Vive Isralestine !

par Maurice
mardi 26 juin 2012

Le conflit israélo-palestinien connait depuis quelques semaines un regain de violence. Après l’élimination ciblée de Zouheir al-Qaïssi, chef des Comités de résistance populaire à Gaza, les échanges d’amabilités entre Palestiniens et Israéliens n’ont eu de cesse de se multiplier. Les roquettes répondant aux raids de l’aviation de Tsahal, faisant chaque jour un peu plus de victimes de part et d’autre, la situation semble plus inextricable que jamais.

Du côté Israélien, une partie de l’élite, de plus en plus aveuglée par une idéologie profondément religieuse, semble lancée dans une fuite en avant jusqu’au-boutiste.

Du côté Palestinien, la radicalité du combat semble avoir atteint un point de non retour, en raison notamment des multiples pied-de-nez de la communauté internationale face aux tentatives palestiniennes de règlement du conflit de façon pacifique et équilibrée.

Et à voir la tournure que commence à prendre la géopolitique mondiale, dont le conflit israélo-palestinien est le nœud gordien, il est urgent de se demander : où sont les gens de bonne intention de part et d’autre ?

Une radicalisation palestinienne inéluctable

 

Pour comprendre ce qui a pu entrainer la radicalisation de la contestation palestinienne, il est nécessaire de prendre de la hauteur au niveau temporel, et déchiffrer l’enchaînement des évènements depuis le début du XXème siècle, et notamment après la déclaration de Balfour de 1917. Il serait bien trop long d’expliquer la succession des épisodes depuis cette date[1]. Mais si l’on devait exposer la trajectoire prise par l’opposition palestinienne, et comprendre la radicalité croissante de ces derniers, il faut avant tout intégrer que les multiples tentatives pacifiques de règlement du conflit, initiées par les représentants palestiniens, se sont soldées par une fin de non recevoir de la part de la communauté internationale.

 

A partir de 1917, la position de la Grande-Bretagne[2] a oscillé entre deux idées antagonistes : d’un côté le respect du principe d’autodétermination inscrit dans la charte de la SDN[3], et de l’autre la fidélité à son engagement de créer un foyer national juif, résumée dans la déclaration de Balfour et reprise dans le mandat pour la Palestine[4].

Le texte de la déclaration, dont les dispositions ont été entièrement reprises dans le mandat britannique pour la Palestine, prévoyait que la puissance mandataire devait apporter son soutien à l’effort d’instauration d’un foyer juif en Palestine. « Dans ces deux documents, les palestiniens ne sont pas une seule fois cités, ni en tant que palestiniens, ni en tant qu’Arabes, mais seulement désignés par l’expression « collectivités non juives » ne détenant que des droits civils et religieux – leur droit nationaux et politiques n’apparaissant nulle part »[5].

 

Ainsi, le mandat britannique a été perçu jusqu’en 1947, comme une véritable « cage de fer » pour les palestiniens, les empêchant de faire émerger leurs revendications politiques légitimes, mais surtout en leur déniant le droit d’être considérés comme un peuple. Et cette politique de l’autruche s’est poursuivie après la Seconde guerre mondiale. L’exemple typique de concession de la part des représentants palestiniens, balayée d’un revers de la main par les israéliens, par les américains, et par la communauté internationale, est sans aucun doute la position « pragmatique » adoptée à partir des années 1970, sous l’impulsion des dirigeants du Fatah[6]. Position prévoyant la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, en reprenant de nombreuses solutions satisfaisant les conditions posées par Israël et les Etats-Unis. Mais cette initiative est restée lettre morte.

 

Dès lors, la position palestinienne n’a eu de cesse de se radicaliser. Les gens de bonnes intentions ayant été copieusement ignorés, laissant progressivement la place à des opposants islamistes religieux, prônant la lutte armée contre Israël.

 

La dérive obscurantiste des élites israéliennes

 

A la fin de la Seconde guerre mondiale, et après le plan de partage de la Palestine par l’ONU en novembre 1947, Israël déclarera son indépendance le 14 mai 1948 en vertu du principe international : un peuple, un territoire, un Etat. S’il est légitime d’accorder le statut d’Etat à Israël, en fonction du sentiment d’appartenance du peuple israélien à un ensemble unifié, pourquoi dès lors l’inverse est-il impossible ? Egalement, cette légitimité ne disparait-elle pas, quand, derrière cette apparence d’identité nationale, se cache en réalité une profonde motivation religieuse ?

Le sionisme, idéologie politique nationaliste prônant l'existence d'un centre spirituel, territorial ou étatique peuplé par les Juifs en Eretz Israël, ne s’est-t-il pas transformé en projet religieux dogmatique et obscurantiste. Les multiples refus qu’ont subi les autorités palestiniennes dans leurs revendications légitimes d’un Etat palestinien, à côté d’Israël, n’ont-ils pas été la conséquence du projet sioniste, qui, s’éloignant d’une aspiration nationaliste légitime, s’est peu à peu transformé en projet religieux fanatique ?

 

Eretz Israel, le Grand Israël biblique, celui s’étendant de la Méditerranée jusqu’aux rives de l’Euphrate, supporte-t-il la coexistence d’un autre peuple revendiquant la même terre, ou voit-il ce peuple comme un obstacle à la mise en place d’un projet religieux d’envergure ? Cette conception de l’Etat d’Israël, défendue et voulue par une extrême minorité des élites israéliennes et de sa diaspora, prétendant incarner la volonté de la majorité, ne peut malheureusement tolérer aucune concession envers les palestiniens. Au contraire, ce projet justifie l’emploi de la force pour légitimer sa mise en place. La guerre préventive était née. Cette position a pu être défendue par Jabotinsky qui déclara explicitement en public que l’usage massif de la force sera nécessaire pour imposer le programme sioniste et faire de la Palestine un état juif face à une opposition qu’il prévoit comme violente et compréhensible de la part des Arabes. « Il n’y a pas d’autre solution : les Arabes doivent faire de la place pour les juifs en Eretz Israel. S’il a été possible de transférer les peuples baltes, il est aussi possible de transférer les Arabes palestiniens »[7].

 

Cette doctrine extrémiste justifia la mise en place par la force de diverses colonies, et engendra les expulsion forcée des population palestiniennes au mépris du plan de partage de l’ONU de 1947. Le laissez-faire de la communauté internationale, proclamant une sorte de moratoire sur le problème, tout en fermant les yeux sur les violations de ce même moratoire par les Israéliens, contribua à durcir la position palestinienne, se sentant lésée par le parti-pris de la communauté internationale occidentale.

 

Alors ? Isralestine ou Palesraël ?

 

La situation dans ce foyer de tension internationale parait dès lors insoluble. La solution de deux Etats semble de moins en moins plausible au regard de tout ce qui vient d’être exposé. Les radicalités montent de part et d’autre, et rien ne semble présager de bon à horizon court ou lointain.

 

Israël semble de plus en plus « malade de son racialisme »[8]. Les extrêmes montent dans le pays. Moshe Feiglin, arrivé second aux élections internes du Likoud[9] avec plus de 25% des voix, fait chaque jour des émules chez les nationalistes les plus durs, et défend, à qui veut l’entendre, la mise en place du Grand Israël[10]. Son ascension ne laisse rien présager de bon pour les humanistes cherchant désespérément une solution pacifique à ce conflit centenaire. En effet, dans une interview donnée au journal Haaretz en 1995, ce dernier déclara : « Hitler était un génie militaire inégalé. Le nazisme a fait passer l’Allemagne d'un bas niveau à un niveau physique et idéologique fantastique. Les jeunes loqueteux ont été transformés en une catégorie propre et ordonnée de la société et l’Allemagne a disposé d’un régime exemplaire, d’un système de justice adéquat et de l’ordre public. Hitler aimait la bonne musique. Il pouvait peindre. Les nazis n’étaient pas une bande de voyous. »[11]

 

Dans ce conflit, seuls les extrêmes ont aujourd’hui dans leur mains le porte-voix. Engagés dans un combat où il ne peut en rester qu’un, une solution pacifiste semble chimérique. Chacun étant guidé par ses considérations religieuses, convaincus de la justesse du combat, aucune solution raisonnée ne pourra émerger. La solution de deux Etats côte-à-côte est dès lors à mettre aux oubliettes. Seul un état unique, laïque, et démocratique pourra être le germe de la réconciliation. Au fond, ce lieu symbolique est le berceau des religions monothéistes. Quoi de plus normal des lors, à ce que cette terre devienne un exemple d’entente et de coexistence pacifique des diverses confessions religieuses. L’idéologie sioniste doit être combattue, car d’une revendication nationale légitime, elle s’est peu à peu révélée être un projet religieux rétrograde et intolérant. Une idéologie suprémaciste, dont le côté exacerbé prôné par des gens tel Feiglin, la rapproche dangereusement du suprémacisme nazi. Une croyance ne supportant pas la contradiction, et menée par une élite « sûre d’elle et dominatrice »[12].

Il ne s’agit pas de verser dans l’antijudaïsme loin de là. En aucune façon, la confusion entre antisionisme et antijudaïsme ne peut et ne doit être faite. De plus en plus nombreuses sont les personnes de confessions juives devenues d’irréductibles antisionistes. Y compris chez les israéliens. C’est le principal combat humaniste qui vaille à l’heure actuelle, car il garantira la paix dans cette région du globe, à commencer avec la Syrie, et l’Iran, véritables obstacles aujourd’hui à la concrétisation de ce projet.

 

Palestiniens et Israéliens, voici le seul et unique combat que vous devez mener pour la paix. Main dans la main. Le combat pour un Etat laïque, unique, et démocratique. Un Etat où les considérations religieuses seront repoussées dans la sphère privée. Gandhi avait pu dire que les religions sont autant de chemin pour parvenir à la même destination. Dans ce lieu mythique des diverses religions monothéistes, un zeste de sagesse hindoue doit à tout prix être apporté.

 

Vive Isralestine !


 



[1] Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, un livre complet et abordable, sur la période 1900 à nos jours : Palestine, histoire d’un Etat introuvable, de Rashid Khalidi, ed. ACTE SUD, 2007


[2] Suite au démantèlement de l’empire ottoman, et de son influence dans la région, les puissances occidentales se sont livrées à un « partage » de la région du Proche-Orient. Le Royaume-Uni a une présence militaire en Irak dès 1914 et occupe Bagdad en 1917. Il appuie la révolte arabe et leur fait la promesse d'un grand État musulman en échange de leur participation dans les batailles aux côtés des Alliés. En mai 1916, le Royaume-Uni passe l'accord secret « Sykes-Picot » en parallèle avec la France, qui est en contradiction avec cette promesse car il projette de diviser la région en 2 zones d'influence entre les 2 puissances coloniales européennes. Les accords Sykes-Picot attribuent la Palestine à la zone d'influence britannique.


[3] L’autodétermination (ou auto-détermination), initialement appelée « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes », est le principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère. Il s'agit d'un droit collectif qui ne peut être mis en œuvre qu'au niveau d'un peuple. Proclamé pendant la Première Guerre mondiale dans les Quatorze points de Wilson afin de légitimer les nouvelles frontières en Europe, ce principe ne fut cependant pas appliqué par la Société des Nations. Il a été réaffirmé après la Seconde Guerre mondiale dans la Charte des Nations unies de 1945 qui inclut, parmi « les buts des Nations Unies », celui de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes » (article 1, alinéa 2).


[4] http://blog.mondediplo.net/2009-11-02-2-novembre-1917-la-declaration-Balfour


[5] Palestine, histoire d’un Etat introuvable, de Rashid Khalidi, ed. ACTE SUD, 2007, p.88


[6] « A partir de 1974, le Conseil national palestinien renonce à sa proposition d’une état unique démocratique au profit d’une conception à deux Etats. Ce nouveau départ, sous l’impulsion des dirigeants du Fatah alliés au FDLP, implique l’appel à la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, sur un territoire réduit à 22% de l’ancienne Palestine mandataire et composé de la Cisjordanie occupée, de la bande de Gaza, et de Jérusalem Est arabe. Les personnalités phare de la nouvelle orientation "pragmatique" de l’OLP sont des dirigeants du Fatah comme Arafat, Abou Iyad et Khalid al-Hassan. (...) Lors des réunions ultérieures du Conseil national palestinien, cette solution à deux Etats est affinée avant d’être officiellement adoptée lors du Conseil National palestinien qui se tient à Alger en 1988. Déclaration proclamant l’instauration d’un état palestinien aux côtés d’Israël SUR LA BASE DE LA RESOLUTION 181 DE 1947 DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES. (...) Malgré cela, et que cette solution satisfasse plusieurs conditions posées par Israël et les EU, cela n’entraine ni changement de la position de ces pays, ni négociation de paix. Ni les EU, ni Israël ne reconnaissent explicitement que les Palestiniens sont un peuple doté de droits inaliénables à l’autodétermination et à un Etat indépendant" 


 Palestine, histoire d’un Etat introuvable, de Rashid Khalidi, ed. ACTE SUD, 2007, p.275


[7] Nur Masalha, Expulsion of the Palestinians, p.29.

Ben Gourion donnera d’ailleurs son accord en privé. « Il est impossible d’imaginer une évacuation générale de la population arabe sans recours à la force, et à la force brutale », note de service interne Lines for Zionist Policy, 1941, p.128


[8] http://www.voltairenet.org/Israel-malade-de-son-racialisme


[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Likoud


[10] « (…) Pour y parvenir, Moshé Feiglin, fervent partisan du "grand Israël" et du transfert "volontaire" des Arabes israéliens, s'est livré depuis des années à un entrisme hostile (…) » dans : http://www.20minutes.fr/ledirect/870524/israel-netanyahou-grand-favori-primaire-likoud-face-lobby-pro-colons


[11] http://www.haaretz.com/print-edition/news/yossi-sarid-feiglin-his-cronies-are-fascists-by-any-definition-1.259197


[12] Comme avait pu le dire le Général De Gaulle en 1967 : http://www.youtube.com/watch?v=JA9nFQyRTdw

 


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