Turquie : vote des pleins pouvoirs à Erdogan en cours

par Clark Kent
mardi 17 janvier 2017

Le projet de loi pour consolider le pouvoir d'Erdoğan est passé en première lecture. Les députés turcs ont exprimé un vote favorable pour des modifications radicales de la constitution qui aboliraient les fonctions de premier ministre, attribueraient le pouvoir exécutif au Président et mettraient fin à l'indépendance judiciaire

Le projet de loi controversé a franchi un premier obstacle déterminant pour la suite : le parlement turc a approuvé les 18 articles des deux dernières sections de la nouvelle constitution après une semaine de débats marathon qui avait débuté le 9 janvier.

Le Parti de la Justice et du Développement (AKP) actuellement au pouvoir a réussi à drainer les 330 voix nécessaires - une majorité des trois cinquièmes - pour approuver le projet de changement constitutionnel et le soumettre à un référendum pour être adopté.

Les débats ont été passionnés et parfois violents, agrémentés de coups de poing et de blessures corporelles de certains députés. Un parlementaire affirme même avoir été mordu à la jambe.

Il faut dire que les changements proposés sont ne font pas dans la dentelle, ni dans le détail : la nouvelle constitution permettra au président de nommer et de révoquer les ministres, et le poste de premier ministre sera supprimé et « remplacé » par un vice-président, ou peut-être plusieurs, dont le rôle sera très différent.

Les élections législatives et présidentielles se tiendront simultanément, à une date fixée au 3 novembre 2019.

Le principal parti d'opposition du Parti républicain (PCH), troisième parti le plus important est opposé à ces changements, et le Parti démocratique populaire pro-kurde (HDP), boycotte le vote. Une dizaine de députés du HDP, dont les deux dirigeants, sont derrière les barreaux accusés de soutenir les militants kurdes et ne peuvent pas participer.

L'AKP (parti d’Erdogan), qui compte 317 sièges à la chambre sur 550 députés, ne dispose pas des trois cinquièmes nécessaires à la majorité qualifiée requise, mais il a obtenu le soutien de la plupart des députés du quatrième parti, le parti du mouvement nationaliste (MHP).

Le chef du MHP, Devlet Bahçeli, qui a pris les rênes du parti en 1997, est apparu comme l'allié principal de l'AKP dans le changement constitutionnel.

Les opposants accusent Erdoğan de vouloir mettre en place un régime après le coup d'Etat du 15 juillet : "C'est un changement de régime. Ils ne devraient pas essayer de mentir aux gens. Cette structure exposera la Turquie à des problèmes beaucoup plus profonds." a déclaré M. Kemal Kılıçdaroğlu, chef du CHP.

L’argumentation du pouvoir en place justifie la nécessité de ces changements par une recherche d’efficacité et l’adoption d’un modèl comparable auxsystèmes présidentiels qui existent aux États-Unis ou en France : « Les changements constitutionnels vont stimuler notre pays. Si Dieu le veut, personne ne s'opposera à la construction et à la montée de la Turquie ", a déclaré Erdoğan samedi.

La Constitution actuelle, adoptée en 1982 à la suite du coup d'Etat militaire de 1980, garantit l'indépendance des tribunaux, mais les changements approuvés permettront au président d'intervenir directement dans le système judiciaire accusé par Erdoğan d'être influencé par les partisans de son ex ami devenu son ennemi, le prédicateur islamique basé en Pennsylvanie Fethullah Gülen qui a été accusé par le gouvernement du putsch du 15 juillet.

Le Premier ministre turc, Binali Yıldırım, a déclaré que la nouvelle constitution signifierait que la Turquie ne connaitrait plus jamais de coup d’état militaire : "Avec la réforme constitutionnelle, les juntes ne seront plus encouragées à prendre le pouvoir", a-t-il déclaré.

Premier ministre depuis 2003 avant de devenir président en 2014, Erdoğan a transformé la Turquie par la mise en œuvre de projets d'infrastructure ambitieux et une résurgence industrielle, mais les opposants l'accusent de favoriser une islamisation rampante et de créer des clivages dangereux dans la structure composite de la société turque.

Le rapprochement récent de la Turquie et de la Russie, ainsi que les dernières déclarations de Donald Trump sur "l'obsolescence de l'OTAN" risquent de donner à ce "renouveau" des dimensions surprenantes !


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