Troy Davis va mourir

par Marameo
mercredi 21 septembre 2011

12 h 33 minutes, 15 secondes... et une de plus à chaque coup assénés sur ce clavier. Des dizaines désormais qui s'amoncèlent peu à peu et forment la figure troublante de la potence de Troy Davis. Cet américain, noir, nous verrons que ce détail a de l'importance, condamné à mort par injonction létale, alors même que la pauvreté des accusations qui pèsent sur lui muent ses juges et ses bourreaux en de vulgaire assassins, sadiques, cyniques, dénués d'âme et de justice.

Troy Davis va donc mourir demain matin, dans la nuit française et au crépuscule américain. Devant sa prison il y aura des pleurs, des bougies allumées, des injonctions à l'humanité, dedans les visages fermés d'Hommes qui savent qu'ils sont du mauvais côté du mur. Peut être parmi eux subsistera encore le sourire béat d'un meurtrier en robe, d'un criminel en uniforme, les seuls qui pourront dormir demain soir en Amérique avec la certitude que "Justice has been done".
 
Qu'est-il advenu de Barack Obama, prix Nobel d'une paix qui ne se lasse pas des guerres, des prisons d'exception, des décisions idoines ? Lui le héraut à peu de frais, pour quelques pigments de plus, de la liberté , de la justice, de l'humanité enfin qui semblait faire défaut dans la plus grande démocratie du monde. Il se terre certainement, soucieux de ménager les ultra conservateurs qui le scrutent à chaque instant, soucieux aussi peut être de faire oublier son droit de grâce, droit qui dans un mois ne servira qu'à épargner les dindes le jour de Thanksgiving, une chose s’est brisée en Amérique.
 
Et cette peur qui le ronge, celle d'incarner le fantasme des néo-cons, du tea party, des red necks abêtis dans une propension qui défie l'intelligence humaine ; ce fantasme d'une Amérique racialisée, ou les communautés s'affrontent et se désavouent selon les rapports de force.
 
Muet, terré, éludant soigneusement la question, dans un pays ou désavouer la peine capitale relève du suicide politique, et où ce suicide n'est pas de mise à un an à peine d'une possible réélection. Dans un pays si frappé par le communautarisme et l'entre soit que la mort de Troy Davis n'apparaît alternativement, que comme l'irréfutable preuve de la gangrène raciste qui le ronge, ou ,si il était gracié ,comme l'indéniable démonstration des liens quasi mystique et ineffables qui unissent les Hommes selon leur origines. L'ethnicisation de la mort ou de la survie de Davis n'est que l'ultime étape vers une déshumanisation absolue des rapports qui font l’Amérique, atteignant le paroxysme d'un peuple qui ne sait pas se ranger sous la seule bannière de l'espèce Humaine .
 
Et à ce jeu le seul perdant sera Troy Davis, qui dans 12 heures désormais se verra sacrifier pour que l'Amérique puisse continuer d'oublier qu'elle est une démocratie malade, qu'Obama puisse continuer de s'affirmer comme un être supra-ethnique, rongé par la couleur de sa peau, vérolé par l'ambition, et qu'ensemble nous nous lamentions des errements d'une nation qui oublie de s’interroger sur ce qui fait le propre de l’Homme, l’empathie, mais que trop ce qui fait, selon elle, le propre d’une race, comme un ensemble déterminé et soudé, naturellement hostile.
 
Troy Davis va mourir et nous ne pouvons que vomir de rage, d‘incompréhension, hurler à la supériorité de la vie sur les considérations politiciennes, si rien n’y fait alors il ne nous restera que notre indignation. 

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