TPI : une institution contestée mais nécessaire
par Henry Moreigne
mercredi 15 mars 2006
La disparition brutale de l’ancien président serbe Milosévic donne lieu à une mise en cause tous azimuts du Tribunal pénal international (TPI). Une institution dont la création ne doit rien pourtant au hasard.
En 1992, l’opinion publique internationale prend enfin conscience des atrocités commises dans le conflit de l’ex-Yougoslavie. Deux projets sont alors en concurrence : un projet français et italien qui prône l’indépendance du tribunal ; un projet russe et américain qui place celui-ci sous l’autorité du Conseil de sécurité. Finalement, c’est ce dernier qui sera retenu.
Le Conseil de sécurité lui donne vie par le biais de la résolution 808, le 22 février 1993. Son seul but est alors de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international,, commises en ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991. Il sera reconduit pour les exactions commises au Rwanda. Le droit humanitaire à travers le droit d’ingérence prend forme, ainsi que le principe d’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.
Certes, ce n’est pas la panacée, et différents reproches peuvent être adressés à cette nouvelle institution. Le fait, tout d’abord, que le TPI émane du Conseil de sécurité de l’ONU et non de son Assemblée générale, ce qui ouvre un moyen de contestation de sa légalité par les Etats non membres du Conseil de sécurité. Son financement, également, qui n’est pas assuré exclusivement par l’ONU, mais aussi par les Etats-Unis et diverses personnalités ou multinationales (George Soros, Time Warner, la fondation Rockfeller...), est une source de contestation de son indépendance. L’absence de mode de fonctionnement figé dans le marbre enfin alimente les critiques sur son impartialité. Le Tribunal a ainsi été chargé d’édicter lui-même ses lois et règlements, qu’il a d’ailleurs modifiés maintes fois. Le mode de désignation des juges et procureurs n’est pas non plus clairement établi.
Pourtant, le TPI est très différent du Tribunal de Nuremberg, dans le sens où ce ne sont pas les vainqueurs du conflit qui ont décidé de juger les responsables de celui-ci, mais la communauté internationale. Cette dernière, lors du conflit de l’ex-Yougoslavie, était face à l’existence de camps de concentration et à l’application d’une politique de "nettoyage ethnique". Pouvait-elle rester impassible ? En réaffirmant par la voix du Conseil de sécurité le principe de la responsabilité individuelle des personnes qui commettent ou ordonnent de commettre de graves infractions aux Conventions de Genève et des crimes contre l’humanité, le droit international humanitaire a fait un grand pas.
Où qu’ils soient réfugiés, et quel que soit le délai qui les sépare des faits, les auteurs de ces crimes encourent le jugement de la communauté internationale. Et ça, c’est déjà un sacré progrès.