Ben Laden, ou comment tirer le rideau de la farce
par morice
mardi 3 mai 2011
Ah, voilà qui m'a surpris ce matin. Oh, rassurez-vous, ce n'est pas l'annonce de la mort de Ben Laden. Non, c'est la réaction des habituels trolls, venus immédiatement à la curée pour me signifier que je m'étais donc trompé, puisque... etc, etc. En fait, même chez eux, le doute sur la granguignolesque annonce du décès de l'homme le plus recherché du monde est apparu assez vite. Ils ont beau être trolls, ils leur reste parfois un semblant de cerveau qui leur fait dire qu'on est en face de la plus belle opération d'escamotage de cadavre jamais imaginée avec cette annonce nocturne d'hier. Même plongé dans l'acide, celui de Ben Laden n'aurait pu mieux disparaître que ce qu'on vient d'inventer : le lancement d'un gars plombé à partir de porte-avions, avouez que c'est une première, à croire qu'on a voulu à nouveau tester cette merveille de catapulte électrique... oui, mais cette fois en respectant les volontés du défunt d'être catapulté en face de la Mecque ! Ces dix dernières années, l'histoire de Ben Laden, nouveau Frankenstein des temps modernes, a souvent sombré dans le ridicule : elle se termine en apothéose grotesque, c'est sûr, avec cette nouvelle fable sur l'ermite pakistanais, qui avait choisi paraît-il d'habiter à 200 mètres d'une caserne où un ministre pakistanais avait dit il y a quelques jours à peine que son pays avait mis fin au terrorisme, et qui voyait régulièrement les Chinooks de l'armée américaine survoler sa maison à basse altitude, faisant voler le sable de la cour intérieure de sa maison à 1 million de dollars...
Bon allez, imaginons qu'il ait encore été vivant. Et donc, comme fugitif le plus recherché de la planète, qu'il soit allé logiquement se planquer dans un coin (très) reculé, où on ne le retrouverait pas, pour sûr : or c'est à Abbottabad qu'il a atterri, qui comme coin "reculé", se pose là, en vérité. Une ville d'un demi million d'habitants, où il s'est acheté une demeure à un million de dollars dit-on : pas vraiment un désert, et plutôt voyante, la maison. Et tout cela bien sûr sans que les USA ne s'en aperçoivent ? Difficile à croire, car un phènomène particulier s'est passé dans la région en 2005 : un énorme tremblement de terre, un très violent séisme meurtrier d'une magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter : dont l'épicentre était à Muzaffarabad, à trente km à peine à vol d'oiseau d'Abbottabad. La communauté internationale s'en était émue, tant les dégâts étaient vastes, les pertes en vie humaine nombreuses (73 338 personnes), et les ONG de tous bords s'étaient mobilisées, et parmi les aides, une qui ne l'était pas, non gouvernementale : USAID, la si mal nommée, qui, on le sait ne vient jamais seule, disposant en même temps quelques "observateurs" déguisés en secouristes, les habituels faux-nez de la CIA. La région étant sensible, il est impossible d'imaginer que les pilotes de Chinook faisant des rotations sur les terrains de hockey ou de cricket de la ville pendant des mois, dont un à moins de 300 m de la villa où aurait résidé Oussama Ben Laden, n'en n'aient pas profité pour remettre à jour leur cartes ou constater cette étrange édifice, et en parler à leurs potes des "black ops".
Selon ce que l'on sait, Ben Laden, parait-il n'y serait débarqué que récemment. Il n'empêche ; une telle construction avec des "murs de 5m de haut" tout autour, ne peux laisser un organisme dit de renseignement sans broncher... ou alors il faut arrêter de lui accoler le mot "intelligence"... selon la presse, la construction était "8 fois plus grande que les autres résidences" alentour ! Ça avait clairement l'allure d'une maison sous protection, avec des murs hauts de "12 à 18 pieds" (de 3,60 m à 5,40 m !) et des barbelés tout autour. Il y a beau avoir dans le même quartier un quarteron de généraux de l'ISI en retraite (ça aussi c'est à prendre en compte, il avait choisi son voisinage, le bougre, si c'était lui !), il est difficile de croire que "l'intelligence" US ait mis autant de temps à s'apercevoir qui y habitait. Ou alors, ce n'était pas lui... mais un autre !
A noter que les médias US, tout dévolus à la diabolisation de Ben Laden, se sont encore une fois bien mélangés les pinceaux, dans la communication du message du Pentagone vers le grand public : dans tous les reportages, depuis hier, on insiste lourdement sur une maison "sans téléphone", "ni même d'internet"... car l'idée du staff de l'armée est de fourguer un Ben Laden qui aurait eu recours à des "courriers" humains pour éviter de se faire prendre. En voilà une idée qu'elle est bonne : comme ça, on ne peut soupçonner la CIA de l'avoir prévenu à plusieurs reprises, ou de faire des prisonniers de Guantanamo des gens qui doivent apprécier de s'être faits taxer de facteurs de Ben Laden, pour leur donner une occasion de rester 8 années à être torturés (pour savoir s'il payait les surtaxes de poids de ses lettres ?). Non, comme on a voulu trop en faire, encore une fois, malgré une villa "vidée de ses ordinateurs" (comme ça a échappé à l'un des commentateurs : vous-vous voyez, vous, faire de l'ordi sans Internet, dont dispose la ville d'Abbotabad, bien entendu ce n'est pas tout à fait le bout du monde ?), cela donne à nouveau du n'importe quoi. Eh bien pour Ben Laden, enfin pour celui qui a été trucidé là et qui n'est sans doute pas Ben Laden (son ADN ayant déjà été prélevé lors de son hospitalisation de 2002 dans les Emirats !) , c'est pareil. Car les graphistes d'ABC n'ont pas pu s'empêcher de dessiner ce qu'ils avaient crû percevoir sur un toit qui n'était pas un parasol... mais une belle parabole satellitaire, le propriétaire de la villa ayant la très grande chance de se voir régulièrement dans les programmes de Fox News, si c'était bien lui.
Car, pour ajouter à la crétinerie ambiante des déclarations officielles, la "piste" de cette villa proviendrait de "recoupements" d'aveux de prisonniers de Guantanamo et non du travail des agents secrets sur place ! Ah les fins limiers de la CIA, ils ont dû apprécier ! A quoi servait donc Raymond Davis alors ? L'air de rien, on nous vend, encore une fois, une torture "efficace", puisqu'elle a fini par permettre l'arrestation de l'homme le plus recherché et rien d'autre : car la plupart des arrivants de Guantanamo ont débarqué sur l'île avant même que la construction de la super-villa ait pu commencer : comment donc un Abu Faraj al-Libbi, qui aurait été à l"origine de l'orientation des recherches vers Abbotabad, aurait-il pu y conduire ? Il a été arrêté le 2 mai 2005, à Mardan, à 50 km au nord de Peshawar. La construction de la maison, selon les derniers renseignements que l'on possède aurait débutée "avant le 15 juin 2005". Reste alors deux cas de figure : dès le début de sa construction les américains, grâce à Al-Libbi savaient déjà à qui elle était destinée, au quel cas ils n'auront mis que 6 ans pour choisir d'intervenir... soit ce n'est en rien Ben Laden qui y habitait... mais on va en faire sa maison pour la "bonne cause" de se débarrasser définitivement d'une invention embarrassante. Celle de l'existence d'Oussama Ben Laden après 2001...
Et comme ça a failli virer au grotesque, la machine à décérébrer s'est remise en marche : un "monstre" tel que lui ne pouvait avoir eu qu'une attitude monstrueuse pendant l'assaut.... une phrase signée John Brennan... "conseiller" de la Maison Blanche, tendance militaro-industielle... Brennan, qui annonce sans rire "Nous enquêtons en ce moment pour savoir comment il a pu tenir là-bas aussi longtemps"... Un Brennan un peu quand même gêné aux entournures avec l'absence de clichés à montrer : "il a expliqué que les autorités américaines réfléchissaient à ce qu'elles pouvaient divulguer afin de ne pas compromettre de futures opérations des services secrets : « Nous ne voulons rien faire qui pourrait compromettre ce type d'opération dans le futur », a expliqué le conseiller. Ben tiens. Juste le temps de fabriquer les photos, quoi, à l'ère du numérique c'est fou encore le temps qu'on passe à développer les photos... si son cadavre est peint comme on a peint les cheveux d'un Ben Laden vieilli, on risque de le confondre avec un autre encore....
Vous l'avez compris : tout ce qu'on a entendu hier, à la suite de l'allocution télévisée express de Barrack Obama, c'est la mise en scène d'un problème dont on ne savait plus trop bien comment se débarrasser. A peine l'annonce faite que le Net vibrait déjà à une désinformation comme toutes celles qui ont jonché la carrière médiatique du fantôme du pakistan : un photomontage mêlant mort inconnu et photo de Ben Laden de 1998 censé représenter l'état de son cadavre après l'intervention des tueurs à gages des Navy Seals, dont le chef préféré demeure Mc Crystal - viré pour insurbordination par Obama- appelés soldats "méritants de la nation". Les photos de Ben Laden de 2002 ont été prises très certainement aux alentours d'Abbottabad, qu'il n'aurait jamais quitté. Ce qui n'explique en rien la disparition des écrans à partir de cette année là : c'était déjà un homme bien malade, souffrant des reins, qui s'était rendu à l'étranger pour se faire dialyser, ce qu'atteste la DGSE française, qui n'a pas la science du mythe de la CIA et d'adjoints talentueux pour les entretenir comme Intel Center ou SITE de Rita Katz, ou les israéliens du MEMRI. Alors, on est allé inventer une énième opération qui se résume à une tuerie, à voir les litres de sang déversés dans la pièce, à un accident d'hélicoptère largement minimisé, et surtout à un escamotage de cadavre dans les règles de l'art.
L'idée plutôt farfelue d'agir ainsi est un leurre évident : ça évité d'avoir à montrer le cadavre, ça le fait disparaître de la circulation discrètement, ni vu ni connu, et ça aide surtout ... Barrack Obama, qui évite ainsi d'avoir à se coltiner un procès où logiquement le principal intéressé aurait peut-être fini par clamer avoir toujours travaillé la main dans la main avec la CIA. Ben Laden était sans doute mort depuis 2002, mais on a entretenu le mythe à dessein, du côté américain, ce dont ont bénéficié tous les groupuscules qui s'en sont réclamés, car le but du jeu était bien de provoquer une instabilité chronique dans certains endroits du monde stratégiques pour le pétrole US. Ça se présente aussi comme acte de grandeur d'âme, respectant la mémoire de l'adversaire. Froidement abattu "d'une balle dans la tête", comme exécutent leurs prisonniers les chinois, et sans capture ni jugement.
Légalement, selon certains, le président des Etats-Unis a donc le droit de faire assassiner qui bon lui semble. Pour un prix Nobel de la Paix, voilà qui fait un peu tâche comme le note Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, un de ces "spécialistes" de télévision à qui a été posé la question : "Barack Obama a donc donné l'ordre de le tuer alors qu'il déclare avoir autorisé cette opération afin de capturer Oussama Ben Laden et de le présenter devant la justice... - Bien sûr, c'est ce qu'on appelle un "executive order". Le président américain est le seul à pouvoir décider de cet ordre, puisque depuis la loi Reagan, on n'a pas le droit de tuer des étrangers, même terroristes, lors d'une opération militaire sans l'executive order du président. Barack Obama ne pouvait pas dire vis-à-vis du monde musulman que Oussama Ben Laden était l'homme à abattre". Une forme d'assassinat qu'interdisait pourtant la Commission Church de 1976, décidée à la suite de l'assassinat de Salvador Allende (ne venez pas me parler de suicide) et de ses ministres par les sinistres individus dont l'un venait juste d'éviter la prison. Ce qu'on vient de voir, c'est une resucée du crime de Jack Ruby sur Lee Harvey Owald : on tue pour éviter qu'on ne parle.
PS :Dans cette sinistre farce, deux choses ont été bafouées : une nation, le respect dû aux autres pays, et à leurs frontières, et la justice avec sa parodie consistant à tirer sur un assassin plutôt que l'amener à expliquer ses crimes devant tout le monde. Pour la première idée des assassins sont entrés illégalement par la voie des airs dans un pays, ont tué et sont repartis avec leurs victimes (décédées ou prisonnières) au mépris de toutes les conventions internationales sur la souveraineté du pays ainsi envahi. C'est une attitude de pirate ou plus exactement de corsaire qui n'a rien à voir avec les lois internationales : les militaires pakistanais n'avaient pas été mis au courant (logique, ils protégeaient visiblement l'occupant de la maison !) et pas davantage le gouvernement du pays. L'ONU pourrait logiquement être saisie de cette intrusion en pays tiers. Pour la seconde idée, les américains restent ce qu'ils sont : des cow-boys, armés, tirant d'abord pour discuter ensuite. Et venus néanmoins nous parler du respect de l'intégrité physique du décédé, avec leur fable du porte-avions, après nous avoir interdit de voir le deuxième lot de photos dégradantes, notamment au sujet de cadavres, d'Abou Ghraib. Qu'ils en soient restés à OK Corral, cela reste culturel disons : mais qu'en France un président vienne y ajouter un tombereau en déclarant lui aussi que "justice est faite" est gravissime. Nicolas Sarkozy en emboîtant hier le pas à une Amérique qui tue encore par injection ses pires délinquants se révèle ouvertement partisan de la peine de mort, qui plus est même sans le moindre recours à un procès, ce qui est tout simplement scandaleux ! Non, ce n'est en rien la justice. C'est du règlement de comptes, rien d'autres. Les victimes du WTC peuvent s'estimer toutes bafouées, devant le spectacle affligeant de gens en liesse qui n'ont pas compris qu'ils ne sauront jamais exactement comment s'est produit le 11 septembre avec ces procédés de mafieux.