USA : les effarantes réponses aux dettes étudiantes

par Laurent Herblay
lundi 14 septembre 2015

Même The Economist dénonce le coût extravagant des études supérieures aux Etats-Unis, et ses effets pervers (sélection par l’argent, dépenses somptuaires). Les dettes étudiantes poussent les candidats aux élections présidentielles à se prononcer. Des idées aussi effarantes que révélatrices.

 
Du service public à la dette éternelle ?
 
Certains font des dettes étudiantes aux Etats-Unis (plus de 1200 milliards de dollars) les futurs subprimes. Il faut dire que leur montant a été multiplié par 6 en douze ans. Comme personne ne songe une seconde à remettre en cause le fonctionnement des universités privées, malgré toutes leurs errances, les candidats aux élections présidentielles commencent à prendre position. Leurs idées sont totalement extravagantes. Hillary Clinton propose ainsi de limiter le paiement des frais d’universités à un plafond de 10% des revenus sur 20 ans (soit la bagatelle de 100 000 dollars pour un revenu moyen de 50 000 dollars par an) avec une garantie publique au cas où cela ne couvre pas tous les frais. Mais The Economist craint que cela ne pousse pas les frais à la baisse et les étudiants à choisir avec sagesse leurs études.
 
La bible des élites globalisées se déclare donc plus intéressée par les idées de Marco Rubio, candidat aux primaires républicaines, qui reprend une idée avancée par Milton Friedman en 1955. L’idée va encore plus loin puisque les marchés pourraient financer les études supérieures de la jeunesse, contre une part de leurs revenus futurs. Pour The Economist, le marché permettrait de corriger les défauts de la solution d’Hillary Clinton puisque les investisseurs limiteraient le financement des études les moins rentables, ce qui pousserait à une réduction de leurs prix et de leurs coûts. Outre le caractère critiquable d’une forme de « dette éternelle », ces propositions semblent surtout être des recettes pour nourrir la hausse du coût des études en démultipliant les outils des étudiants pour les financer.
 
Toujours plus près du pire
 
En effet, on ne voit pas en quoi ces réformes corrigeraient les problèmes posés par le système éducatif étasunien, reconnus par The Economist. Bien sûr, cela permettrait théoriquement de limiter le fardeau qui pèse sur ceux qui financent leurs études à crédit. Encore que, si cela limite le poids du remboursement, cela étale le paiement sur une période potentiellement bien plus longue, et les étudiants pourraient en combiner plusieurs… Bref, ce genre de systèmes pourrait au contraire contribuer à entretenir la hausse du coût des études par la démultiplication des modes de financement, accentuant plus encore le rôle de l’argent dans le système éducatif des Etats-Unis, aggravant toujours plus les inégalités et la sélection par l’argent. On peut aussi voir dans ces idées une forme d’immense shéma de Ponzi.
 
Mais outre l’explosion du prix des études supérieures, on constate également une hausse plus sournoise des frais de scolarité. The Economist note que les collectivités territoriales, de plus en plus sous pression budgétaire depuis quelques années, renoncent fréquemment à financer les bus chargés du transport de la moitié des enfants pour aller à l’école. Une telle évolution pèse disproportionnellement sur les classes populaires, notamment pour les parents séparés ou les familles sans voiture, qui peinent à organiser le transport de leurs enfants. Cela rejoint l’évolution de la France, où les contraintes budgétaires poussent l’Etat à fortement augmenter le prix des activités périscolaires (jusqu’à 257% à Pézenas, soit 300 euros de plus par an et par enfant), un coût rédibitoire pour certains.
 
Le plus triste, c’est que la déconstruction du service public de l’éducation soit aussi polyforme. Sournoise quand cela touche les à côté (cantine, transports, activités périscolaires), et plus structurelle, quand le rôle du marché est étendu pour en assurer un financement qui devrait sans doute être public.
 

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