Tulsi Gabbard et sa proposition de loi contre la guerre secrète de la CIA en Syrie

par Maxime Chaix
samedi 2 avril 2016

En exclusivité, voici ma traduction d’un communiqué de presse défendant une proposition de loi de Tulsi Gabbard, la personnalité politique que je respecte le plus. L’année dernière, j’avais déjà parlé de cette représentante au Congrès lorsqu’elle avait courageusement dénoncé sur CNN la guerre secrète de la CIA en Syrie. En effet, trois semaines avant les attentats du 13-Novembre, elle qualifia cette politique clandestine d’« illégale » et de « contreproductive car actuellement, des armements américains vont dans les mains de nos ennemis, al-Qaïda et ces autres groupes, des groupes islamistes extrémistes qui sont nos ennemis jurés. Ce sont des groupes qui nous ont attaqués le 11-Septembre, et nous étions censés chercher à les vaincre, mais pourtant nous les soutenons avec ces armes pour renverser le gouvernement syrien. » 

En février dernier, Tulsi Gabbard a rejoint l’équipe de campagne de Bernie Sanders, après avoir démissionné de son poste de vice-présidente du Parti Démocrate. Avant la victoire de « Bernie » aux primaires démocrates d’Hawaï, dont Madame Gabbard représente le deuxième district, cette dernière a expliqué que Bernie Sanders avait « voté contre la guerre d’Irak », qu’« il comprend les coûts de la guerre », et qu’il investira aux États-Unis les trillions de dollars actuellement dépensés dans des « guerres interventionnistes et inutiles, qui visent à renverser des gouvernements étrangers ». Tulsi Gabbard étant méconnue en France, je vous propose ma traduction de son communiqué de presse du 19 novembre dernier, qui explique sa proposition de loi contre la guerre secrète de la CIA en Syrie. Introduite par Madame Gabbard et son confrère républicain Austin Scott, cette législation n’a pas encore été débattue ni votée à la Chambre des Représentants. Néanmoins, sa principale exigence, qui est de stopper le soutien de la CIA pour la « rébellion » en Syrie, semble avoir été mise en oeuvre au vu du succès du cessez-le-feu dans ce pays, que le journaliste Gareth Porter a récemment décrit comme étant « efficace à 90 % ». Ces développements positifs nous donnent des raisons d’être optimistes. Il nous faut donc espérer que Tulsi Gabbard occupera un poste important dans le gouvernement d’un éventuel Président Sanders. 

Communiqué de presse

Les Représentants Tulsi Gabbard et Austin Scott introduisent une proposition de loi pour stopper la guerre illégale des États-Unis visant à renverser le gouvernement syrien d’el-Assad 

19 novembre 2015, Gabbard.House.Gov

Washington, DC — Aujourd’hui, la représentante Tulsi Gabbard (Dém.–Hawaï) et le représentant Austin Scott (Rép.–Géorgie), qui sont tous deux membres de la Commission des Forces armées de la Chambre des Représentants, ont déposé la H.R. 4108, une proposition de loi bipartisane visant à stopper les tentatives états-uniennes de renverser la République Arabe Syrienne dirigée par le Président Bachar el-Assad. 

La représentante au Congrès Tulsi Gabbard, une ancienne combattante ayant servi à deux reprises [au Proche-Orient], a expliqué que le but de cette proposition de loi était de « [s]topper immédiatement la guerre illégale et contreproductive visant à renverser le gouvernement syrien d’el-Assad. » 

Comme la représentante Tulsi Gabbard l’a expliqué, « les États-Unis sont en train de mener deux guerre en Syrie. La première est la guerre contre Daech et d’autres extrémistes islamistes, que le Congrès a autorisé après les attentats du 11-Septembre. La deuxième est la guerre [secrète et] illégale pour renverser le gouvernement syrien d’el-Assad. » 

« Cette guerre [secrète] pour renverser el-Assad est contreproductive car, en réalité, elle aide Daech et d’autres milices extrémistes a remplir leur objectif de faire tomber le gouvernement syrien d’el-Assad et de prendre le contrôle de toute la Syrie – ce qui aura comme conséquence d’amplifier la souffrance humaine dans cette région, d’exacerber la crise des réfugiés, et de déstabiliser le monde entier. En outre, cette guerre pour renverser el-Assad est illégale car le Congrès ne l’a jamais autorisée. »

Selon le représentant Austin Scott, « [n]otre mission première devrait être la guerre contre Daech, al-Qaïda et d’autres islamistes radicaux qui mènent des opérations en Syrie, en Irak et dans d’autres pays. Ces groupes ont perpétré des attaques contre des alliés des États-Unis, et ils menacent actuellement de commettre des attentats sur notre territoire. Cela représente un danger clair et immédiat pour nos concitoyens. Par conséquent, je soutiens le fait d’éliminer ces groupes extrémistes islamistes par tous les moyens nécessaires. Aujourd’hui, manœuvrer pour renverser el-Assad est contreproductif vis-à-vis de ce que je pense être notre principale mission. » 

 

La représentante Tulsi Gabbard a déclaré qu’« il existe 10 raisons pour lesquelles les États-Unis doivent stopper leur guerre visant à renverser le gouvernement syrien d’el-Assad » :

1.  Car si nous réussissons à faire tomber el-Assad, nous permettrons à Daech, à al-Qaïda et à d’autres extrémistes islamistes de s’emparer de toute la Syrie. Il y aurait alors un génocide et des souffrances humaines qui dépassent notre imagination. Ces extrémistes islamistes s’empareront de tous les armements, les infrastructures et les équipements militaires de l’armée syrienne, et ils seront plus dangereux que jamais.  

2.  Car renverser le gouvernement syrien d’el-Assad est le but de Daech, d’al-Qaïda et d’autres groupes islamistes extrémistes. Nous ne devrions pas nous allier avec ces fanatiques en les aidant à remplir leur objectif, car cela est contraire aux intérêts sécuritaires des États-Unis et de la civilisation.

3.  Car l’argent et les armes que la CIA distribue pour renverser le gouvernement syrien d’el-Assad vont directement ou indirectement dans les mains des groupes islamistes extrémistes, dont des [milices liées ou] affiliées à al-Qaïda, à al-Nosra, à Ahrar al-Sham, et à d’autres groupes qui sont en réalité les ennemis des États-Unis. Ces groupes forment près de 90 % des soi-disant forces d’opposition, et ils constituent les principales forces combattantes sur le terrain. 

4.  Car nos tentatives de renverser el-Assad se sont intensifiées, et qu’elles continueront de renforcer Daech et d’autres extrémistes islamistes, ce qui en fera une menace régionale et globale encore plus importante. 

5.  Car cette guerre a exacerbé le chaos et le carnage en Syrie. Par ailleurs, en plus de la terreur infligée par Daech et d’autres groupes islamistes extrémistes combattant pour s’emparer de la Syrie, elle continue d’augmenter le nombre de Syriens fuyant leur pays. 

6.  Car nous devrions apprendre de nos erreurs en Irak et en Libye, où des guerres états-uniennes pour renverser des dictateurs laïcs (Saddam Hussein et Mouammar Khadafi) ont engendré encore plus de chaos et de souffrances humaines, et ont permis à des islamistes extrémistes de s’emparer de ces pays.

7.  Car les États-Unis n’ont pas de gouvernement ou de dirigeant qui serait prêt à garantir l’ordre public, la sécurité, et la liberté du peuple syrien. 

8.  Car, même dans le « meilleur » des cas – c’est-à-dire si nous réussissons à renverser le gouvernement syrien d’el-Assad –, cela obligerait les États-Unis à dépenser des trillions de dollars et à [sacrifier] la vie de nos soldats dans le vain effort de créer une nouvelle Syrie. C’est ce que nous avons tenté de faire en Irak depuis [treize] ans, mais nous n’y sommes toujours pas parvenus. La situation en Syrie sera bien plus difficile qu’en Irak. 

9.  Car notre guerre contre le gouvernement syrien d’el-Assad est en train de nous dévier de notre objectif de vaincre Daech, al-Qaïda, et d’autres extrémistes islamistes qui sont nos véritables ennemis. 

10.  Car notre guerre visant à renverser le gouvernement el-Assad nous place dans une situation de conflit direct avec la Russie, et augmente la probabilité d’une guerre entre la Russie et les États-Unis, donc d’une nouvelle guerre mondiale.

 

D’après la représentante Tulsi Gabbard, « [d]étruire Daech nécessitera des alliances internationales. Si nous voulons réellement détruire cette organisation et résoudre le problème des réfugiés, nous devrons travailler en partenariat avec la Russie, la France et tous les pays qui souhaiteront vaincre Daech et les organisations islamistes extrémistes qui lui sont affiliées à travers le monde. »

« Le problème est que, puisque les États-Unis tentent de renverser le gouvernement syrien d’el-Assad, mais que la Russie soutient celui-ci, il est impossible d’instaurer une relation efficace et constructive avec nos partenaires russes dans notre combat mutuel contre Daech. Notre focalisation sur le renversement d’el-Assad est en train d’altérer notre capacité à détruire Daech. »

« Nous devons immédiatement stopper cette guerre illégale et counterproductive qui vise à renverser le gouvernement syrien d’el-Assad, et nous allier avec tous les pays qui souhaitent détruire les extrémistes islamistes qui représentent une menace vitale à la civilisation », conclut la représentante Tulsi Gabbard.

 

[NdT : Cinq mois après l’introduction de cette proposition de loi, il semblerait que l’administration Obama ait abandonné l’objectif de renverser Bachar el-Assad, et qu’elle ait fait pression sur ses alliés du Golfe et de Turquie pour interrompre leur soutien aux factions jihadistes et imposer le respect du cessez-le-feu. Le grand reporter Gareth Porter l’a récemment expliqué sur Russia Today.]


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