Venezuela - Quels sont les enjeux du vote du 30 juillet pour l’Assemblée Nationale Constituante ?

par venezuelainfos
samedi 29 juillet 2017

Transport de machines et de matériel électoraux aux confins du pays. L’Union Européenne a suivi Donald Trump en répétant ses menaces contre le Venezuela s’il maintenait l’élection du 30 juillet. La droite locale a attaqué et détruit plusieurs bureaux de vote et cherche à dissuader par tous les moyens la population d’exercer son droit de vote. Les peuples indigènes voteront directement en tant que communautés organisées pour élire leurs propres députés (au nombre de huit).

Ci-dessous : un mouvement de soutien enraciné dans les mouvements sociaux ou partis de gauche fait entendre sa voix pour défendre le droit des vénézuéliens à écrire leur constitution. Du FMLN (parti salvadorien, actuellement au pouvoir) à Milagros Sala, militante sociale emprisonnée par le gouvernement Macri, depuis les mouvements populaires de Haïti, ou encore des Sans Terre du Brésil et d’autres organisations paysannes membres de la Via Campesina.
Ci-dessous : un mouvement de soutien enraciné dans les mouvements sociaux ou partis de gauche fait entendre sa voix pour défendre le droit des vénézuéliens à écrire leur constitution. Du FMLN (parti salvadorien, actuellement au pouvoir) à Milagros Sala, militante sociale emprisonnée par le gouvernement Macri, depuis les mouvements populaires de Haïti, ou encore des Sans Terre du Brésil et d’autres organisations paysannes membres de la Via Campesina.
Ci-dessous : un mouvement de soutien enraciné dans les mouvements sociaux ou partis de gauche fait entendre sa voix pour défendre le droit des vénézuéliens à écrire leur constitution. Du FMLN (parti salvadorien, actuellement au pouvoir) à Milagros Sala, militante sociale emprisonnée par le gouvernement Macri, depuis les mouvements populaires de Haïti, ou encore des Sans Terre du Brésil et d’autres organisations paysannes membres de la Via Campesina.

Tant les mouvements sociaux que les 18 principaux partis de gauche d’Amérique Latine et des Caraïbes élèvent leurs voix pour défendre le droit des vénézuéliens à écrire leur nouvelle constitution. Du FMLN (parti salvadorien, actuellement au pouvoir) à Milagro Sala, militante sociale et prisonnière politique du gouvernement Macri, ainsi que des mouvements populaires de Haïti, les Sans Terre du Brésil et d’autres organisations paysannes de la Via Campesina.

Ce 30 juillet auront lieu au Venezuela les élections de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), expression de la démocratie participative et « protagonique » comme on dit au Venezuela pour exprimer le concept de souveraineté populaire. Jeudi une grande mobilisation a rempli les rues de Caracas en soutien à ce vaste chantier qui consiste à écrire une constitution pour l’enrichir de nouveaux droits et aller vers un nouveau modèle économique. Mais comment faire coller cette information, occultée par les médias, avec la fable de la « féroce répression » à laquelle la plupart d’entre nous ne pouvons que croire ?

D’abord les secteurs populaires, soit 90% de la population, ne participent pas aux manifestations de la droite et rejettent leurs violences. Ensuite il faut saisir que les news inversent la chronologie des faits : quand les manifestants pacifiques de droite rentrent chez eux, leur succèdent de manière parfaitement organisée les groupes armés qui incendient des ministères, missions sociales, des autobus, détruisent et pillent des commerces, brûlent vifs des êtres humains, tirent avec des mortiers, des grenades, des armes lourdes. La majorité des victimes est causée par ces violences. Quand les forces de l’ordre répondent à cette insurrection armée, les images de la bataille sont présentées par les journaux télévisés comme preuve de la « répression » en général, et à priori, contre des manifestants pacifiques qui ne feraient que se défendre contre un « régime ». Bref le Venezuela restera dans les annales comme un cas de manipulation majeure, plus puissante que celles qui en leur temps ont pesé sur le Chili ou sur le Nicaragua. Notons aussi – il est bon de le rappeler car cela est assez exceptionnel en Amérique Latine – que les membres de force de l’ordre qui ont désobéi en faisant un usage excessif de la force, ont été rapidement arrêtés et jugés.

Mais alors, quel est ce peuple qui résiste dans le black-out médiatique à une déstabilisation financée par la droite mondiale et appuyée par les paramilitaires d’Alvaro Uribe, quel est ce peuple qui terrifie tant les puissants du monde ? L’appel et les revendications pour l’Assemblée Nationale Constituante reflètent, au bout du processus constituant, la diversité du peuple vénézuélien organisé, tant au niveau territorial que sectoriel. Il y aura donc des candidats à la Constituante de chaque municipalité du pays, ainsi que par secteurs : travailleurs et travailleuses, paysans, paysannes, pêcheurs et pêcheuses, étudiants ; pensionnés et pensionnées, personnes avec un handicap ; peuples indigènes ; entrepreneurs et entrepreneuses ; communes et conseils communaux. Il s’agit, naturellement, d’un peuple hétérogène, mais uni dans un rêve commun : la construction d’un monde plus juste. C’est cela que vise l’ANC, parce qu’à travers elle le peuple pourra débattre du système politique, économique, et social pour ainsi transformer les bases légales de l’Etat et refonder la République à partir de changements profonds.

Nous sommes en train de construire les rêves

L’auteur-compositeur-interprète, poète et écrivain Gino González, né au début des années 60, appartient à cette génération et à ce militantisme politique qui a rêvé collectivement et participé aux débuts du processus bolivarien, et qui continue à le construire. » Je viens du peuple que je suis, des circonstances historiques qui m’ont correspondu, du moment où j’ai vécu » raconte Gino. « Je suis né et j’ai grandi dans une famille pauvre, d’origine paysanne, du Socorro (Etat de Guárico). Depuis l’adolescence j’ai participé à la lutte révolutionnaire, à la fin des années 70 et ensuite au long des années 80 et 90, à Valle de la Pascua, à Carabobo et au Socorro. Un militantisme politique et une activité révolutionnaire durant toutes ces années devait inévitablement et, de manière très heureuse, coïncider avec la lutte révolutionnaire impulsée par le Commandant Chávez, née au sein des Forces Armées mais qui ensuite a eu une connexion hors de la caserne vers les autres courants révolutionnaires de l’époque. Je me suis inséré alors dans cet appel, dans les conglomérats collectifs, et après nous avons construit ensemble les propositions, le sentiment et les arguments de la Révolution Bolivarienne : révolution que notre Commandant Chávez a menée , et que continue de mener le camarade ouvrier Nicolás Maduro et que chaque jour nous affinons. Nous comprenons que ce n’est pas un chemin court, qu’une transformation fondamentale, comme la culture générale, n’est pas facile. Mais nous y allons ».

Participer à la Constituante en ce moment, c’est une conséquence inévitable » affirme Gino González « parce que les pauvres, à travers l’histoire, nous avons toujours laissé la politique aux autres. Ils nous ont parlé de démocratie, mais l’unique démocratie que nous avons eue ça a été de participer majoritairement en donnant le travail, la sueur, en donnant les morts dans les guerres, en donnant les votes aussi pour que d’autres prennent le pouvoir : nous n’avons jamais participé réellement. De là l’importance de la proposition qu’a faite notre Commandant Chávez en 98 : une assemblée constituante, en laissant façonné dans cette même Constitution le concept de démocratie participative et la possibilité du pouvoir originaire, du pouvoir constituant, pour continuer à nous construire comme patrie, à nous construire comme rêve. Aujourd’hui il y a des forces impériales qui veulent s’emparer de nous, peut-être pour nous prendre l’audace d’être libres : en cet instant d’autant plus nous devons discuter du pays que nous voulons, et nous avons besoin de le faire en paix. Malgré la grande attaque médiatique, le culot du mensonge, nous devons mener à terme cette constituante avec l’attachement, avec l’amour, avec la joie qui nous caractérise et avec la force historique bolivarienne. »

Candidat pour le secteur de l’économie populaire indépendante, Gino González met en lumière comment l’indépendance politique, la possibilité d’être un peuple maître de son propre destin est indissolublement liée à l’indépendance économique. Cela requiert non seulement des dépasser le modèle rentiste, mais aussi de démocratiser le système productif, explique Gino, en empêchant les monopoles et de créer les conditions pour que le Venezuela se transforme en « un peuple réellement en production, dans tous les sens. Nous remplir d’artisans, d’entreprises d’aliments, de petits paysans, de fermes, de tout. Voilà des idées dont il faut discuter avec les gens, avec celui qui produit et avec nous comme pays : de là doivent surgir les propositions concrètes ».

Pour un socialisme féministe

María J. Berríos, membre du Mouvement Femmes pour la Vie, est candidate à l’ANC pour le secteur des pensionnés et pensionnées, appuyée par la Plateforme Populaire Constituante et le Réseau » l’Araignée Féministe ». María J. fait aussi partie de la diversité du peuple organisé qui est à l’origine et a donné vie à la Révolution Bolivarienne. « Mon militantisme a commencé à 19 ans, avec les groupes chrétiens de base, la théologie de la libération : à partir de là j’ai compris le socialisme, et mon militantisme politique a commencé, et a continué toujours dans les mouvements sociaux » raconte María J., racontant comment au travers du travail communautaire elle entre en contact avec la réalité des femmes en situation de violence. Femmes pour la Vie a son origine là, en 1992, à Barquisimeto. « A cette époque il n’y avait aucune loi qui nous protège en ce sens : c’était seulement notre parole et l’accompagnement des femmes [1] » raconte María J., » ainsi, les années 90 ont été marquées pour nous par la lutte contre la violence envers les femmes, ainsi que contre la mise en oeuvre des politiques néolibérales dans nos communautés et pour survivre à la pauvreté extrême. Nous nous sommes engagées dès le premier instant dans le processus chaviste, depuis qu’on a connu Chávez en 1992. » Aujourd’hui Femmes pour la Vie a grandi, c’est un mouvement dont font partie plus de femmes, profondément lié à la Communauté Ataroa et d’autres communautés voisines. » Notre travail dans les Communes est ce que nous croyons que doit être le socialisme. Là nous, nous approfondissons le thème de la dépatriarcalisation des communautés, en encourageant les Comités de Femmes et l’Egalité de Genre » explique María J. Berríos.

En ce moment nous sommes dans un engagement total pour la Constituante, vue comme un processus de débat et de renforcement du pouvoir populaire, du pouvoir communal, mais aussi pour rendre visible l’agenda des femmes » soutient María J. Berríos, notant que malgré toutes les avancées obtenue en révolution, il y a toujours de nombreuses dettes historiques et des taches en attente. Par exemple, souligne María J., le fait que les femmes n’apparaissent ni comme secteur ni comme sujet, dans la convocation à la Constituante est un reflet patriarcal : « donc, nous devons travailler dur » note-t-elle.

Parmi les propositions figure la dépatriarcalisation de la société, comme principe constitutionnel : l’élimination du système d’oppression patriarcal, allié du système capitaliste, c’est une mesure nécessaire pour pouvoir construire un socialisme féministe. Un autre élément est la reconnaissance de l’attention et la protection sociale comme un droit de l’homme universel dans toutes les étapes de la vie, qui doit être garanti à travers la corresponsabilité de la famille, la communauté, la société dans son ensemble et l’Etat. Pour le débat constitutionnel est proposé aussi l’approfondissement des droits sexuels et reproductifs : l’obligation et le droit à une éducation sexuelle dans toutes les étapes de la vie, l’inclusion de l’accouchement humanisé comme droit constitutionnel, le droit à l’accès au contraceptifs, la légalisation de l’avortement. Ce dernier point est une des principales dettes historiques de la révolution en ce qui concerne les droits des femmes : « je crois que le moment est approprié pour donner ce débat, à partir de nos réalités, nos ressentis, les expériences de milliers de femmes qui sont passées par cette difficile situation » dit María J. Berríos.

Le peuple fait pouvoir

José « Yoda » Solorzano, né en 1984 appartient à la génération de jeunes qui a commencé sa participation politique dans la révolution bolivarienne. Yoda est une des clameur de l’organisation populaire « Communautés au pouvoir – Projet Notre Amérique » (CAM-PNA), qui participe aux élections de l’ANC depuis le milieu territorial. « Je suis né dans la vallée insurgée de Caracas, depuis mes ancêtres rebelles et guerriers » raconte Yoda « originaires des cumbes de noirs et d’indiens rebelles de la Sierra Falconiana et des indiens des plaines à l’esprit indomptable, comme les lanciers qui ont accompagné Boves et ensuite bolivar – quand celui-ci a compris que la lutte était avec les descamisados – et Zamora au cri de « horreur de l’oligarchie ». Je me sens héritier du courant historique et social de lutte de notre Amérique, de revendication des peuples exclus, de l’héritage indigène et de l’héritage afro-descendant marron que nous avons. Ma famille fait partie de ces millions de vénézuéliennes et vénézuéliens qui ont lutté avec leur cœur et amour pour que Chávez soit une réalité concrète au pouvoir, et le Venezuela une espérance pour construire un monde meilleur, depuis la perspective de faire et dire de la politique depuis le pouvoir aux pauvres. »

« Depuis qu’a commencé le processus révolutionnaire, nos méthodes de lutte ont changé : plus que résister au système capitaliste, nous avons commencé à construire un nouveau mode de vie. Dans notre cas ça a commencé par le culturel, comme exercice pour construire petit à petit un autogouvernement dans nos communautés, un autogouvernement communal » dit Yoda, qui fait partie de l’expérience communautaire culturelle et productive de la Maison des Mouvements culturels « la Minka » à La Pastora (Caracas). « Dans cette tache que nous construisons chaque jour, nous avons vu la nécessité de répondre à l’appel de notre président Nicolás Maduro pour l’ANC, pour construire des dialogues de paix et neutraliser le fascisme : mais aussi pour contrecarrer la contrerévolution avec beaucoup plus de révolution ».

Parmi les propositions que depuis les expériences territoriales de CAM-PNA ils apportent à la Constituante figure le rapatriement des capitaux évadés (produit de la corruption et du pillage des grandes entreprises privées) « pour les réinvestir dans ce que la révolution a su faire : dans le social, dans la santé, dans l’éducation, dans les communautés » dit Yoda. Il propose aussi d' »encourager la production libre et associée, avec force dans la production d’aliments et connectée à un nouveau mode de vie, à l’habitat et à la commune, comme autres façons de nous mettre en relation et de produire, en générant des processus qui fassent que les enchaînements productifs soient toujours plus souverains, et que la propriété collective soit de plus en plus importante ». Il insiste aussi sur la revendication d’un système national de santé « public, gratuit, de qualité, préventif et amoueux », contrecarrant l’accaparement du budget de la santé par les assurances et les cliniques privées. D’autres propositions sont inhérentes à l’éducation (« un projet éducatif national dans, pour et par la vie, la démocratie et l’éducation publique de qualité centrée sur l’humain »), à une nouvelle organisation territoriale (« depuis les conseils communaux, parlements communaux et communes, pour l’exercice de l’autogouvernement. Les paroisses, les municipalités et les mairies sont des figures de la politique représentative de la IV République et opèrent comme un filtre ») et à la défense intégrale du territoire.

« Nous disons aujourd’hui : « Constituante ou barbarie » » 

 Oliver Rivas, militant du réseau de défense de la sécurité et la souveraineté alimentaire (REDSSA)

Oliver Rivas, candidat qui se présente sur la liste territoriale de Caracas( Réseau de défense, sécurité et souveraineté alimentaire, et mouvement Avancée populaire). Derrière lui on peut voir Chavez et la phrase : « Seulement ensemble, nous sommes Chavez »

 
Oliver Rivas ne militait pas encore au sein d’un mouvement marxiste en 1998. « Ma mère est la première chaviste de la maison. J’ai été influencé par son engagement nationaliste, bolivarien et anti-impérialiste »
 
Au début de ses études, il participe à l’occupation de l’Université centrale en 2001, pour matérialiser les lois approuvées lors de l’Assemblée Constituante de 1999. Mais la transformation universitaire est rapidement devenu un domaine réservé aux universitaires. « Il faut construire un modèle d’éducation pour la transformation de la société. La pertinence sociale de l’Université est fondamentale. Il faut inclure dans la formation universitaire un projet productif communautaire »
 
En 2007, les étudiants provenant de classes aisées lance un mouvement contre Hugo Chavez, avec le soutien de la rectrice Cecilia Arocha. L’Université centrale, lieu historique des luttes révolutionnaires, devient un bastion de la droite. « La rectrice prétend être une figure d’autorité pour présider un conseil électoral parallèle, lors du plébiscite illégal organisé par l’opposition le 16 juillet. Le mandat de Cecilia Arocha est expiré depuis 4 ans. Elle est dans l’obligation d’effectuer des élections ! »
 
Oliver milite au sein du réseau de défense de la sécurité et la souveraineté alimentaire (REDSSA). L’abolition de la libre convertibilité bolivar-peso colombien est une urgence pour lutter contre la guerre économique. Une loi de l’État colombien favorise la contrebande d’aliments. « Les produits de base subventionnés partent en Colombie. Si je prends un kilo de lait en poudre au Venezuela, je le vends à Cucuta en pesos, et lorsque je change ces pesos en bolivars, je vais gagner jusqu’à 10 fois ce que j’ai dépensé en l’achetant au Venezuela. Ces maisons de change sont la base économique de nombreuses entreprises, liées au narcotrafic et au paramilitarisme ».
 
Les militants de la REDSSA proposent aussi d’installer des conseils socialistes de travailleurs au sein de toutes les entreprises : « Nous devons effectuer un contrôle depuis la base, pour participer aux commissions qui définissent les prix des produits ». Oliver est conscient que la perte du pouvoir politique est possible. « La révolution n’est pas un chemin de fleurs et de poèmes. Rosa Luxembourg parlait de « socialisme ou barbarie ». Nous disons aujourd’hui : « Constituante ou barbarie ». Nous ne voulons pas de pacte avec les élites, nous voulons « construire avec les mots des ponts indestructibles », comme disait Mario Benedetti ».
 

« La révolution, c’est transformer les consciences »

Tamayba Lara, étudiante

Tamayba Lara, jeune candidate étudiante en psychologie (mouvement crea y combate), qui se présente sur la liste territoriale de Caracas. Derrière elle une peinture de Chavez dans un hamac. Photo : Angèle Savino

 
Tamayba a 26 ans, elle a grandi avec Chavez, est passée par une école bolivarienne, puis a bénéficié d’une bourse pour étudier à l’université. « Aujourd’hui, certains considèrent que c’est naturel d’avoir le droit à une éducation gratuite et de qualité. Ils oublient que des jeunes comme Livia Gouverneur et Belinda Alvarez sont morts pour obtenir ces droits ! »
 
En 1969, le gouvernement a forcé les portes de l’Université Centrale du Venezuela, qui est resté fermée pendant plus d’un an et a supprimé les résidences étudiantes : « Il pensait que c’était un foyer d’organisation pour les étudiants de gauche ». Hugo Chavez a permis aux jeunes bolivariens de reconstruire ces résidences universitaires. Au sein de ces espaces autogérés les étudiants s’organisent pour apporter leurs savoirs aux communautés voisines. Tamayba et ses camarades du collectif « crée et combats » ont monté une pièce de théâtre pour expliquer aux Vénézuéliens des quartiers populaires l’histoire de la dépendance au pétrole, en utilisant la satire politique. « On leur raconte l’histoire de la l’invasion des puissances européennes, mais aussi de la résistance des Indiens, puis du processus d’indépendance, de recolonisation par les « caudillos » qui ont trahi Bolivar et se sont repartis les terres du peuple. Puis on leur parle de notre subordination aux forces impériales, depuis le siècle dernier. On leur explique aussi que nous sommes responsables de cette réalité, nous ne pouvons pas toujours responsabiliser les autres de nos erreurs. La révolution, c’est transformer notre conscience ».
 
Tamayba lutte aussi pour la reconnaissance de la parité politique. « Les femmes, nous sommes la base sociale de la révolution, nous sommes les plus actives dans les conseils communaux, mais nous ne sommes pas représentées au sein du pouvoir de l’État. Nous devons aussi nous battre pour la légalisation de l’avortement. Ce n’est pas possible que les femmes riches avortent dans des bonnes conditions dans des cliniques privées et les femmes pauvres meurent, en réalisant des avortements avec des méthodes où elles risquent leur vie. L’État doit ouvrir un débat public national ! »
 

« Nous devons décoloniser et démarchandiser l’éducation »

Rummie Quintero, candidate transsexuelle, étudiante en psychologie

Rummie Quintero, candidate transsexuelle, étudiante en psychologie, qui représente le secteur étudiant. (Mouvement Divas de Venezuela) Derrière elle, les yeux de Chavez et le symbole de la Grande Mission Logement. Photo : Angèle Savino

Rummie Quintero est fière de sa mère, une militante paysanne noire de la région côtière de Barlovento qui a quitté sa terre natale pour la ville. Son père vient de la région andine de Trujillo. « Ma mère est arrivée à Caracas, pour être traitée comme une esclave, cela m’a beaucoup marqué »
 
Rummie lutte pour les droits des femmes depuis l’âge de 9 ans. « Dans le quartier populaire du 23 de enero, les hommes machistes ne permettaient pas aux filles de pratiquer le sport. On me discriminait, on m’offensait, on me traitait de pédale. Je me disais qu’il fallait que quelqu’un nous défende. Ce que j’ignorais, c’est qu’un jour ce serait moi qui défendrait les transsexuelles ». Dès l’enfance, Rummie savait qu’elle était une femme, elle adorait catwoman, et puis il s’est identifié à wonderwomen. « Je la voyais comme une guerrière, je me disais celle-là, c’est moi ! C’est une diva qui sait se défendre, et si elle doit donner des coups aux hommes, elle le fait ! »
 
Rummie est devenue athlète, danseuse, et étudie aujourd’hui la psychologie à l’Université bolivarienne. En 2004, elle fonde « Divas de Venezuela », une association de défense de droits de l’Homme, qui « s’occupe de toute personne qui en a besoin sans prendre en compte son idéologie politique, même si Divas défend une vision humaniste de gauche ». Rummie a dû affronter le monde patriarcal, la transphobie dans le milieu homosexuel. Et certaines féministes ne comprennent pas son combat : « comme nous ne pouvons pas accoucher, pour elles nous ne sommes pas des femmes »
 
Au moment de l’approbation de la loi organique du travail en 2012, Rummie espérait que soit reconnue l’identité de genre, c’est finalement la non- discrimination pour l’orientation sexuelle qui apparaît dans la loi. Selon Rummie, l’assemblée constituante est une opportunité historique pour la représentation des transsexuelles. « Nous devons combattre les faux révolutionnaires. Un révolutionnaire doit d’abord se révolutionner lui-même. Je dois me déconstruire pour me reconstruire. Nous devons politiser l’université, la fille de Chavez, décoloniser et démarchandiser l’éducation »

« L’autogestion est importante pour continuer la lutte » 

Rigel Sergent, militant du mouvement des habitants contre la spéculation immobilière

Rigel Sergent, candidat qui se présente sur la liste territoriale de Caracas (Mouvement des locataires à Caracas). Derrière lui : les yeux de Chavez » Notre chemin est celui de la paix ». Photo : Angèle Savino

 
Rigel Sergent avait 18 ans au moment de l’arrivée de Chavez au pouvoir. Sa famille était menacée d’expulsion, car elle ne pouvait pas acheter l’appartement qu’elle louait. Rigel prend conscience de cette injustice, et commence à lutter. Il fait partie du « mouvement des habitants », une plateforme qui rassemble divers mouvements : les comités de terres urbaines, les mouvements de travailleuses résidentielles dites « concierges », exploitées par les propriétaires d’immeubles, les campements des pionniers qui occupent des espaces privés et publics pour l’auto-construction de leur logement, les occupants d’immeubles vides, et le mouvement des locataires, au sein duquel Rigel milite.
 
«  Au moment du boom pétrolier de 73, les pauvres paysans ont quitté leur terres pour aller travailler en ville. Et c’est comme cela que nos quartiers populaires se sont construits, à la périphérie de la ville. La première lutte de Chavez, a été la titularisation des terres urbaines. Les habitants écrivent l’histoire de la construction du quartier, pour avoir une reconnaissance légale de la part de l’État. Aujourd’hui, nous luttons, nous seulement pour la reconnaissance du quartier, mais aussi pour sa transformation. Nous parlons du droit à vivre dans la ville. On s’organise par exemples avec les comités techniques d’eau pour avoir accès à l’eau potable ».
 
En décembre 2010, de nombreuses familles ont perdu leur logement à cause des pluies torrentielles. Les réfugiés sont accueillis en urgence dans des centres d’accueille et même au palais Miraflores. En 2011, Hugo Chavez lance la Grande Mission Logement, que le président Nicolas Maduro a développée. Près de 1,7 millions de logements ont été construits. « Le mouvements des habitants, doit être en lien permanent avec le gouvernement pour développer l’auto-construction »
 
Pourquoi l’autogestion est-elle si importante ? « Parce que s’il y avait une changement de gouvernement, nous serions capables de continuer la lutte. Comme la fédération des coopératives pour l’aide mutuelle en Uruguay, qui a construit 25 000 logement pendant la dictature des années 70 »
 

« La République est assiégée » 

Reinaldo Iturriza, ancien ministre des communes et de la culture

Reinaldo Iturriza, sociologue, ancien ministre des Communes et de la Culture, candidat pour le secteur travailleur. Sur son t-shit on peut lire une phrase de Salvador Allende, en anglais : « l’Histoire nous appartient, c’est le Peuple qui la fait ». Derrière lui, les affiches de campagnes du « chavisme rebelle ». Photo : Angèle Savino

 
Dans les années 1990, Reinaldo Iturriza, étudiant en sociologie, militait au sein d’un mouvement révolutionnaire. Il avait vécu le Caracazo, lorsque des centaines de pauvres furent massacrés par le gouvnernement néoliberal de Carlos Andrés Perez. Il avait 20 ans au moment de la rébellion civile et militaire de Chavez en 1992, et fut témoin de sa campagne, à sa sortie de prison en 1994, lorsqu’il parti à la rencontre du peuple opprimé. » Les années 1990 je la dénomme la » décennie vertueuse, ce fut une décennie perdue sur le plan économique, mais c’est à cette époque que se forge l’identité chaviste « 
 
Pour Reinaldo, le chemin était tout tracé. Il avait le profil de l’étudiant de classe moyenne populaire qui s’exile pour construire une carrière universitaire. Mais l’arrivée de Chavez au pouvoir a tout changé. « Lors de l’assemblée constituante de 1999, c’était fascinant de participer à ce processus de création des nouvelles institutions. En paraphrasant Paolo Virno, je dirais que c’était l’époque » de l’exubérance des possibilités » « 18 ans plus tard, la réalité est différente » En 1999, nous commencions à refonder la république.
 
Aujourd’hui, la république est assiégée. Nous vivons un Etat d’exception « . Reinaldo Iturriza, qui fut ministre des Communes et de la culture, considère que c’est le moment politique le plus difficile du Chavisme : » Un gouvernement anti-chaviste, avec tout le soutien des pouvoirs factices internationaux aurait surement plus de facilité à gouverner les institutions, mais il n’arriverait surement pas à gouverner le peuple chaviste indomptable ! 
 

La convocation se fonde sur l’article 347 de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela, et en conformité avec les articles 70, 236-1 et 347 de la Constitution, dans le but de garantir la paix dans le pays face aux circonstances sociales, économiques et politiques actuelles, où la Révolution Bolivarienne se trouve menacée à l’intérieur comme à l’extérieur par des éléments antidémocratiques. Le peuple, en tant que Pouvoir Constituant Originel, devra exprimer sa volonté et son engagement à défendre les acquis sociaux et les droits conquis au cours de ces 18 années. 

Quels seront les objectifs de l’ANC ?

La nouvelle Constitution aura des problèmes urgents à résoudre, ce qui n’implique pas que ce soient les seuls : une fois que sera constituée l’ANC, d’autres sujets de préoccupation pourront se présenter, et devront être traités par ce Pouvoir Originel. Quels sont ces thèmes prioritaires ?

  • La paix. Une convocation au dialogue national pour contenir la violence, reconnaissant la nouvelle réorganisation de l’État, rétablissant la coordination des pouvoirs publics, et pour garantir le plein fonctionnement de l’État démocratique.
  • L’amélioration du système économique national vers un “Venezuela puissance”, qui développera un nouveau modèle d’économie post-pétrolière, mixte, productive, diversifiée, intégratrice. Créatrice d’outils pour dynamiser le développement des forces productives, ainsi que d’un nouveau modèle de distribution transparent qui puisse satisfaire aux besoins de toute la population.
  • La constitution des Missions et grandes Missions Socialistes, assurant le développement de l’État démocratique, social, de droit et de justice, vers un État du Suprême Bonheur Social. Faire croître le droit à la pleine jouissance et au plein exercice des droits sociaux du peuple.
  • Élargissement des compétences du système judiciaire, , pour en finir avec les crimes et délits impunis, particulièrement ceux commis contre les personnes, ainsi que ceux qui sont commis contre la Patrie et la société, comme la corruption, la contrebande aggravée [contrevenant à la loi dite des « Precios Justos », Prix Justes, NdT], la spéculation, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, la promotion de la haine sociale et l’ingérence extérieure.
  • La démocratisation des nouvelles formes de la démocratie participative et protagoniste , à partir de la reconnaissance des nouveaux acteurs du Pouvoir Populaire, comme les Communes et les Conseils communaux, les Conseils de Travailleurs/Travailleuses, ainsi que les espaces territoriaux et sociaux d’organisation.
  • Défense de la souveraineté nationale et protection de la Nation contre l’ intervention étrangère, en élargissant les compétences de l’ État pour préserver la sécurité des citoyens, assurer la garantie de l’exercice intégral des droits humains, la défense de l’indépendance, la paix, l’immunité et la souveraineté politique, économique et territoriale du pays. La consolidation d’un monde multipolaire et polycentrique qui garantisse le respect du droit et de la sécurité au plan international.
  • Caractère pluriculturel de la Patrie, développant les valeurs spirituelles et reconnaissant toutes et à tous comme citoyens vénézuéliens, dans leur diversité ethnique et culturelle, comme garantie de cohabitation pacifique, contre la haine sociale et raciale d’une minorité de la société.
  • Les droits de la jeunesse, l’utilisation libre et consciente des technologies de l’information, le droit à un travail digne qui libère leur créativité, la protection des jeunes mères, l’accès à un premier logement, et la reconnaissance de leurs goûts et de leur pensée.
  • Préservation de la vie de la planète, en protégeant la biodiversité et le développement d’une culture écologique.

Il y a des articles dans la Constitution de 1999 qui prévoient la convocation d’une Assemblée nationale Constituante. L’Article 347 dit que “le peuple est le dépositaire du pouvoir constitutionnel originel”. L’Article 348 stipule que l’ ANC peut être convoquée par le Présidente ou la Présidente de la Nation, entre autres. Et à l’article 349, il est clairement stipulé que les pouvoirs constitués ne pourront s’opposer aux décisions de l’ANC. Nicolás Maduro convoque le Pouvoir Constituant pour mettre en place l’ANC comme organe de participation et de protagonisme, qui devra exprimer la voix des différents secteurs de la société. La constitution de l’ANC obéira à la structure géopolitique de l’État fédéral et décentralisé, sur la base de l’unité politique primaire de l’organisation territoriale consacrée par la Constitution.

C’est le devoir de l’ANC de garantir l’État Social de droit et de justice, ainsi que de canaliser l’exigence populaire de ceux qui réclament que leurs droits et leurs acquis bénéficient d’une garantie constitutionnelle, en perfectionnant le développement humaniste du modèle économique, politique et juridique, contenu dans, et consacré par la Constitution.

Comment seront élus les candidats/es à l’ANC ?

Les candidats à l’ ANC seront élus dans leurs territoires et secteurs respectifs sous la supervision du CNE (Conseil national électoral, NdT), par le suffrage universel, direct et secret.

Au total l’ANC sera composée de 545 membres : 364 pour les territoires, 181 pour les différents secteurs, et 8 représentants indigènes.

La représentation territoriale sera d’un représentant pour chacune des municipalités du pays et deux pour chaque capitale d’État.

Nombre d’élus par État et entité territoriale : Anzoátegui, 22 ; Apure, 8 ; Aragua, 19 ; Barinas, 13 ; Bolívar, 12 ; Carabobo, 15 ; Cojedes, 10 ; Distrito Capital (Caracas), 7 ; Falcón, 26 ; Guárico, 16 ; Lara, 10 ; Mérida, 24 ; Miranda, 22 ; Monagas, 14 ; Nueva Esparta, 12 ; Portuguesa, 15 ;

Sucre, 10 ; Táchira, 30 ; Trujillo, 21 ; Yaracuy, 15 ; Zulia, 22 ; Amazonas, 8 ; Delta Amacuro, 5, et Vargas, 2.

Secteurs et nombre de candidats à élire : 79 travailleurs et travailleuses ; 8 agriculteurs/trices et pêcheurs/euses ; 24 étudiants/es ; 5 personnes handicapées ; 8 peuples indigènes ; 28 retraités ; 5 entrepreneurs ; 24 Communes y Conseils Communaux.

En convoquant l’Assemblée Nationale Constituante, la République Bolivarienne mise sur le dialogue et la paix. Sur la victoire contre la violence fasciste, incarnée dans l’opposition politique et économique, locale et internationale soutenue par la propagande impériale et quelques gouvernements complices, et par les groupes paramilitaires présents aujourd’hui au Venezuela. C’est une décision souveraine qu’elle confie à celui sur qui le processus politique repose depuis maintenant 18 ans : le peuple organisé. Lui seul est capable d’affronter les problèmes qui frappent cette nation sud-américaine, comme la guerre économique, la violence, la corruption, etc. C’est le peuple souverain, par sa participation comme protagoniste à l’ANC, qui approfondira et améliorera la Constitution de 1999, et continuera à porter l’héritage du Commandant Chávez. L’Amérique latine ne peut qu’appuyer, en ces temps difficiles, ce processus politique qui renoue avec le rêve auquel nous ne saurions renoncer, celui d’une grande Patrie juste, libre et souveraine.

 

Traductions : Cathie Duval / Tlaxcala / Photos et interviews : Angele Savino et Alba TV 

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