Union Européenne, la mort aux frontières
par Eliane Jacquot
vendredi 25 novembre 2022
Alors que les traversées repartent à la hausse, 1891 personnes selon l'OIM ont disparu en Méditerranée au cours de cette année dans l'indifférence des pays membres de l'union européenne. Le Royaume Uni reste un horizon inaccessible pour les noyés dans la Manche et les piégés de Calais. Le problème des migrations avec 1 million de personnes venant frapper aux portes de l'UE et destiné à se développer dans les années futures revient de nouveau au cœur de notre actualité.
Ses déterminants sont géopolitiques, économiques et sociaux, et environnementaux, regroupant des populations aux parcours différenciés. Face à ces drames humains, comment agir avec efficacité et lucidité quand l'hypocrisie règne du sommet des Etats aux administrations, au sein des médias et de leurs images ? Il conviendrait de construire en ces temps tourmentés un rapport plus apaisé aux migrations tout en sachant qu'il n'existe pas de réponse globale à l’accueil et à l'intégration.
Le récent drame humanitaire des jours d’errance du navire « Ocean Viking » et son sauvetage qualifié d'exception par le Ministère de l'Intérieur en France, devrait conduire à la mise en place d'une véritable politique migratoire à long terme. Face à l'afflux de réfugiés, nos Etats opposent un vieil adage éculé « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. » Il apparait plus confortable de contenir ces populations à la recherche d'un avenir meilleur loin de nos yeux en feignant d'ignorer le sort qui leur est réservé au Soudan, en Libye, au Yemen face à la famine, en Afghanistan... Serions-nous en ce 21ème siècle aux portes d'un nouveau Moyen-Age ?
Politique migratoire en Europe et en France
Les crises des demandeurs d'asile successives de ces dernières années ont mis à mal l'ambition originaire du projet des européens visant à partager leurs destinées économiques dans le respect des démocraties et d'offrir un refuge à ceux qui en ont besoin. Et cela parce que la peur de l'autre et de l'étranger conditionne note époque traversée par des phénomènes que sont le néo-nazisme, l'islamophobie, le populisme, le nationalisme, masquant l'ampleur des intégrations réussies et conduisant à des solutions répressives de fermeture des frontières dans l'espace Schengen indignes en termes de démocratie. Hommes, femmes et enfants se noient dans l'indifférence des Etats qui entravent les opérations de recherche et de sauvetage. L'Italie, dans une spirale xénophobe ferme ses frontières aux migrants et ouvre sa politique étrangère à la Russie de Poutine.
Pendant longtemps, le droit a été un point d'appui pour l'unification de l'espace européen. Mais aujourd'hui des juridictions nationales vont dans le sens contraire avec pour exemple les pays d'Europe du Nord ( Allemagne, Autriche, Danemark, Suède et Norvège ) qui ont rétabli de façon durable le contrôle de leurs frontières. Parce que c'est la commission européenne qui est titulaire du droit d'initiative législative, celle-ci se doit de fonder ses propositions sur des compromis acceptables par les Etats membres. C'est l'ensemble du dispositif Schengen et en Méditerranée celui de l'agence Frontex dont le budget a été diminué de manière significative qu'il convient de réformer. Comment organiser le partage de l'accueil des demandeurs d'asile quand la Pologne et la Hongrie refusent toute forme de solidarité ? Enfin le récent projet d'élargissement de l'Europe vers des pays du Nord et des Balkans occidentaux sur le modèle illibéral de la Hongrie est antinomique de la mise en place d'une politique migratoire fondée sur des valeurs communes.
Au moment où commence le débat parlementaire sur une nouvelle loi de politique migratoire en France, qui sera la 22 ème depuis l'année 1990, il conviendrait de créer un droit adapté aux exigences de la dignité humaine et de l'efficacité par la mise en place :
d'une migration économique légale répondant aux besoins des PME et TPE demandeuses de compétences venant des pays du Sud essentiellement Africains, associer les pays du Maghreb avec lesquels nous partageons une histoire commune à la stratégie de mondialisation régionalisée vers laquelle on tend.
d'un droit d'asile pour les personnes ayant pris le décision de partir par nécessité.
d'un droit humanitaire vis à vis des personnes en détresse des pays émergents face à l'absence d'opportunités professionnelles et d'éducation, face au défi climatique.
Dans une tribune récente publiée par le quotidien Le Monde, François Héran considère l'immigration comme étant « inscrite dans une dynamique mondiale » et « si le gouvernement actuel ne partage pas une idéologie nationaliste et isolationniste, il est temps pour lui de la combattre en changeant résolument de récit. »
Ce constat sans appel souligne le fait que collectivement, Etats membres et institutions ont failli dans l'accueil et la gestion des demandeurs d'asile. Jouer davantage de solidarité et de résistance démocratique sur l'intégration des demandeurs d'asile serait une façon de s'inscrire dans le temps long de l'histoire européenne.
Eliane JACQUOT