Un Indien dans la ville
par olivier cabanel
mardi 7 mai 2013
Qui ne connait le chef Cacique Raoni, qui se bat depuis des lustres pour sauvegarder le lieu de vie de son peuple menacé par l’avance d’un « progrès » qui se voudrait inexorable ?
Il vient de réussir un joli coup de force.
Obliger le gouvernement brésilien à prendre conscience du problème.
L’Amazonie, c’est une forêt qui couvre 5,5 millions de km², c'est-à-dire quasiment 10 fois la France, et qui à perdu depuis 1970 près de 18% de sa surface…alors que chacun sait que la forêt amazonienne représente plus de la moitié des forêts tropicales du monde. lien
Quant au bassin hydrographique du fleuve l’Amazone, il occupe le 1/20ème de la surface terrestre, la moitié du Brésil, et représente le 1/5ème du total d’eau douce de la planète. lien
La partie principale du territoire indigène des Kayapô, le parc National de Xingu, est protégé, mais pas encore la terre Indigène Kapot Nhinore, dans laquelle vit Raoni et son peuple, qui représente moins de 0,5% de la population brésilienne.
Or un vieux projet est ressorti des tiroirs du gouvernement brésilien, celui du barrage géant de Belo Monte, et les travaux ont commencé sans la moindre consultation préalable du peuple qui occupe ce territoire, comme le prévoit la convention 169 de l’OIT (organisation internationale du Travail).
Ce barrage fait partie d’une série de méga barrages planifiés en 1980 dans le cadre du « programme de croissance accélérée du Brésil » et couterait près de 11 milliards de dollars.
Il menace non seulement les Kayapo, mais aussi les Arara, les Juruna, les Araweté, les Xikrin, les Asurini et les Parakanã.
Si ce barrage va à son terme, au-delà de la perte inévitable de territoires, (9 millions d’hectares affectés) de disparition d’espèces, il provoquera fatalement des conflits avec les 200 000 ouvriers nécessaires à la construction, et de colons, qui viendront dans cette région, mais introduira aussi des maladies mettant en danger la vie des indiens, et aucune mesure compensatoire ne pourra remplacer leur terre ancestrale. lien
James Cameron, le célèbre réalisateur d’Avatar, avait rencontré en mars 2010 les caciques des différentes ethnies indiennes menacées, et avait écrit au président Lula, lui demandant d’abandonner ce néfaste projet de barrage. lien
Déjà en 2009, suite à la menace des indiens du Xingu d’entrer en guerre, l’ex président Lula avait transigé, d’autant que la CIDH (commission inter-américaine des droits de l’homme) avait condamné le projet, et que la FUNAI (département des affaires indigènes) avait reconnu l’impact négatif du barrage…tout en autorisant sa construction. lien
Le projet semblait donc enterré, ou du moins était en sommeil, jusqu’au 1 juin 2011, jour ou la nouvelle présidente Dilma Roussef a pris la décision de le relancer. lien
La pétition recueillant 500 000 signatures contre le barrage n’a rien changé…pas plus que les recommandations émises par Amnesty International. lien
La contestation faite par la CIDH n’a eu d’autre résultat que de priver cet organisme des 800 000 dollars de subvention annuelle qu’il recevait.
Alors Raoni se bat comme un beau diable.
Le 29 novembre 2012, il se rend à l’Elysée, afin d’y rencontrer le président de la République, lequel assure soutenir sa juste lutte, et de lui remettre un courrier destiné à Dilma Roussef, la populaire présidente brésilienne (76% d’opinion favorable en aout 2012).
Ce courrier n’est rien d’autre que « la déclaration des peuples indigènes », adoptée en juin 2012 lors du campement « Terre Libre » pendant la Conférence de Rio+20.
Hollande a donc transmis ce courrier à la présidente brésilienne en visite en France les 11 et 12 décembre 2012, ce qui n’a pas eu l’air de l’émouvoir…
Le 10 décembre, l’infatigable chef indien se rendait à Genève, afin de demander l’aide de l’ONU…puis il était à Strasbourg afin de solliciter l’appui du Parlement Européen. lien
Ce qui n’a pas arrêté manifestement la décision de construire le barrage.
Alors Raoni, excédé a réussi un joli coup de force.
C’était à Brasilia, le 16 avril dernier.
Se saisissant d’une date dédiée aux Indiens, le 19 avril avait été décrété « journée nationale de l’Indien », 600 représentants du peuple indigène s’étaient réunis à Brasilia
L’Abri Indigena (avril indigène) se tenait à Brasilia du 15 au 19 avril, et Raoni, accompagné de 300 indiens ont envahi la chambre des députés brésiliens en plein milieu du débat parlementaire afin d’obliger le parlement à écouter les justes revendications du peuple indien, menacé de toute part par la déforestation, la construction d’un barrage géant, et l’envahissement constant de ce qui est considéré, peut-être à tort, comme la « civilisation ». lien
A la suite de l’intrusion des Indiens, bâtons, tambours et lances à la main, en plein milieu des débats de l’assemblée, les députés paniqués ont reflué, se mettant à l’abri sur l’estrade. vidéo
Quant à la Présidente Roussef, dont le palais avait été assailli le jour de son rendez vous avec le chef cacique, elle a profité du prétexte pour s’envoler vers le Venezuela.
Le boycott des J.O. de Rio 2016 a été lancé en riposte à l’attitude incompréhensible de la présidente Brésilienne. lien
Après le printemps arabe, le printemps indien ?
Comme dit mon vieil ami africain : « il vaut mieux un monde en partage qu’un partage du monde ».
L’image illustrant l’article vient de « bahiatodahora.com »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
La pétition officielle contre le barrage est sur ce lien
Site de Raoni sur ce lien
À visiter le blog Survival
A voir un film : « la maison et la forêt » de Volkmar Ziegler
Un extrait du documentaire Battle for the Xingu est sur ce lien
Les derniers hommes libres de la forêt amazonienne.vidéo