Une mosquée près de « Ground Zero » ?
par Phileas
mardi 17 août 2010
Barack Obama défend la liberté de culte, c’est son droit. Pour cette raison et sans qu’il n’y ait de causalité apparente, le président américain est favorable au droit d’installer une mosquée près du site des attentats du 11-Septembre à New York.
« En tant que citoyen, en tant que président, je crois que les musulmans ont le même droit de pratiquer leur religion que quiconque dans ce pays. Cela comprend le droit de construire un lieu de culte et un centre communautaire dans une propriété privée dans le sud de Manhattan ».
N’étant pas américain, ni new-yorkais, je pourrais très bien ne pas avoir d’avis sur la question que personne viendrait me réclamer. Pourtant, je vais donner mon sentiment sur cette affaire.
New-York n’est pas Memphis, ni Las-Vegas, ni Cleveland. New-York n’est pas l’Amérique.
New-York est une ville lumière au sens où cette ville est un phare culturel, intellectuel et artistique incontournable dans le monde, depuis la deuxième partie du XXème siècle. C’est une ville que j’aime profondément pour son multiculturalisme.
Lorsque je vais à New-York, je sais qu’il y aura de fortes probabilités que mon chauffeur de taxi soit un chicanos, que les pompiers soient irlandais, que la petite épicerie au-bas de la 86eme rue soit tenue par un couple de chinois. J’y croiserai des juifs orthodoxes, la plupart des MacDonalds seront Kacher par défaut, et je rencontrerai une communauté musulmane bien plus apaisée qu’en région parisienne.
New-York a donc aucune leçon à recevoir de personne en termes d’assimilation, ni de tolérance. Si New-York fut la cible des attentats du 11 septembre 2001, c’est aussi à cause de cela.
Lorsqu’on parle de New-York, on a la fâcheuse habitude de réduire cette ville à Manhattan, qui n’est que l’une des cinq circonscriptions administratives que constitue la ville.
New-York, c’est aussi Brooklyn, le Queens, le Bronx et Staten Island, puisque le quartier d’Harlem se situe au Nord-Est de Manhattan. New-York s’étend sur 1 214 km² et à une population d’un peu plus de 8 millions d’habitants. J’en aurais fini pour les statistiques.
La question que je me pose est simple : comment se fait-il qu’il faille absolument que se construise une mosquée à deux blocs de Ground Zero où ont eu lieu, au nom d’un intégrisme islamique meurtrier, le début d’une série d’attentats qui firent plus de 3000 morts, alors qu’il y a tant de place ailleurs dans New-York ?
Je ne comprends pas ce qu’on cherche à créer comme polémique par ce symbole ? Je ne pense pas qu’une mosquée dans ces lieux soit l’endroit le plus propice pour apaiser les esprits. Comment les familles qui ont perdu leurs proches dans cette tragédie vont-elles réagir ? Et si les morts parlaient, que nous diraient-ils ?
Je suis toujours très inquiet avec l’administration américaine, lorsque celle-ci donne tout à coup l’impression de vouloir accomplir une bonne œuvre, d’imposer une idée généreuse. C’est souvent que quelque chose se prépare ailleurs, de beaucoup plus dégueulasse ; souvent dans l’arrière-cuisine du Pentagone.
En d’autres termes, Les dirigeants américains ne seraient-ils pas en train d’envoyer quelques signaux subliminaux tout sourire, vers des pays comme le Pakistan, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, ou les pays de la région du Maghreb, pour mieux préparer une attaque sur l’Iran qui paraît de plus en plus inéluctable et qui ne ferait pas que des victimes militaires ?
J’écris cela pour tous les esprits purs qui croient toujours à la seule beauté des choses sans réfléchir que les trois moteurs principaux d’une politique de grande puissance, sont dans l’ordre, l’économie, la stratégie et la diplomatie.
C’est la raison pour laquelle, je ne me réjouis pas du tout d’une telle proposition. Je la trouve maladroite et inconvenante. Et Obama me surprend quand tout à coup, il en fait trop (annonce faite lors d’un iftar).
Enfin et pour conclure, une autre petite histoire m’est revenue en mémoire, lorsque j’ai appris ce projet.
Nous étions en 1985, à Auschwitz en Pologne. Le pape Jean Paul II invita les catholiques du monde entier à soutenir huit religieuses qui souhaitaient, parce qu’elles étaient propriétaire du terrain, transformer l’ancien théâtre d’Auschwitz en carmel. L’endroit même où était entreposé le gaz Zyklon B, et tout ce que les nazis pouvaient recueillir sur leurs victimes.
Cette idée maladroite et inconvenante déclencha la plus grave crise des relations entre juifs et chrétiens depuis la seconde guerre mondiale.
En 1986, le pape reçu des pétitions contre cette « Christianisation de la mémoire » dont il dû tenir compte. Finalement, les religieuses firent marche-arrière et se contentèrent de déposer une simple croix en bois, qui symbolisa le passage du pape en personne sur les lieux.
Le mardi 8 septembre 2009, à l’appel de la communauté de Sant’Egidio, des responsables des grandes religions du monde entier se rassemblèrent sur les lieux Auschwitz pour une prière œcuménique afin de dénoncer les crimes qui furent commis en ces lieux. Et tout rentra dans l’ordre. Les Juifs sont toujours très organisés et savent toujours faire fonctionner leurs réseaux lorsqu’ils se sentent agressés.
Pourtant, la solution finale n’était pas sortie de la tête d’un intégriste catholique polonais, mais d’un chef d’état allemand d’origine autrichienne.
Quelque fois le devoir de mémoire et le respect des lieux où se commémorent cette mémoire sont têtus et rétifs à toute forme de compromis, même et surtout lorsque les politiques s’en mêlent.