Vers un bouclier antimissile au Venezuela ?

par Mathias Delfe
lundi 15 septembre 2008

Avec la verdeur de langage qu’on lui connaît (yankees de mierda !), le président vénézuélien, Hugo Chavez, est venu symboliquement au secours de son homologue bolivien, Evo Morales, en ordonnant à son tour l’expulsion sous trois jours de l’ambassadeur des Etats-Unis à Caracas.
S’il ne fait guère de doute que l’administration Bush Jr perpétue dans le sous-continent américain une longue tradition de soutien militaire, logistique et financier aux groupements factieux de droite et d’extrême droite en tentant aujourd’hui de déstabiliser les régimes socialistes qui ont obtenu légalement le pouvoir, il se pourrait aussi que l’audace manifestée par les gouvernements légitimes de la Bolivie et du Venezuela en expulsant les ambassadeurs de leur tout-puissant voisin du Nord soit en sous-main souhaitée sinon organisée par une Russie formulant à sa manière une réponse du berger à la bergère.

Car les Etats-Uniens font en Amérique latine ce qu’ils reprochent aux Russes de faire dans le Caucase ou dans l’Est européen : encourager les oppositions et stipendier le lumpen local, chômeurs ou jeunes désœuvrés, au point de susciter des affrontements suffisamment violents pour qu’ils menacent le pouvoir en place, favoriser irrédentismes et régionalismes de sorte à provoquer une balkanisation artificielle de pays à la cohérence territoriale jusqu’alors acceptée par tout le continent.
C’est ce qui se produit actuellement en Bolivie, où le président Morales, solidement reconfirmé dans ses fonctions le 10 août dernier au terme d’un référendum révocatoire, doit affronter une nouvelle vague de contestation de l’opposition de droite, qui exige davantage d’autonomie dans les régions qu’elle dirige tout en se montrant naturellement hostile au projet gouvernemental de distribuer des terres aux plus démunis.
Il suffit de regarder des reportages télévisés pour constater que les émeutiers qui affrontent les forces de l’ordre ressemblent davantage à des mercenaires issus des couches populaires qu’à des bourgeois prospères ou à des propriétaires terriens gagnés par la fièvre autonomiste.
Ces pauvres qui vont au casse-pipe pour défendre les intérêts des nantis, qui les rétribue pour cela ?

Evidemment, avec Chavez entrant dans la partie – lui-même ouvertement appuyé par le Nicaraguayen Daniel Ortega et le Brésilien Lula da Silva –, le ton est monté d’un cran à l’égard des Américains.
Non content de virer leur ambassadeur, l’irascible président bolivarien a prévenu que toute tentative de le renverser se solderait par une cessation des livraisons de pétrole au pays des cow-boys et, plus grave peut-être, en tout cas significatif de la partie de poker qui se joue là-bas en miroir de celle qui se déroule de Pologne en Géorgie, que des bombardiers russes se trouvaient actuellement sur le sol vénézuélien, alors que l’on sait déjà que le croiseur Pierre le Grand participera à de prochaines manœuvres dans les Caraïbes en compagnie de la marine vénézuélienne.
Le message, double, a l’avantage de la clarté : primo le gouvernement socialiste du Venezuela n’est plus seul face à la volonté déstabilisatrice du pouvoir néoconservateur installé à Washington, il peut compter sur son puissant allié d’outre-Atlantique qui fera ici ce que l’Amérique fait ailleurs, le gendarme, secundo, s’il se trouve des Etats en Europe pour accueillir les éléments du bouclier antimissile états-unien, il se trouvera en Amérique latine des Etats où les Russes pourront installer le leur.
Bien sûr, aussi vrai que le bouclier américain n’est en rien destiné à intimider les Russes, le bouclier russe ne menacera nullement les Etats-Unis, il ne sera là que pour les décourager de s’en prendre à ce qu’ils ont longtemps considéré comme une de leur succursale, de laquelle ils ne supportent pas que les gérants aient changé de couleur politique.

Afin de mettre un terme à un genre d’escalade qui ne demande qu’à tourner à la confrontation générale*, que peut-on espérer sinon que les impérialistes de Washington et de Moscou cessent de tirer ici et là de ces ficelles élastiques qui finissent toujours par fouetter en retour leurs manipulateurs ? 
 
*voir "Détruire, pensent-ils" 
http://www.agoravox.fr/ecrire/articles.php3?id_article=43755

Lire l'article complet, et les commentaires