Wafa Sultan, future pasionaria de la lutte contre l’obscurantisme ?
par Thucydide
vendredi 17 mars 2006
Selon le New York Times, la vidéo dont vous trouverez le lien ici a déjà été vue au moins un million de fois, relayée par les blogs et les courriels. Je vous invite à faire de même, il est impossible de passer sous silence le courage de cette femme, à laquelle, hélas, on peut prédire une espérance de vie guère supérieure à celle d’un quidam se baladant sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute. Ce reportage est en arabe sous-titré en anglais, mais il est utile de le visionner, si besoin est, après en avoir lu une traduction partielle ici.
Les tenants d’une interprétation pacifique et modérée de l’Islam trouveront peut-être que Wafa Sultan va trop loin dans ses propos, traumatisée qu’elle fut par l’assassinat, en 1979, de son professeur à l’Université d’Alep, farci de balles en plein cours sous ses yeux par les Frères musulmans, aux cris de « Allahou akbar ». Peu importe. L’essentiel, c’est que la critique de sa propre culture, à laquelle se livre cette femme, est exemplaire. Ce n’est que par le biais de ces remises en question internes que les communautarismes et les réflexes de rejet néfastes qu’ils génèrent peuvent être désamorcés. En effet, lorsque la critique vient de l’extérieur vers une communauté en situation d’infériorité économique ou de minorité, elle entraîne une réaction identitaire qui étouffe tout esprit critique ou toute objectivité.
Notre rôle doit être de chercher à favoriser et à accompagner cette autocritique salutaire, plutôt qu’à jeter l’anathème pour les uns -et de l’huile sur le feu par la même occasion-, ou pour les autres, se faire l’avocat du diable pour apaiser leur complexe de culpabilité par rapport aux injustices passées. Les deux réactions ne facilitent pas les choses à ceux qui pourraient faire évoluer les mentalités, mais y vont en marchant sur des oeufs, en raison du risque réel de se faire déborder par des extrémistes ou d’y laisser la vie.
Vous remarquerez également au passage que, bien que ce ne soit sans doute pas de gaieté de cœur en raison de la situation au Proche-Orient, cette femme se livre à une réelle apologie des prétendus ennemis héréditaires des Arabes, les Juifs. Si son exemple pouvait également inciter ces derniers à remettre en cause par eux-mêmes certains excès de la politique israélienne, elle aussi otage d’une minorité belliqueuse depuis l’assassinat de Rabin, on finirait peut-être par ramener la paix dans la région, au bénéfice de tous, excepté des fanatiques de tout bord, privés de leur fonds de commerce.