A quoi sert un journaliste ?
par Manuel Atreide
jeudi 15 mai 2008
Ce titre n’est pas de mon invention. Non, c’est sur cette question - brûlante - que se tiendront les deuxièmes assises de journalisme du 21 au 23 mai, à Lille. En ces temps de crise des médias classiques, nul doute que les débats seront passionnants. Sans doute autant par ce qui sera dit, que par ce qui sera passé sous silence, je parie.
Les rédactions professionnelles en France connaissent les affres du doute et - peut-être ! - de la remise en question. Une profession tout entière s’interroge. "Que sommes-nous ? " "A quoi servons-nous ?" "Quel est notre avenir ?" Pendant trois jours, les journalistes vont tenter d’apporter ne serait-ce qu’un début de réponse à ces questions.
L’urgence est là : Le Monde, (ex ?) journal de référence, a annoncé il y a quelques temps un plan de licenciement prévoyant le départ de près d’un quart de la rédaction actuelle, à côté de la diminution des personnels administratifs et techniques. Nous savons tous ce qui s’est passé récemment au sein de la rédaction d’un autre quotidien national, Libération, qui ne se porte pas vraiment mieux depuis. Les autres journaux ne sont pas vraiment plus en forme même si le bruit médiatique autour de leurs difficultés n’est pas aussi développé.
Les explications sont multiples : concurrence des nouveaux médias (internet en tête), coûts de production trop élevés, structure de distribution archaïque... Bien sûr, à ces explications officielles, peuvent se greffer les reproches faits par les lecteurs, parfois internautes : inféodation aux pouvoirs économiques et politiques, redondance des sujets traités, conformisme, parisianisme, et j’en passe.
Une chose est sûre : jamais les journalistes n’ont autant été sous le feu roulant des critiques, de la part de leur lectorat. Si, par le passé, la presse a fait l’objet d’attaques, parfois violentes, parfois conduisant à l’interdiction de titres, les lecteurs étaient là pour soutenir les organes d’information, journaux, radios ou télé.
Or, le divorce est désormais criant. Il ne se passe plus une semaine sans que le web ne relaie les désillusions du grand public face à une presse qui ne répond plus à ses attentes. Les articles sur Agoravox, pour ne citer que notre site, sont légion. J’ai moi-même écrit à diverses reprises sur ce sujet des articles ou des commentaires.
Dans ces conditions, il va être primordial de suivre ce qui va être dit lors de ces trois journées. Les intervenants sont non seulement prestigieux, mais alimentent le débat avec des prises de position parfois audacieuses.
Edwi Plenel, fondateur de Mediapart, après avoir été à la tête de la rédaction du Monde, a fait récemment fait part sur France Inter de son opinion sur le journalisme citoyen, considérant que, si le journalisme d’investigation restait l’apanage des professionnels et la raison d’être du métier, le journalisme d’opinion et de commentaire était désormais accessibles à tout un chacun.
Philippe Couve, journaliste sur RFI et intervenant au Centre de formation des journalistes, le célèbre CFJ, tient un blog sur lequel il revient régulièrement sur ce sujet. Il avait assisté l’année dernière à notre première journée des Rencontres du 5e pouvoir. Il sera présent aux assises et y animera un débat.
Carlo Revelli, fondateur d’Agoravox interviendra également dans le cadre d’un débat sur le journalisme de participation, aux côtés de Mohamed Hamidi, responsable éditorial, responsable pédagogique de l’école du Bondy Blog, Philippe Duley, rédacteur en chef d’Aujourd’hui en France/Le Parisien, Benoît Raphael, rédacteur en chef de LePost.fr.
Je vous invite à assister aux débats, si vous êtes dans la région lilloise, et à tout le moins à vous inscrire sur le site des assises du journalisme pour alimenter leur forum. Nul doute que vous ayez beaucoup de choses à dire, d’interpellations à faire, de critiques à porter. Pour ma part, j’ai déjà commencé à alimenter leur forum.
Je vais aussi prendre contact avec quelques-uns des professionnels qui seront présents lors de ces trois jours. Qu’ils soient animateurs, participants ou même organisateurs, ce qu’ils auront à me dire après coup sur les débats m’intéresse. J’espère qu’à cette occasion le dialogue, qui s’est déjà instauré entre médias professionnels et médias citoyens, franchira une nouvelle étape. Après le mépris, puis la méfiance, il est temps de passer au dialogue constructif. Car, j’en suis convaincu, nous serons amenés à travailler, sinon ensemble, du moins en relation les uns avec les autres.
Les journalistes commencent à réagir face au vent mauvais qui s’est levé sur leur profession. C’est une bonne chose, une très bonne chose pour nous, pour notre société. Nous avons besoin des journalistes car sans médias d’information crédibles et libres, il ne peut y avoir de société démocratique. Mais nous avons besoin d’une profession qui sait se remettre en question, évoluer, muter, s’adapter au monde dans lequel elle vit. Ce qui n’est pas le cas en ce moment, je crois. Au vu de l’intitulé de ces assises, il semblerait que ce point de vue commence à être partagé.
Manuel Atréide