Washington fait dérailler la désertion fiscale de Pfizer

par Laurent Herblay
samedi 9 avril 2016

Décidément, il faut croire que quand nos pays européens dérivent vers la droite la plus bête, les Etats-Unis retrouvent le goût à une certaine justice sociale, après avoir, il est vrai, atteint un niveau d’indécence bien supérieure dans les inégalités. Nouvel exemple avec la mise en échec de la fusion entre Allergan et Pfizer par le Trésor étasunien, un premier coup d’arrêt à l’inversion fiscale.

 
Un petit carton jaune pour la désertion fiscale des multinationales
 
Bien sûr, il ne faut pas se réjouir trop tôt. Le papier du Figaro rappelle en effet que les candidats à l’élection présidentielle semblent s’accorder pour réduire le taux d’imposition sur les bénéfices pour les entreprises, à 35% aujourd’hui, parmi les plus élevés au monde. Même les démocrates proposent de le descendre à 28%, quand les Républicains parlent d’une baisse à 20%. Néanmoins, il faut quand même se réjouir de voir un Etat se rebeller contre la désertion fiscale des grandes entreprises et utiliser tous les moyens afin de mettre en échec les plans de Pfizer, qui souhaitait fusionner avec Allergan pour déplacer son siège social sous les cieux fiscaux parasitaires de l’Irlande, et ainsi économiser un milliard de dollars. Pour y arriver, le Trésor a modifié les règles du jeu d’une manière contestée par Wall Street.
 
La bien mal nommée inversion fiscale, une forme de désertion de plus, n’est que la dernière manœuvre des multinationale pour réduire toujours plus leur contribution à la société qui leur permet d’exister. Cela consiste à fusionner avec une entreprise dont le siège social est dans un pays qui a recours au dumping fiscal pour considérablement réduire les impôts que l’on paie. Il faut noter ici qu’Allergan avait lui-même eu recours à cette manœuvre pour changer de siège social, sans même prendre le soin de déplacer sa direction, qui est toujours à New York ! Bref, on peut considérer que ces manœuvres représentent une forme de vol légal des citoyens, qui le paient par moins de service public ou plus d’impôts, chose d’autant plus choquante que les profits des multinationales sont à un plus haut historique.
 
Malheureusement, cet épisode n’est pour l’instant qu’anecdotique. En effet, la direction de Pfizer a trouvé du soutien auprès de Nestlé, qui se déclare « préoccupé  » et de groupes de pression pour qui « cette approche est malvenue. Elle pourrait dissuader des entreprises qui opèrent dans le monde entier de s’implanter aux Etats-Unis et porter tort à la compétitivité du pays ». L’entreprise pourrait saisir les tribunaux, même si cela ne changera pas le fait que la fusion a avorté. Et malheureusement, nos dirigeants réagissent d’une manière effarante en promettant des baisses d’impôt sur les bénéfices des sociétés. Ainsi, on voit bien que dans ce monde, le rapport de force est bien favorable aux multinationales et aux actionnaires, qui font un chantage fiscal à la désertion, dont seule une variante sort affaiblie ici.
 

Néanmoins, l’interêt de cet épisode est de montrer que quand on veut, on peut. Les Etats n’ont pas à subir les demandes effarantes des multinationales. Il est parfaitement possible de faire dérailler leurs plans, une leçon malheureusement oubliée en France pour Alstom. Mais comme trop souvent, si l’impôt sur les sociétés finit par baisser, les multinationales sortiront gagnantes...


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