Un Liban laïque ? Quel rêve !

par Bassam Bounenni
mercredi 20 décembre 2006

La religion est l’opium des peuples à des degrés divers. L’impatience des uns et l’intolérance des autres confirment Karl Marx dans son prophétisme. On n’adhèrerait certainement pas à toutes ses thèses, mais pour ce qui est de sa vision de la religion, on ne saurait le contredire, dans l’état actuel des choses. En effet, la religion est de plus en plus un lourd fardeau à supporter sur le théâtre politique. Le choc des civilisations qui aurait pu - et dû - être bénéfique pour l’humanité entière est devenu si agressif à cause de l’instrumentalisation du champ religieux qu’il a pris d’autres dimensions, qui sont, parfois, anticivilisationnelles.

L’actuel état du Liban - pays multiconfessionnel - résume presque à la perfection le malaise que vit le monde à cause d’une mauvaise gestion de la réalité religieuse, réalité fondée à la fois sur la différence et sur les impératifs de coopération et de rapprochement.

La Constitution de 1943, puis les Accords de Tayef, de 1989, ont condamné les différentes communautés du pays à se contenter d’une petite portion de la « tarte » politique, telle qu’elle fut partagée par les deux textes susmentionnés. Cela a annihilé toute pratique solide de la démocratie, le modus vivendi excluant toute remise en question du partage. Par conséquent, la compétition, face importante de la chose politique et raison d’être de ceux et celles qui aspirent à un rôle sur l’échiquier, n’est plus respectée.

Plus dangereux encore, le pays du cèdre est devenu une tribune, voire un champ de bataille pour les différentes communautés qui composent son tissu civilisationnel et cultuel. Certes, ce constat n’est pas nouveau. Mais, les soubresauts qui ont secoué le Liban depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, l’ont bel et bien confirmé.

La souveraineté du pays et son intégrité territoriale se trouvent, donc, menacées. Surtout que les « parrains » de l’extérieur et leurs « acolytes » de l’intérieur ne cachent plus ni leur désintéressement de l’intérêt national, ni leurs fins, qui pourraient déstabiliser davantage ce petit pays qui ne connaît qu’une kyrielle presque non discontinue de guerres et de crises.

Face à ces équations devenues presque insolvables, faut-il œuvrer pour un Liban laïque ? Nombreux sont ceux qui s’accordent sur la négation de la « libanité » de l’actuelle crise politique qui secoue le pays. Ils y voient des mains étrangères tirant les ficelles et des « complices » libanais qui n’ont aucune allégeance au Liban. Cette perception de la crise n’est pas assez éloignée de la réalité.

D’où la nécessité de trouver une solution globale et durable aux problèmes intrinsèques du pays, solution qui pourrait justement passer par la remise en question du modus vivendi édicté par la Constitution de 1943 et consolidée par les Accords de Tayef de 1989.

Un Liban laïque qui prendrait en considération la composition civilisationnelle et cultuelle du pays saurait apporter quelque bien. Le Liban jouit, en effet, de plusieurs atouts susceptibles d’y consolider de vraies et solides pratiques démocratiques. L’éducation, la diversité, la vie culturelle sont autant d’acquis et de réalités palpables à Beyrouth qui peuvent accélérer la révision des textes régissant le pays.

C’est un grand chantier. Mais, ne point lui céder, comme le disait le général de Gaulle.


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