Troy Davis, mort demain
par hommelibre
mercredi 21 septembre 2011
Sa grâce vient d’être refusée. Le couloir de la mort est sa dernière maison. L’autel de la mort sera sa dernière couche. C’est la table où on l’allongera pour ses dernières minutes. Il sera sanglé. Impossible de bouger, de se débattre ou de tomber.
On trouera ses bras pour glisser des tuyaux dans ses veines. Dans ces tuyaux, des liquides colorés couleront et se mélangeront avec son sang. Dehors, quelques personnes assisteront. La belle affaire : mourir en étant la vedette d’un mauvais spectacle.
Aux Etats-Unis de nombreuses personnes sont condamnées à mort par erreur. En février 2010, on en était à 250 condamnés innocentés par l’analyse ADN. Ce sont ceux qui ont pu être sauvés. Et ceux qui n’ont pas eu cette chance, ceux qui, innocents, sont morts ? Imaginons un instant ce qui se passe pour eux. Ils n’ont jamais pu prouver leur innocence. Après une longue attente on les emmène à l’abattoir. Ils sont attachés. Ont leur met les tuyaux. Que ressentent-ils ? Comment imaginer l’inimaginable ?
Ce n’est même pas un cauchemar. Ils ne se réveilleront pas.
Troy Davis a été condamné à mort pour le meurtre d’un policier blanc en 1991. L’accusation reposait sur 9 témoignages visuels. Aucun élément matériel ne validait l’accusation.
Sur les 9 témoins, 7 sont revenus sur leur déposition par la suite. Ils ont avoué avoir menti.
« Beaucoup ont déclaré avoir agi sous la pression des enquêteurs. Parmi eux, un illettré aurait signé sa déposition rédigée par la police alors qu'il n'était pas capable de la lire, une jeune femme qui était en liberté conditionnelle a eu peur de dire aux policiers qu'elle n'avait pas vu le tireur et enfin un adolescent a accusé Troy Davis sous la menace de poursuites pour complicité. Parmi les deux témoins à ne pas s'être rétractés, l'un est Sylvester Coles, qui avait accusé Davis le premier, mais qui a lui-même été accusé du meurtre par plusieurs témoins. L'autre, Steven Sanders, avait affirmé que le meurtrier était gaucher, ce qui n'est pas le cas de Davis. » (Wikipedia)
En 2008 de nouveaux témoins ont disculpé Troy Davis. Rien n’y a fait. Le système judiciaire a des impasses. Sa grâce étant rejetée, il sera mort demain. Et il y a une très forte possibilité, une possibilité déraisonnable, qu’il meure par erreur.
La justice n’est pas une science exacte. C’est pourquoi elle doit s’entourer de nombreuses précautions avant de condamner quelqu’un, surtout à mort. Dans le sud des Etats-Unis, un vieux réflexe raciste serait en cause. La France a eu ses erreurs judiciaires et ses condamnés jamais réhabilités malgré les faiblesses des dossiers. Les biais existent et la mentalité judiciaire est lente à évoluer vers l’égalité. On voit ces jours des femmes dire qu’elles ne sont pas crues lors de crimes sexuels. De l’autre côté on entend des hommes dire qu’ils sont suspectés parce qu’ils sont hommes et qu’ils ne bénéficient pas de la présomption d’innocence dans ces affaires. Tous les innocents condamnés par erreur ne risquent pas d’y laisser leur vie comme Troy Davis, mais certains y laissent travail, amis, famille, sens de leur existence. Outre le drame personnel de Monsieur Davis, cette affaire nous rappelle avec quel haut degré de rigueur la justice devrait être rendue.
Dans le cas de l’Amérique la pratique de la peine de mort est contestée depuis longtemps sans encore de résultats. Le film « La vie de David Gale » d’Alan Parker, avec Kevin Spacey et Kate Winstlet, avait secoué nombre de consciences. Une association américaine, Innocenceproject.org, se bat contre la peine de mort et pour l’analyse ADN systématique à chaque fois qu’elle permettrait de confirmer ou d’invalider une accusation.
Pour Troy Davis cela ne servira à rien. Seule une grâce pouvait le sauver.
A 19 heures 30 heure d'Atlanta, en Géorgie, soit 1 heure 30 demain jeudi pour nous, il sera mort. Imaginons un instant ce qu’exprimera son regard au moment de l’injection. Imaginons ce qui se passera en lui.
La peine de mort est irréversible. Même pour les innocents.