Un journal suisse donne à Marine Le Pen l’occasion de développer ses idées en politique étrangère

par Catherine Segurane
jeudi 23 février 2012

Marine Le Pen vient, en date du 21 février 2012, de donner une grande interview au journal suisse Le Matin, qui l'a publiée sous le titre "Freysinger trouve que je ne suis pas assez radicale avec l'islam".

Cette interview nous donne l'occasion de voir ce que pourrait être la politique étrangère d'une présidente patriote. La candidate s'y montre aux antipodes de la caricature que la propagande mondialiste cherche à dessiner d'elle. Ni hostilité aux autres ni fermeture : Marine Le Pen prend au contraire un plaisir visible à souligner longuement ce qui lui plait en Suisse. Pour autant, quand on arrive aux sujets qui fâchent, elle ne les esquive pas, elle les pose franchement sur la table, sans agressivité mais sans complaisance.

Les thèmes abordés sont les suivants :

Démocratie directe
 
"Voulez-vous copier le modèle suisse ?" lui demande le journaliste, visiblement fier et heureux de voir son pays faire école.
 
Marine Le Pen répond :

"Le Front national (FN) défend la votation populaire depuis trente ans, avec une belle persévérance. Et nous faisons même des émules, puisqu’elle est devenue un vrai thème de campagne… Le FN réclame un système d’initiative populaire qui, compte tenu de la population, devrait être demandé par 500 000 personnes. Je crois que c’est à peu près ce qui se fait en Italie et cela me semble correct. Entre la Suisse qui a une tradition systématique du recours au référendum et la France qui n’en a pas, il y a un juste milieu à trouver – encore faut-il respecter l’avis de ceux à qui on demande leur opinion."

Plus loin, elle revendique, pour le Front National, la primauté de certaines idées, tout en soulignant que " il n’y a pas de honte à regarder ce qui fonctionne dans d’autres pays et à s’en inspirer."
 
Priorité à la volonté populaire sur le droit international
 
Question : :Comment concilier la volonté populaire telle qu'elle s'exprime dans un référendum avec des traités internationaux souvent aux antipodes ? Priorité à la souveraineté populaire, répond la candidate dans cet échange question/réponse :
 
Question : "En Suisse, certaines votations sont difficiles à appliquer car elles sont contraires au droit international. Ce pourrait aussi être le cas de la peine de mort, que vous voulez proposer aux Français. N’est-ce pas un problème ?

Réponse : Rien n’est supérieur au peuple. Dans ce cas, il n’y a qu’à sortir de la convention qui nous contraint. Les traités internationaux n’ont aucune légitimité par rapport au peuple.

Question : Est-ce une position défendable auprès des autres pays ?

Réponse : Bien sûr. Ou alors, on décide que les peuples ne sont plus souverains chez eux et on entre dans une sorte de phase post-démocratique, oligarchique, où quelques-uns décident à la place des autres. Ce n’est pas ma vision. La démocratie est pleine de défauts, mais c’est encore le système le plus performant que je connaisse."

Marine le Pen respecte les autres pays. La priorité nationale est une priorité pour chacun dans son pays. Interrogée sur un hôpital qui applique la priorité suisse, elle répond :
 
"Ils ont tout à fait le droit de le faire. Après tout, les Suisses n’ont qu’un pays et il est normal que, chez eux, ils aient une priorité d’accès à l’emploi et aux aides sociales. Même chose pour les Français en France ou pour les Béninois au Bénin. C’est d’ailleurs déjà appliqué en France, dans la principauté de Monaco, et cela ne suscite pas de critiques de la part de la classe politique française. Cela s’appelle le patriotisme économique et social."

Sortie de l'euro et Allemagne :

On note ces échanges :
 
" Q : Mais la sortie de l’Europe ne serait-elle pas coûteuse à la France ?

R : Et l’euro, il n’est pas coûteux pour notre pays ? La zone euro a eu la croissance la plus faible depuis dix ans et la balance commerciale de la France affiche 70 milliards de déficit. Pour retrouver notre compétitivité, on peut dévaluer notre monnaie. L’autre possibilité est de baisser les salaires et le système de protection sociale. C’est un choix. Moi je ne fais pas ce choix-là. D’ailleurs je ne suis pas inquiète, car tous les peuples vont se rendre compte qu’on leur demande des milliards, à perte, pour sauver cette monnaie.

Q : Vous parlez de la Grèce ?

R : Je prends les paris : ils vont jeter la Grèce hors de l’euro et ce sera catastrophique. Je défends une sortie progressive de l’euro. Pour la France, cela pourrait prendre six à huit mois, en concertation avec nos partenaires.

Q : Comment pouvez-vous convaincre l’Allemagne de mettre fin à l’UE ?

R : Je n’ai pas à les convaincre, puisque le peuple allemand est pour la sortie de l’Union selon les sondages.

Q : Et Angela Merkel ?

R : Elle a un peuple derrière elle, qui sait qu’au fur et à mesure que les pays font faillite, le seul qui va rester pour payer est celui qui se porte le mieux – l’Allemagne. D’ailleurs un certain nombre de pays sont prévoyants et réimpriment déjà leur monnaie nationale, l’Allemagne y compris, qui est en train d’en fabriquer en Angleterre.

Q : Des Deutsche Mark, vraiment ?

R :Oui, regardez sur Internet."

Islam et minarets :
 
Un référendum sur les minarets en France ? Pourquoi pas, répond la candidate. Mais il faudra aussi et surtout traiter le problème de l'islamisme sur le fond :
 
" Mais ce que je veux surtout, c’est que les fondamentalistes islamistes soient bloqués dans leurs revendications permanentes, eux qui cherchent à imposer leurs lois, leurs codes, leurs mœurs. Il faut donc leur expliquer qu’à Rome, on fait comme les Romains. Je pense qu’il peut y avoir des mosquées, mais sous certaines conditions. Elles ne doivent pas être obligatoirement ostentatoires – et on sait que le minaret est manifestement une volonté de visibilité politique plus que religieuse."
 
Identité européenne
 
A quelques reprises, l'interview donne à la candidate l'occasion d'exprimer son intérêt pour l'identité européenne, ce qui est nouveau dans son discours pour ce que j'en ai observé.
 
A certains membres de l'UDC qui répercutent le classique discours de diabolisation du Front National, elle demande de "ne pas faire le jeu des adversaires de notre civilisation".
 
De plus, en matière de double nationalité, elle n'hésite pas à traiter différemment la double nationalité européenne, comme le montre cet échange question/réponse :
 
"Q : Des milliers de personnes ont la double nationalité franco-suisse. Allez-vous les obliger à choisir ?

R : Je suis contre la binationalité, mais je peux parfaitement accepter une exception à la règle, c’est-à-dire une double nationalité de pays européens : franco portugaise, franco-suisse, ou encore franco-polonaise."

Les questions qui fâchent
 
Les questions qui fâchent ne manquent pas avec nos amis suisses. Sans surprise, pour Marine Le Pen aussi, elles ont nom évasion fiscale et secret bancaire. Je renvoie le lecteur au texte intégral de l'interview, donné en lien.
 
Ces questions, le journaliste les pose, nous donnant l'occasion de "tester" la candidate quand le terrain devient difficile. Elle réussit le test à merveille, calme, précise et ferme, sans agressivité, amicale sans flagornerie. C'est déjà l'attitude qu'elle avait déployée à l'égard d'Israël, se montrant ouverte à l'idée d'une rencontre, mais pas à n'importe quelles conditions.
 
Source : http://www.lematin.ch/monde/Freysinger-trouve-que-je-ne-suis-pas-assez-radicale-contre-l-islam/story/24809796

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