinien.
Depuis l’élection du Hamas, les territoires palestiniens, et surtout la bande de Gaza est le théâtre d’affrontements regroupant d’un côté les pro-Hamas (islamistes) et de l’autre les pro-Fatah (nationalistes, parti de Yasser Arafat). Ces affrontements feront plusieurs centaines de morts.
L’entente entre le Hamas et le Fatah serait de toute façon, par essence compliquée puisque le Hamas a été crée en 1987 pour être déjà un contrepoids au Fatah de Yasser Arafat. Ce qui en rajoute dans la compétition (souvent armée) au pouvoir que se font les deux partis.

Après cette "guerre civile" et voyant que la situation ne pouvait plus durer comme cela, Mahmoud Abbas (chef de l’autorité palestienne) dissolva ce gouvernement pour en reformer un autre en juin 2007. Ce tout nouveau gouvernement devra alors être un gouvernement d’union national regroupant le parti Hamas ainsi que le Fatah. Les négociations pour y menaient se sont déroulées en Arabie saoudite (pays désirant acquérir la position de médiateur dans la région aux yeux de leur puissant et nécessaire allié : les Etats-Unis).

Les divergences politiques entre le Hamas et le Fatah sont nombreuses, dont :
- répartition des différents ministères ;
- les deux partis principaux n’ont pas la même conception au regard de leur voisin Israël. Le Fatah voyant l’état juif comme un fait établi que l’on ne remet plus en cause tandis que le parti islamique le voit, lui, comme un Etat illégitime.
Ce dernier point est essentiel pour ne pas isoler les cadres du Hamas des négociations et de leur rapprochement du pouvoir. En effet, bien que la légitimité d’entrer au gouvernement d’un parti élu démocratiquement est indéniable, ce même parti ne peut, en invoquant ces élections, légitimiser l’intégralité des hostilités verbales ou non envers l’Etat juif. C’est tout du moins l’avis de la communauté internationale. Aussi, évoluant depuis 2006 sur une scène internationale politique, les responsables du Hamas ne doivent pas oublier que leurs interlocuteurs sont, tout du moins en parlant des Occidentaux, des diplomates nommés par des personnes qui se sont fait élire tout aussi démocratiquement que le Hamas.

Passant au-delà des divergences, les négociations réussissèrent néanmoins à partager les ministères, mais le problème de la reconnaissance d’Israël reste le même pour les deux partis. Les premières déclarations du Hamas avaient alors été hostile envers Israël en appelant à résister à l’Etat hébreu "sous toutes les formes en privilégiant les formes non violentes". Cette déclaration montra que le Hamas reste parmi les organisations ne reconnaissant pas Israël et qui n’exclut, par conséquence, pas les formes de luttes "violentes".

Les protagonistes des négociations, bien que satisfaits d’un accord ne se feront tout de même pas d’illusion quant à l’espérance de vie de ce dernier, à juste titre.

En effet, ce gouvernement, à majorité Hamas, se distinguera par son attitude extrêmement violente envers tout opposition (surtout si elle est pro-Fatah) n’hésitant pas à tirer à vue sur des manifestants n’utilisant pas la violence comme moyen d’expression.

LA SITUATION EXPLOSIVE PALESTINIENNE
La tension politique et civile n’est pas le seul problème de la nation palestinienne. L’économie, par exemple, a subi une récession de - 8 % en 2006. Depuis l’arrivée du Hamas au pouvoir (rappelons-le en janvier 2006), la plupart des Etats aidant l’Etat palestinien ont gelé leurs aides du fait que le Hamas était considéré comme une organisation terroriste.
En palestine, à l’heure actuelle, la guerre civile peut-être déclenchée très vite puisque le Hamas et le Fatah, disposent de forces armées qui leur sont propres. Ces deux armées obéissent à leurs leaders respectifs et peuvent rentrer en conflit presque instantanément. Aussi, les politiques palestiniens ont la capacité de mobiliser (pour ne pas dire instrumentaliser) très vite la société civile afin d’entrer en conflit contre ses deux armées.

LE HAMAS DANS LE JEU POLITIQUE INTERNATIONAL
Le Hamas, parce qu’il est aux responsabilités ne peut plus se permettre de n’être que dans l’idéologie et l’islamisme et est forcément rattrapé par les réalités financières et économiques. Il doit, dès lors, développer un minimum de pragmatisme.
En effet, la palestine n’est pas une nation isolée, la récession qu’elle a subi et qu’elle continue de subir est due notamment au fait que les aides ont été gelées. Ces aides sont de l’ordre de 1,1 milliards de dollars. Les pays contributeurs sont essentiellement l’Union europpéenne, les Etats-Unis, les pays arabes ainsi que l’Iran. Ce dernier subventionne le Hamas à hauteur de 200 millions d’euros.
C’est d’ailleurs aussi à cause de l’Iran que l’Arabie saoudite s’immisce dans les affaires palestiniennes. Elle espère, en invitant le Hamas, ramener vers elle un allié de l’Iran (en rappelant que l’Iran est la puissance montante dont se méfie l’Arabie saoudite). Sans vouloir succomber à la tentation du simplisme, rappelons que l’Iran est à majorité chiite tandis que l’Arabie saoudite a pour base idéologique le whaabisme (sunnisme). L’appartenance religieuse est au Proche-Orient, un élément essentiel dans l’identité d’un individu. Ainsi, l’Arabie saoudite espère se positionner en tant que médiateur principal afin, entre autres, de prouver à son allié américain qu’elle est un élément d’influence essentiel dans le jeu politique de la région.

LE HAMAS ET ISRAËL...
Comme il l’a déjà été dit, le Hamas ne reconnaît pas Israël et est très ambigu concernant la nature de la lutte qu’il a l’intention de faire à son encontre. Les dernières déclarations des cadres du parti montre un total contrôle de ces derniers sur le lancement des roquettes Qassam ainsi que sur la détention et l’éventuelle libération du soldat de l’armée israélienne Gilad Shalit.
Malgré le fait que le Hamas soit une organisation s’appuyant sur une religion, il est responsable des intérêts palestiniens depuis les élections de 2006, et se voit rattrapé par les réalités matérielles. Il ne peut ignorer que la bande de Gaza (seul territoire où il a une vraie influence, la Cisjordanie étant en majorité ralliée au Fatah) a des nécessités économiques.
Depuis le retrait des colonies israéliennes de la bande de Gaza, durant l’été 2005, la situation des Palestiniens de Gaza s’est dégradé. Les Gazaouites ne peuvent s’empêcher de soupçonner l’Etat israélien d’avoir évacué les Israéliens de Gaza pour mieux étouffer économiquement la ville, et de se permettre des réponses militaires de plus grandes envergures en mettant leurs citoyens plus à l’abri de représailles éventuelles.
La bande de Gaza est aussi dépendante au niveau énergétique d’Israël. L’Etat juif hésitant rarement à utiliser cette dépendance.
Aussi, que pense un Palestinien, lorsque Israël attaque massivement les institutions politiques de l’autorité palestinienne et n’hésite pas à assassiner les responsables politiques qu’il désigne comme trop impliqués dans le terrorisme ? Peut-il empêcher ses sentiments guerriers envers Israël ? Il sait qu’Israël est capable de faire la pluie et le beau temps sur Gaza. Pourquoi les Israéliens asphyxient-ils cette ville ? L’hostilité israélienne serait-elle une des causes de l’élection du Hamas à ces fameuses législatives ? Pourquoi ne pas élire un parti que se revendique d’une mouvance qui semble défier et faire peur à ces Etats-Unis si puissants ? Sauront-ils mieux les protéger ?

ISRAËL ET LE HAMAS
Israël considère le Hamas comme une organisation clairement terroriste. Après les élections de janvier 2006, Israël a refusé de considérer le Hamas comme un interlocuteur palestinien. Assez paradoxalement, mais obéissant à la logique du "l’ennemi de mon ennemi est mon ami", l’Etat hébreu s’est alors tourné vers son ancien ennemi : le Fatah, pour mieux combattre le Hamas. Cette démarche semble être efficace puisque les tensions entre Fatah et gouvernement israélien sont retombées au point d’avoir négocié la libération de 256 prisonniers du Fatah détenus en Israël. En contrepartie, l’Etat israélien a fait évacuer une colonie juive d’Hébron le 7 août dernier. Israël et le Fatah pourraient-ils, ensemble, retourner la situation et, "grâce" à l’élection du Hamas, redonner une impulsion au processus de paix ?
Aussi, compte tenu de l’hostilité de l’opinion israélienne envers le Hamas, le gouvernement ne peut soutenir des négociations avec cette organisation qui depuis sa génèse n’a d’autre intention que de détruire Israël ainsi que ses citoyens. Il n’y aurait donc, selon Israël, aucune possibilité de négociations constructives avec cette force de destruction. Les habitants de Sdérot, dans le sud d’Israël pourraient-ils soutenir leur gouvernement s’il négociait avec les mêmes personnes qui envoient des missiles Qassam en visant les écoles ?
Rappelons, pour rapprocher les situations, que le président Chirac, lors de son deuxième mandat a clairement déclaré qu’un Etat, soutenant matériellement une organisation dans une entreprise terroriste visant des citoyens français, se verrait directement sous la menace d’une frappe nucléaire !

ET MAINTENANT ?
A l’image du Proche-Orient dans sa globalité, la société palestinienne n’a jamais été aussi divisée et en conflit avec elle-même. Plus que jamais, elle a besoin de la communauté internationale afin de s’extraire de la situation qui est la sienne actuellement. La Palestine ainsi que les Palestiniens sont manipulés et instrumentalisés par les régimes n’ayant que des intentions hostiles envers Israël et ne prêtant certainement pas intérêt au sort palestinien. Ces régimes, comme l’Iran et la Syrie ne considèrent les Palestiniens que comme une arme contre Israël. Aussi, même s’il a été élu démocratiquement, ou considéré comme tel, ne faisons pas l’erreur de voir la société palestinienne à l’image du mouvement islamiste. Violent et n’acceptant que le voix religieuse comme base idéologique nationale. Aussi, les reponsables israéliens doivent se rendre compte que les intérêts israéliens et palestiniens sont liés. Et que les uns ne peuvent se développer sans les autres. Si les Palestiniens ne peuvent que concevoir Israël comme un Etat légitime, les Israéliens doivent concevoir qu’un Etat palestinien est incontournable pour une stabilisation de la région. Et tant que la société palestinienne n’aura pas d’économie développée, autonome et des institutions politiques stables et durables, alors les fous d’Allah et les antisémites primaires auront de l’eau pour alimenter leurs moulins de mort.

Cet article n’a pas la vocation d’orienter une opinion. Il n’est que quelques précisions sur la situation palestinienne et donc israélienne. Quelques précisions d’une situation infiniment plus complexe que l’on ne peut saisir en totalité... bien que la plupart ait un avis bien précis et arrêté sur la question.

Documents joints ŕ cet article


Lire l'article complet, et les commentaires