Voyage présidentiel en Chine

par Francois de la Chevalerie
mercredi 25 octobre 2006

Le voyage du président de la République en Chine est l’occasion de revoir fleurir l’orgueil national. Rien qu’un instant, la France éclairerait d’un fil de lumière l’Empire du milieu ! Le président se prête au jeu. Qualifié d’imbattable VRP, ne voilà-t-il pas qu’il engrange des milliards sous le leurre de contrats mirifiques ! La ruse est connue, la plupart sont signés longtemps avant, certains ne seront pas honorés. Cependant fortune est faite ! Reliquat d’une grandeur passée, les voyages présidentiels ne divisent pas l’opinion. Règne l’esprit du consensus doublé d’un véto : n’étalons pas à l’étranger nos différences ! Ajoutons une incidente, le président serait meilleur à l’extérieur qu’à l’intérieur ! Dès lors, beaucoup s’interdisent le moindre assaut. A gauche comme à droite, silence dans les rangs !

Passés les interdits, le sujet mérite considération. L’exemple de nos relations avec la Chine témoigne d’une modeste ambition. L’on se targue de notre commerce avec ce pays mais la part lui revenant est de 1,4%, loin des 4% que s’offre l’Allemagne, seulement le quinzième fournisseur ! Autre bémol : fin 2005, la France comptait investir en Chine pour un montant de 7,19 milliards de dollars, alors que la somme des investissements de la Chine en France s’élevait à... 82,8 millions de dollars ! Le balancier est-il équitable ? Où réside l’erreur ? Tout simplement, la faiblesse de nos échanges avec la Chine est un autre aspect de l’incapacité de la France à se réformer.

Lors des voyages présidentiels, la France entrepreunariale dans sa diversité n’est pas représentée. Seuls sont conviés les patrons de multinationales tricolores dont beaucoup délocalisent en Chine alors qu’ils portent une attention approximative à l’emploi hexagonal. L’on ajoutera que ces grandes entreprises au conseil d’administration interplanétaire n’ont pas nécessairement besoin de porte-parole national pour se faire entendre.

Ces remarques seraient de pure forme si elles ne levaient pas le voile sur une réalité maussade. Tenues à l’écart, les PME françaises accusent un retard en Chine. Perdure un sentiment objectif : le marché chinois ne serait pas une aventure de tout repos. Sans compter avec le copiage, il faut souvent trois à quatre ans avant de dégager du chiffre. Aujourd’hui, la structuration du système financier public et privé favorise les grandes sociétés et les PME à voilure importante. En revanche, c’est le régime de la portion congrue pour les autres, le néant pour les porteurs de projets, les créateurs d’entreprise. S’ils s’aventurent en Chine, ces derniers s’y emploieront avec les moyens du bord, généralement limités. Est-il normal que des sociétés en création développement ne puissent pas prétendre à des concours financiers tels ceux de la Coface ? Dans le secteur des nouvelles technologies et de l’environnement, beaucoup d’entreprises nouvellement créées s’intéressent à la Chine. Faute de financement pour enclencher l’exploration des marchés, elles se tiennent à distance. Ainsi, inventivité et créativité ne trouvent pas la place qu’elles méritent dans les échanges franco-chinois. Conséquence, les Français ne sont que 12 000 en Chine alors que les Chinois prospèrent aux alentours de 300 000 en France. Pourtant il faudrait 50 000 Français pour irriguer ce pays, on en est loin !

De surcroît, nos administrations sont-elles adaptées ? Services commerciaux, chambres de commerce, etc. ; beaucoup datent d’une époque où il était possible de se faire entendre d’un simple coup menton. Naviguez sur leurs sites : vous y verrez colloques, notes ou communiqués, mais peu de ces violences qui ponctuent le parcours d’un entrepreneur en Chine. De surcroît, leur articulation est indéchiffrable. L’on ne sait à qui s’adresser : échelon régional ou national ? Chambre de commerce ou organisme missionné ? L’étonnement s’accroît encore lorsqu’on note que leur force de travail est fonctionnarisée, donc peu encline à partager l’aléa.

Sauf accident, la déferlante chinoise s’annonce ingénieuse, colossale, gloutonnant d’une même gorgée matières premières et industries, demain capital et services. N’est-il pas urgent de bousculer le consensus actuel ? Au lieu de se conforter dans l’à peu près, il faut dénoncer les apparences, repenser le voyage présidentiel, en faire une véritable réussite !


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