2030 : le big bang démographique
par Geoffrey
mardi 27 mars 2007
1,5 milliard d’habitants sur la Terre en 1900, 6,5 milliards aujourd’hui, sans doute 8 milliards en 2030... Jamais la population mondiale n’aura augmenté aussi vite et dans de telles proportions. Mais quels changements économiques, politiques, écologiques, ce « big bang » démographique implique-t-il ? Comment nos sociétés ainsi que les rapports de force internationaux vont-ils s’en trouver bouleversés ? La planète sera-t-elle capable de « nous » supporter en si grand nombre ? Futuribles international et Mano-a-mano ont produit avec Arte France une émission de deux heures dans l’espace et dans le temps, dans la réalité de 2007 et dans la prospective à l’horizon 2030. Une exploration de l’évolution démographique de l’espèce humaine, de ses conséquences sociales, culturelles, économiques, politiques, géopolitiques et environnementales. Diffusion le 27 mars à 20h40 sur Arte
Deux tendances lourdes se dessinent déjà pour les vingt-cinq années à venir : le vieillissement démographique des pays industrialisés et l’émergence du bloc asiatique.
Alors que l’Allemagne, en état d’urgence, risque de perdre 4 à 7 millions d’habitants en un quart de siècle sur les 82 qu’elle compte aujourd’hui, les pyramides des âges du vieux continent tendent à s’inverser inexorablement. Si elle se poursuit, cette évolution menace tout à la fois les systèmes de santé et de retraites et l’équilibre économique et social des nations concernées. En France, où le taux de natalité est, avec l’Irlande, le plus fort d’Europe, si le système de protection sociale reste le même, le nombre d’inactifs dépassera celui des actifs en 2050. Qui va payer ? Quelles priorités défendre dans ce contexte ? Des questions taboues qui risquent pourtant d’attiser conflits entre générations et tensions sociales.
Ainsi, à l’heure où l’Europe débat sans fin sur les questions identitaires, elle sera vraisemblablement amenée à se tourner vers les pays du Sud pour rajeunir sa population. D’autant qu’avec un âge moyen de 19 ans par habitant, l’Afrique connait une véritable explosion démographique et dépassera la Chine et l’Inde à partir de 2030. Plus que jamais, cette main-d’oeuvre jeune est pressée d’investir de nouveaux territoires, quitte à prendre tous les risques, pour pénétrer le marché du travail. D’où là nécessité de trouver des solutions dans le dialogue Nord/Sud.
Une Europe en panne de natalité qui vieillit dangereusement, une Afrique jeune, en pleine croissance démographique, et un pôle « Chindia » qui s’imposera demain comme le nouveau centre économique international : en dépit d’un certain aveuglement politique, la population mondiale est en pleine révolution. Un séisme à venir qui s’apprête à redessiner les contours de la carte du monde et à transformer nos vies.
Le big bang démographique
C’est pourquoi déjà, à contre-courant des discours ambiants, s’esquisse peu à peu un droit de migrer. Libre circulation des capitaux aujourd’hui et des personnes demain ? Car, outre les migrations traditionnelles, il faut aussi prévoir celles liées au réchauffement climatique, aux catastrophes naturelles et aux pénuries d’eau. Une opportunité, disent certains, pour repeupler les régions du monde en voie de désertification. De fait, souvent présentée comme une menace, l’immigration pourrait bien, dans un futur proche, faire l’objet d’une véritable concurrence entre nations. Avant de générer de nouvelles identités dont les Etats-Unis, laboratoire de cohabitation de civilisations, préfigurent le métissage à travers l’Amexica ou l’inexorable rapprochement de l’Amérique du nord et celle du sud.
" Chindia" : Chine et Inde, "coeur" du monde de demain ?
Mais sur cette planète en mouvement, les flux migratoires viennent aussi d’Asie, un continent contrasté et dominé par deux géants. Avec un taux de croissance constant de 8 à 10% par an, la Chine et l’Inde sont en passe de retrouver la suprématie économique mondiale qu’elles avaient perdue avec la révolution industrielle. Shanghai, désignée capitale du XXIe siècle, avance à marche forcée vers le futur, en tentant de résoudre, à grands renforts de publicité, toutes les contradictions auxquelles elle est confrontée. Déséquilibres environnementaux, énergétiques, sociaux : la Chine, entravée par son héritage totalitaire, parviendra-t-elle à relever les défis qui l’attendent ?
D’autant que, en conséquence du contrôle des naissances, la Chine vieillit rapidement, l’Inde en revanche, devrait devenir, à l’aube de 2050, le pays le plus peuplé (1,6 milliard d’habitants soit 1/6e de la population mondiale). Un sous-continent dynamique et résolument tourné vers l’avenir. Fort de son poids économique croissant, le pôle Chindia, en phase avec la mondialisation, a déjà compris la nécessité d’investir en Afrique, alors que l’Europe, elle, se refuse obstinément à anticiper.
Comment la planète supportera-t-elle cette pression démographique ? Seule une gestion concertée des ressources naturelles et surtout de l’eau permettra d’y faire face. Une impérative prise de conscience écologique qui tarde à se manifester, malgré les mises en garde répétées des scientifiques.
En effet, comme le rappelle Hugues de Jouvenel, à la question : "La Terre peut-elle supporter 8, 10, 12 peut-être 15 milliards d’habitants ?" la réponse est oui, mais cela dépend de comment nous vivons.
La généralisation au monde entier du mode de vie américain ou européen parait inimaginable dans les conditions actuelles. Comme le souligne Lester Brown, ce big bang démographique nous montre que le modèle occidental "du pétrole, de l’automobile et du jetable" ne peut être viable pour la planète.
Le défi est donc de trouver les solutions pour que ce big bang démographique ne soit pas une catastrophe.
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Pour développer ces sujets, ARTE France, Mano a Mano et Futuribles International se sont associés pour produire une émission intitulée « 2030 : le big bang démographique » qui sera diffusée sur Arte le 27 mars 2007 à 20h40.
Pendant deux heures, Annie-Claude El Kaïm nous conduira dans un tour du monde, convoquant tour à tour et d’un continent à l’autre les signes, les futurs possibles et les futurs souhaités, par des interviews d’experts, des reportages sur des « signes avant-coureurs qui sont autant de faits porteurs d’avenir, et esquissant des scénarios illustrés par le dessinateur Kisler.
Mettre en image le futur n’est pas chose aisée, et le choix de ce va-et-vient entre "dires" d’experts, reportages autour de la planète (en Allemagne, en France, au Sénégal, en Californie, à Shangaï et à Bangalore) et courtes fictions dessinées de prospective 2030 est une solution originale à ce problème.
« Les citoyens doivent connaître ces
informations »
Christian Le Peutrec (Mano-a-mano) auteur et producteur précise la démarche suivie par Futuribles et Mano-a-Mano :
- En quoi la prospective peut-elle être utile au grand public ?
La prospective reste peu ou pas exploitée par la télévision. Ni réalité, ni fiction, c’est un territoire intermédiaire qui se situe entre le raisonnement et l’imaginaire et donc difficile à aborder en image. Cependant, nous avons tous besoin de ces informations pour orienter nos vies, nos choix politiques, économiques etc...C’est pourquoi nous avons voulu rapprocher les chercheurs des attentes du grand public. D’autant que je me suis rendu compte, en préparant l’émission, que les scientifiques étaient réellement en attente d’une courroie de transmission pour pouvoir diffuser plus largement ces informations.
- Pourquoi avoir choisi la démographie ?
Parce qu’elle livre des éclairages surprenants et inattendus. A l’horizon 2030, les mutations démographiques ont des incidences géopolitiques, économiques, sociales et culturelles considérables. En France, les enfants du baby boom arrivent à l’âge de la retraite.Combien cela va coûter ? En Allemagne, la langue, la culture dominante au XIXe siècle, sont menacées. Le pays vieillit très vite, comme l’Italie et l’Espagne. L’arrivée de nouveaux États au sein de l’Union ne comblera même pas ces déficits. Quant aux migrations, qu’on nous renvoie en permanence, elles ont toujours existé. Même si la population mondiale augmente, le taux de migrants varie finalement peu et on en a toujours besoin. Autant de réalités en rupture avec les discours qu’on entend. Par stratégie électoraliste, les politiques proposent souvent des visions à court terme.
- Comment avez-vous procédé pour illustrer ces mutations ?
A partir d’un plateau virtuel, notre histoire démarre de l’Ouest vers l’Est pour croiser l’émergence des pays asiatiques. Pour les reportages, nous sommes délibérément partis à la recherche de pionniers des phénomènes en cours comme cette famille indienne, contemporaine de la mondialisation, formée dans des universités anglo-saxonnes, et qui revendique profondément cependant son identité indienne. Enfin pour rendre attractifs les scénarios de futurs possibles, dont les germes existent déjà dans notre société, nous avons fait appel à Jean-Marc Kisler, un dessinateur de bande dessinée qui a produit un travail remarquable.