US-GB : la non-relation spéciale en Irak

par Charles Bwele
mardi 1er décembre 2009

Dans les sables mésopotamiens, la mésentente entre les états-majors d’Oncle Sam et ceux de Sa Majesté avait atteint une dimension proprement atlantique.

Le Colonel J.K. Tanner de la Royal Army n’a pas mâché ses mots : « Malgré notre soi-disante relation spéciale, je reconnais que nous n’étions pas traité différemment des Portugais. [...] Le Général Rick Sanchez (US Army) nous a rendu visite une seule fois en sept mois.  » Il a ajouté qu’il en fut de même entre lui et son homologue américain de la Green Zone bagdadite.

Sur le plan opérationnel, les états-majors américain et britannique ne s’informaient même plus réciproquement de leurs initiatives clés. Ainsi, lorsque l’US Army décida d’appréhender un lieutenant de l’Armée du Mahdi (le fameux Moqtada al-Sadr) dans le secteur british, la Royal Army fut littéralement placée devant le fait accompli. Aussitôt, les troupes de Sa Majesté essuyèrent quotidiennement l’hostilité affichée des habitants de Bassorah et le feu des milices locales.

Le Brigadier britannique Nick Carter : « si nous avions été informés, nous aurions au moins pu préparer le terrain. Au lieu de cela, c’est toute ma zone d’opérations qui s’est embrasée... »

Interviewés et enregistrés par le MoD en 2003-2004 à leur retour d’Irak, de nombreux chefs militaires britanniques notifièrent clairement et affichèrent ouvertement leur colère et leur déception vis-à-vis de leurs pairs américains. Tombés entre les mains du Telegraph, ces retranscriptions d’entrevues et ces rapports post-opérationnels sont actuellement utilisés par la commission Chilcott dans le cadre de l’enquête sur l’intervention militaire menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni en Irak. En début 2010, de nombreux dirigeants britanniques dont l’ancien Premier Ministre Tony Blair, seront publiquement interrogés sur les décisions prises et leur rôle dans cette guerre.

Nul doute que Gordon Brown ne s’en plaindra guère. Mais revenons aux succulentes confessions des soldats de la Couronne.

« J’ai passé le plus clair de mon temps à éviter ou à refuser les ordres de mes supérieurs américains  », explique le Général Stewart de la Royal Army. «  Les choses se sont durcies lorsque j’ai refusé de mener une offensive contre l’Armée du Mahdi comme ordonnée (par les les États-Unis). Consécutivement, le Royaume-Uni fut démarché par le proconsul Paul Bremer via le Département d’État auprès de l’Ambassadeur britannique à Washington [...] Notre capacité à influencer la politique américaine semblait minimale […] Il n’y avait même pas de communication sécurisée entre nos quartiers généraux à Bassorah et ceux américains à Bagdad […] En tant qu’unique superpuissance, ils (les États-Unis) ne permettront jamais que leur position soit concurrencée. La négociation est souvent un sale mot.  »

Encore le Colonel J.K. Tanner : «  le système entier était épouvantable. Nous avons vécu de réelles difficultés à traiter avec les organisations militaires et civiles américaines qui, pour cause d’arrogance d’une part, et de bureaucratie d’autre part, dictent la seule et unique méthode : la méthode américaine […] Maintenant, je me rend compte que je suis un Européen, pas un Américain. Nous essayions de faire notre meilleur possible militairement et administrativement avec nos partenaires européens, et plus souvent avec les Arabes qu’avec les Américains. Les Européens discutaient les uns avec les autres, alors que le dialogue est extraterrestre aux militaires américains [...] Traiter organisationnellement avec eux, c’est comme traiter avec une bande de Martiens […] Pour eux, si ça ne figure pas dans un diaporama PowerPoint, ça n’existe pas.  »

Loin de moi tout anti-américanisme larvé ou primaire, mais je m’en servirais bien quelques pintes de plus...

Sources :

  1. Telegraph  : Hostility between British and American military leaders revealed

  2. Telegraph  : Iraq war files : leaked reports published in full

  3. Telegraph  : Stability Operations in Iraq - an analysis from a land perspective (part one)

  4. Telegraph  : Stability Operations in Iraq - an analysis from a land perspective (part two)

  5. Telegraph  : Stability Operations in Iraq - an analysis from a land perspective (part three)

  6. Telegraph  : Iraq war files : British colonel’s scathing attack on ’arrogant, bureaucratic’ Americans

 

 


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