The Economist flingue la justice étasunienne

par Laurent Herblay
lundi 8 septembre 2014

Mes papiers critiquant l’accord entre BNP Paribas et la justice étasunienne, impérialiste et manquant de mesure, avaient déclenché des débats passionnés. Malgré des désaccords sur cette affaire, The Economist apporte de l’eau à mon moulin dans une charge virulente contre la justice de l’Oncle Sam.

La sévérité du jugement de la bible des élites globalisées est assez stupéfiante, car The Economist a parfois soutenu des actions unilatérales de Washington. Il soutient que « les entreprises doivent être punies quand elles tournent mal, mais le système légal s’est transformé en racket et extorsion de fonds  ». Très dur, il demande : « Qui dirige l’organisation d’extorsion la plus profitable du monde ? La mafia sicilienne ? L’armée de libération du peuple en Chine ? La kléptocratie au Kremlin ? Si vous êtes une grande entreprise, toutes celles-ci sont moins cupide que le système réglementaire étasunien  ».

Pour The Economist, « dans plusieurs cas, les entreprises méritaient une forme de punition : BNP Paribas a encouragé de manière écœurante un génocide, les banques étasuniennes ont ranconné leurs clients avec des investissements toxiques et BP a abîmé le Golf du Mexique. Mais la justice ne devrait pas être basée sur une extorsion derrière des portes closes  ». The Economist critique le manque de transparence du mode de fonctionnement actuel, son côté arbitraire, mais aussi les conflits d’intérêt patents (le gouverneur de New York ayant obtenu un milliard dans le cas BNP Paribas), dans un long papier bien documenté et passionnant où l’hebdomadaire critique la remise en cause de l’état de droit.
 
Etat, mesure et démocratie

Bien sûr, je comprends que l’on puisse apprécier le fait que ces condamnations montrent qu’un Etat peut encore imposer sa loi aux plus grandes entreprises du monde, qui plus est quand leur comportement n’est au-dessus de tout reproche. C’était la logique du point de vue de Frédéric Lordon sur l’affaire BNP Paribas. Mais si cet aspect a un côté réjouissant, il faut quand même reconnaître que ce qui est possible de manière aussi large pour Washington ne l’est pas forcément pour les autres pays, encore que Caracas et Buenos Aires démontrent que c’est souvent plus un problème de volonté que de capacité. Mais c’est une chose de reconnaître que l’Etat peut toujours imposer sa loi aux intérêts privés.

Et c’en est une autre de le faire de manière arbitraire, sans mesure, et pas vraiment de façon désintéressée. Ici, la critique de The Economist porte, même s’il est vrai que l’on peut supposer qu’il est un peu influencé par son biais naturel pro-entreprises et anti-Etat. Ce faisant, l’hebdomadaire porte une critique du système judiciaire étasunien proche de sa critique du régime de Poutine en Russie ou de Chavez au Vénézuela, ce qui n’est pas peu piquant… Si je refuse les jugements en noir et blanc sur ces régimes, je n’en fais pas non plus des exemples indépassables dans tous les domaines et je pense également que la démocratie impose un plus grand respect de tous les membres de la société.
 
Pour une fois, je partage globalement le point de vue de The Economist (même si je ne suis pas tout à fait d’accord sur BNP Paribas). Le refus du néolibéralisme et des abus d’une partie du monde des affaires ne doit pas justifier un comportement trop abitraire et totalement démesuré.
 

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