Tirer les bonnes leçons du drame de Lampedusa

par Laurent Herblay
jeudi 10 octobre 2013

Mardi soir, j’étais invité par France 24 pour parler du drame de Lampedusa et des conséquences à en tirer. Un débat extrêmement révélateur de l’incompréhension qui existe entre certaines élites et le peuple, et où la fermeté des principes est essentielle pour ne pas être piégé par l’émotion.

Comment éviter de tels drames ?
 
Bien sûr, la mort de trois cent personnes qui cherchaient à rejoindre l’Europe en bateau est un drame et il aurait fallu pouvoir l’éviter. Il faut penser aux victimes et à ceux qui les ont perdus. Comment éviter de telles tragédies, sachant que la traversée de la Méditerranée aurait fait plus de vingt mille morts ? Deux volets me semblent nécessaires. Il faut tout autant aider l’Afrique à se développer et lutter contre la pauvreté (les gains réalisés depuis vingt ans sont concentrés en Asie, et notamment en Chine), mais aussi, cela peut paraître paradoxal, mieux contrôler (et fermer) nos frontières.
 
D’abord, il faut aider l’Afrique à se développer. NDA a très justement parlé de faire un plan Marshall pour ce continent, comme les Etats-Unis l’avaient fait avec l’Europe. Il a raison. Aujourd’hui, nous la laissons se faire ballotter par la mondialisation et exploité par une Chine avide en matières premières, au point d’acheter les terres agricoles dont ellea pourtant bien besoin… Il faut aussi lui permettre de se protéger pour assurer le développement de son agriculture et de son industrie, comme le soutient Joseph Stiglitz dans « La grande désillusion  » où il rapportait son expérience dans le domaine.
 
Le deuxième volet, que j’ai essayé d’expliquer, est un renforcement des contrôles aux frontières, y compris en mer. En effet, si nous surveillons mieux nos frontières, avec plus de gardes, outre leur mission de contrôle des frontières, ils pourront sauver la vie des victimes d’un tel accident. Mais surtout, en indiquant clairement que nous souhaitons accueillir moins d’immigrés (y compris en renvoyant plus systématiquement les immigrés clandestins) et que les frontières seront mieux contrôlées, alors, moins de personnes tenteront la traversée et il y aura donc moins de victimes (et moins d’immigrés).
 
Les angles morts du débat

Le débat était très intéressant puisque tous mes interlocuteurs, réflexe humain, oulaient tendre la main aux réfugiés. Ils soulignaient que certains étaient des réfugiés politiques, qu’en accepter quelques milliers n’était pas une grosse affaire pour les pays européens. Mais si cette générosité est humaine, elle aurait toutes les chances d’être contreproductives. En effet, si nous indiquons aux immigrés potentiels qu’ils seront les bienvenus, davantage de bateaux clandestins partiront, et il y aura davantage d’accidents et de morts. La solidarité peut, ici, provoquer l’exact inverse de l’effet recherché.

Et il y a un paradoxe à demander à des peuples essorés par trois ans et demi d’austérité, d’impôts et de coupes de prestations, d’accepter plus d’immigrés. Inconsciemment, la député des Verts fait de la publicité pour Geert Wilders. Pire, elle demande un meilleur accès au marché européen pour les produits africains. En clair, elle demande à ses concitoyens de mettre en danger leur emploi tout en payant pour les réfugiés. Et après, on s’étonne que l’extrême-droite progresse ! De plus, il faut bien noter que les pays européens ont du mal à intégrer les immigrés, ce qui plaide pour une pause dans l’immigration.
 
Enfin, certains, comme le Monde, affirment que la solution serait « plus d’Europe  » mais que « cette vérité-là est plus impopulaire que jamais  ». Le « réflexe souverainiste  » aurait abouti « au drame de ces radeaux de la mort ». Rien que cela. En quoi le fait d’avoir une politique commune de l’asile aurait poussé les victimes à ne pas venir ? Et demander des moyens renforcés de contrôle est assez paradoxal de la part d’un journal qui soutient l’austérité néolibérale et monétariste. Enfin, la difficulté à se mettre d’accord à 28 montre au contraire qu’il vaut se baser sur les Etats avec des coopérations ponctuelles.
 
L’émotion est naturelle, mais il ne faut pas se laisser dicter des réactions sous son influence. Bien sûr, il s’agit d’une horrible tragédie et il faut agir pour en éviter d’autres, mais ce ne serait pas aider l’Afrique que d’ouvrir davantage nos frontières. Bien au contraire, plus de contrôles est la solution.

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