Voter Trump pour faire payer le 1%
par Philippe Nadouce
mardi 15 novembre 2016
Les vagues les plus meurtrières d’un tsunami ne sont jamais les premières. Le Brexit fut une surprise ; l’élection de Donald Trump est une vague inouïe qui vient de fracasser les espoirs doucereux d’une classe moyenne progressiste, socio démocrate et égoïste qui ne cache plus son mépris pour les pauvres et les laissés pour compte et pensait sans doute continuer le business as usual avec le clan Clinton.
Trump un extraterrestre ?
Pas du tout. La réalité du capitalisme pour les pauvres et communisme pour les riches prend ici une forme étonnamment douloureuse pour les classes moyennes / supérieure diplômées et progressistes du monde libre ; celles qui voyaient en Hilary Clinton un mal nécessaire car cette femme (la prochaine femme présidente des EU !), allait nous sauver du monstre Trump. Peu importe ce qu’elle incarnait. Le lendemain du vote, en Europe, dans le monde libre, les visages de ceux qui allaient travailler, (de ceux qui ont un emploi), affichaient la consternation et l’horreur. Que répondre à leur abasourdissement et à leurs invectives, à leur litanie contre le méchant président Trump, sexiste, raciste et inculte ; aujourd’hui l’homme le plus puissant de la planète, un barbare décérébré qui nous serait arrivé de l’espace, un être sans commune mesure avec ce qui se fait chez nous, dans notre système politique, économique et social.
Mais Donald Trump n’est en rien un ovni ; c’est au contraire une synthétisation d’un non-dit, celui de l’arrière-boutique capitaliste, sale, nauséabonde, impérialiste, raciste (« l’humanité n’existe pas hors du monde libre »), sexiste, ignorante, égoïste, obsédé seulement par l’argent, l’appât du gain, le profit coûte que coûte, aux frais de la planètes et d’un habillage esthétique fait de bling bling, de présentatrices bunga bunga type CNN et de Disneyland !
La réalité du monde néolibéral, elle, est pour ses victimes un enfer esclavagiste, sexiste, raciste et violent. Jusqu’à présent les classes éduquées feignaient-elles de l’ignorer car, enfin, elles s’en accommodaient plutôt bien ? Que préférez-vous ? Un menteur et un démagogue qui dit tout ce qui lui passe par la tête ou une menteuse consommée qui avouait devant les banquiers de Goldman Sachs (on le sait depuis la publication de ses emails par WikiLeaks) qu’il ne fallait jamais dire la vérité aux masses. Deux menteurs mais le premier, lui, ne méprise pas les masses.
Qu’il tranche avec les élites du parti républicain est sans doute nouveau. De mémoire de conservateur, on n’avait entendu de telle attaques contre le credo ultra capitaliste, militariste et anti étatiste de la droite américaine.
Hitler à la maison blanche ?
Pas davantage. Le pouvoir qui attend dans l’ombre le nouveau président des États-Unis, entité dont l’existence fut révélée pendant cette campagne par les emails publiés par le media indépendant Wikileaks, est déjà au travail. Wall street, se rapproche déjà de l’indésirable comme elle l’avait fait avec Obama. On s’en souvient, c’était Citigroup qui avait suggéré les membres du futur gouvernement Obama. Il se trouve que la majorité de ces noms se retrouva effectivement aux manettes. Trump n'a pas attendu janvier 2017 pour mettre de l'eau dans son vin ; le nouveau président a d’ailleurs rassuré la finance lors de sa première apparition après la victoire ; il veut unir les Américains et assure ne pas vouloir diviser. Il agit en chef d’entreprise qui a maintenant besoin que tout le monde mette la main à la pâte. Rien ici qui puisse vraiment rebuter les ténors de Wall Street. Il compte baisser les impôts des grandes corporations et nie l’existence du changement climatique. Rien qui ne puisse ternir l’espoir d’une formidable amitié.
Le programme du président Trump sera difficile à mettre en place (mais pas impossible). Qui pourrait faire de la sorte un virage à 180 degrés ? Rapatrier les usines, et l’industrie ? Peut-être, mais sur le terrain, combien de temps cela prendra-t-il ? Dix ans, quinze ans ? On ne reconstruit pas un tissu industriel du jour au lendemain ! Une industrie détruite, abandonnée, une main d’œuvre dispersée, ne sort pas du sol comme un champignon. Mais s’il parvient à contrer la rapacité des grandes entreprises américaines et du complexe militaro industriel, et à redonner une importance à l’idée de l’état en lançant des projets de grands travaux de reconstruction, il pourra obtenir des résultats probants et satisfaire pour un temps son électorat. L’argent, il compte en trouver en revenant sur les dépenses colossales octroyées à l’appareil militaire et aux alliances internationales. L’emploi, il compte en donner en revenant sur les accords commerciaux. Avec le président Trump, les États-Unis vont se replier sur eux-mêmes. Est-ce vraiment une mauvaise chose ? Nous le verrons.
Un rejet des oligarchies
L’élection de M. Donald Trump est la preuve d’un rejet indiscutable par les masses de l’establishment et d’un système économique qui ne fonctionne que pour une infime minorité. Le leader du parti travailliste anglais, M. Jeremy Corbyn, est catégorique sur le résultat : « Ceci est tout aussi bien le rejet d’un consensus économique qui a échoué que celui d’une élite au pouvoir se montrant incapable d’écouter. La colère du public qui a mis Donald Trump au pouvoir se trouve reflétée dans les événements inattendus que l’on voit de par le monde. »
A bon entendeur…