Ukraine : Gouverner c’est Prévoir
par BARUANI MAYOMBO André
mardi 20 mai 2014
Faute de prévoir, faute de réalisme, faute de tenir compte de la géo-politique de l'Ukraine, faute d'exploiter les opportunités, le Gouvernement provisoire de Kiev issu du renversement de Viktor Ianoukovitch le 22 février 2014, se retrouve aujourd'hui en train de courir derrière des événements, comme derrière un train qui part et qu'on espère peu rattraper.
La science administrative nous apprend que dans le processus décisionnel, lorsque la décision initiale n'a pas été suffisamment murie, les décideurs tombent dans le piège des demi-décisions susceptibles de créer un mal plus grand que celui que l'on voulait éviter.
La crise ukrainenne a tellement vite escaladé vers la sécession, que deux mois et demi après la prise du pouvoir à Kiev par les revolutionnaires pro-occidentaux, des voix commencent à reconnaître que c'était une erreur d'avoir demandé au Gouvernement de Kiev de choisir entre l'Union Européenne et la Russie.
La posItion géographique et stratégique de l'Ukraine entre l'Europe de l'Ouest et la Russie, le clivage de la population ukrainienne (Ukrainiens pro-occidentaux et pro-russes) ainsi que son reflet dans l'armée et la police ukrainiennes ne favorisaient pas une position extrémiste.
La lutte pour l'intégrité nationale n'a de chance de réussir que lorsqu'elle est soutenue, d'une part, par des populations assiégées par les séparatistes et, d'autre part , par l'armée loyaliste. Ce qui n'est pas le cas en Ukraine où les populations majoritaires pro-russes de l'Est ne crient pas au secours du Gouvernement central et l'armée ukrainienne, renfermant les germes de division pro-Kiev - pro-russe, n'est pas efficace pour mener les opérations à la satisfaction de toutes les parties antagonistes.
De là, il faut vite comprendre que l'usage des armes par le Gouvernement central pour conquérir l'intégrité nationale n'est plus adéquate. De même les sanctions contre la Russie, vers qui se penchent les sécessionnistes de l'Est de l'Ukraine, ne peuvent résoudre la crise ukrainienne. Au contraire, ces sanctions frapperont aussi bien la Russie, l'Ukraine et l'Europe occidentale.
Au stade actuel du péril dans la demeure ukrainienne où la Crimée, les régions de Donetsk et de Louhansk volent en sécession et d'autres régions de l'Est sont en tumulte pour la sécession, il reste à exploiter des opportunités que la Russie a offertes depuis le début de la crise, à savoir, le dialogue entre Ukrainiens et la fédération de l'Ukraine. Sans ces préalables, les élections présidentielles précipitées ne feront qu'accentuer la crise et exposer l'Ukraine à la désagrégation ou au chaos.
Loin de se laisser obnubiler par la convoitise occidentale, les dirigeants provisoires à Kiev ont la lourde et historique responsabilité de prendre le courage politique en renonçant à certaines de leurs ambitions extrémistes, en acceptant même l'humiliation au profit de l'intérêt général et supérieur de l'Ukraine.
Qui sait si l'avenir donnera raison à certaines de leurs options ? En effet, l'histoire politique renseigne que la population est constamment insatisfaite et sa volonté constamment vacillante. Pour justifier leur confiscation du pouvoir politique, les despotes éclairés disaient que la population est cette partie de l'Etat qui ne sait pas ce qu'elle veut au juste.
Pour l'instant, la sagesse biblique déclare : " vaut mieux un voisin proche qu'un frère lointain". A plus forte raison, vaut mieux un frère proche qu'un ami lointain qui est delà du Pacifique et qui a peu d'inquétude sur ses guerres qu'il a exportées au loin de ses frontières.
L'Ukraine, vu sa position et vu le clivage de sa population, a plus intérêt à privilégier les relations de bon voisinage et à adopter une démarche équilibrée.
Le sort de l'Ukraine est entre les mains des décideurs de Kiev qui, à ce stade, n'ont plus droit à l'erreur. Ils doivent devancer les événements au lieu de les subir et cela, afin d'éviter le risque d'embraser et leur pays, et l'Europe occidentale et orientale, et monde. S'ils négligent les affres qu'inspirent les guerres européennes et mondiales, ils endosseront les conséquences d'oublier l'histoire.
Du reste, l'évolution de la situation en Ukraine servira de leçon à beaucoup de pays aux sursauts sécessionnistes où, pour y prévenir, les gouvernements doivent éviter des velléités centralisatrices au détriment des provinces laitières.