Vietnam, Covid et corruption : ça s’est passé loin de chez vous !

par Brutus
samedi 28 janvier 2023

Les chaines télés étant trop préoccupées par la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique et la réforme des retraites, un incident survenu en extrème-orient et ne présentant aucun point commun avec notre vie quotidienne est passé inaperçu. Mais, si vous avez une minute, vous pouvez prendre connaissance des quelques lignes qui suivent pour élartgir vos horizons. Si ça ne vous fait pas de bien, ça ne vous fera pas de mal.

Le Parti Communiste du Vietnam (PCV) au pouvoir a annoncé le 17 janvier dernier que le président Nguyen Xuan Phuc quittait son poste sans délai, à la suite d'une réunion extraordinaire du Comité central du parti à Hanoï.

C'est la première fois qu'un membre de la direction du PCV démissionne avant la fin de son mandat.

Le communiqué de presse officiel indiquait qu'en tant que Premier Ministre de 2016 à 2021, M. Phuc avait organisé la lutte contre la pandémie de COVID-19, et qu'au cours de cette période, il avait "laissé plusieurs responsables, dont deux vice-premiers ministres et trois ministres, commettre des abus qui ont eu de graves conséquences". Début janvier, les deux vice-premiers ministres en question, MM. Pham Binh Minh et Vu Duc Dam avaient présenté leur démission, et des anciens ministres ont été accusés de manquements graves pendant la pandémie.

Le même communiqué indiquait que "comme il était bien conscient de ses responsabilités", M. Phuc avait "décidé de démissionner de ses fonctions et de prendre sa retraite". Cette démission nécessite l'approbation de l'Assemblée Nationale qui tiendra à cet effet une réunion extraordinaire.

Cette affaire qui constitue un scandale inédit dans le pays met en cause la firme Viet A Technology Corporation et a impliqué de nombreux hauts responsables du pays, dont l'ancien ministre de la Santé Nguyen Thanh Long et d'autres personnalités de premier plan qui ont été exclues du PCV. Au cours de l'année écoulée, de plus en plus important de responsables se sont trouvés compromis, et plus de 100 personnes ont été arrêtées à ce jour.

Le secrétaire général du PCV, M. Nguyen Phu Trong a déclaré : "Le Comité central du Parti doit avoir une politique qui encourage ceux qui ont commis des erreurs - s'ils démissionnent volontairement et remettent les sommes perçues par la corruption, ils seront traités avec légèreté ou même exemptés de sanctions. Il n'est pas bon que tous soient sévèrement punis, ou qu'ils soient tous démis de leurs fonctions."

Cela indique une reconnaissance du fait qu'il peut être dans l'intérêt du parti et du pays de permettre à ceux qui se dénoncent volontairement d'assumer la responsabilité de leurs actes. sans passer par la case prison. Un vrai dilemme.

M. Nguyen Xuan Phuc, né en 1954, était connu pour ses politiques favorables aux entreprises et pour encourager les investissements étrangers au Vietnam. Il a également soutenu des mesures visant à promouvoir une économie plus "ouverte". Ses positions étaient conformes à celles du PCV et visaient à maintenir le parti au pouvoir tout en favorisant le développement économique et en améliorant le niveau de vie des citoyens vietnamiens.

Sa démission aura des conséquences dans la politique du futur gouvernement vietnamien, ne serait-ce qu'une lutte de pouvoir au sein du PCV lui-même. On ne sait pas encore qui le remplacera à la tête du pays. Il se pourrait que M. Nguyen Phu Trong dont il vient d'être question cumule temporairement les postes de président et de secrétaire général, comme Xi Jinping en Chine.

Une autre possibilité serait la promotion d'un autre membre du Politburo au poste de président, ce qui pourrait conduire à un changement dans l'équilibre des pouvoirs au sein du PCV et fournir de nouvelles perspectives.

Une autre conséquence sera l'impact sur la politique étrangère du Vietnam. M. Phuc était un leader bien connu et avait établi de bonnes relations avec d'autres pays, y compris les États-Unis et d'autres pays occidentaux qui devront tester leur nouvel interlocuteur avant de s'engager avec lui.

Une autre inconnue dans cette situation tient au fait que le Vietnam est confronté à un certain nombre de défis économiques et sociaux importants. Bien qu'il soit l'une des économies les plus performantes d'Asie du Sud-Est, avec une croissance du PIB de plus de 8 % en 2022, le Vietnam subit les conséquences de la récession mondiale qui s'accompagne d'une augmentation du coût de la vie.

La campagne anti-corruption en cours donne à la politique vietnamienne un nouvel intérêt mais lui donne aussi un côté imprévisible. Les développements dans les mois à venir risquent même de provoquer un "effet papillon" : un battement d’ailes de papillon au Vietnam peut provoquer une tempête en Europe ou ailleurs. Selon l’expression, inventée par le météorologue Edward Lorenz, il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s’amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux. Cette notion ne concerne pas seulement la météo. Elle s’applique également aux sciences humaines, à l’environnement et à la géopolitique.

Evidemment, de tels scandales ne peuvent pas éclater dans nos "démocraties occidentales" transparentes. L'intégrité des ministres les met hors de cause dans tous les domaines concernant la santé publique, et la presse d'investigation n'aurait pas attendu aussi longtemps pour les révéler.


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