Tunisie - Emancipation féminine - Entre lutte de classe et débats d’idées
par Fatma Benmosbah
mercredi 9 mars 2011
La place de la femme dans la société tunisienne s’est nettement améliorée, mais le combat pour un meilleur partage des responsabilités entre hommes et femmes demeure plus que jamais un combat d’actualité.
La lutte des femmes contre les dominations, les humiliations, les violences les plus extrêmes dont elles sont victimes en Tunisie comme dans de nombreuses régions du monde est une lutte universelle.
Si le combat pour obtenir le plein exercice de leurs droits politique, économiques et sociaux est souvent associé à d’autres combats comme ceux contre le colonialisme, la dictature ou les inégalités économiques ou sociales, il ne saurait être instrumentalisé pour les servir, comme il ne saurait l’être actuellement en ce qui concerne la laïcisation de la société tunisienne post révolution.
Aujourd’hui, que chaque citoyenne tunisienne a retrouvé la liberté d’afficher ses opinions et ses convictions, grande est la tentation de chacune d’associer les valeurs de ses croyances à celles de l’exercice de la pleine citoyenneté.
Or ce combat pour la parité entre les femmes et les hommes dans tous les lieux de décision de la vie sociale, économique, politique et culturelle doit être mené seul et à part entière.
Présenter le débat sur l’égalité des chances hommes-femmes sous l’angle du combat pour la laïcité et contre toute forme de religiosité de la société est une instrumentalisation dangereuse parce que réductrice.
Cela mènerait, et à très court terme, à s’éloigner de l’objectif de ce combat à savoir assurer la pleine représentativité des femmes dans la société, que cela soit sous l’angle de la représentation politique ou l’angle de l’égalité professionnelle et salariale.
Que la république tunisienne soit laïque ou musulmane, l’émancipation de la femme ne passe pas par l’article de la constitution qui en a défini le statut ou va de nouveau le définir.
S’il est vrai que le Code du statut personnel puise ses sources dans une certaine interprétation du droit musulman, il n’en reste pas moins que ni la laïcité ni l’Islam ne sont en mesure d’apporter une solution à une situation qui s’apparente bien plus à une lutte de classe qu’à un débat entre différents courants constitutionalistes.
Mettre fin à des siècles de domination masculine ne peut être possible que par un programme aux contours bien définis, axés sur des réponses à apporter à des demandes précises. Partout, quel que soit l’environnement politique, économique ou social dans lequel elles évoluent l’engagement des femmes pour leurs droits et l’égalité, pour leur place à tous les niveaux de responsabilités professionnelles et politiques, est une nécessité.
Fatma BENMOSBAH