Affaire Clearstream, les méthodes du Monde en cause ?
par MR
mardi 16 mai 2006
Une information contre X... pour violation du secret professionnel vient d’être ouverte contre Le Monde. Le quotidien estime, dans son éditorial du 15 mai, que cette action judiciaire est une attaque de ce qu’il appelle le « pouvoir ». Mais le grand quotidien est-il déontologiquement tout à fait hors de cause ?
Le Monde vient de publier, dans son édition du 15 mai, un bref éditorial expliquant à ses lecteurs les pressions dont il s’estime victime de la part de ce qu’il appelle le "pouvoir". Pour la première fois, l’affaire Clearstream touche directement un média. Et pas n’importe lequel.
Il est vrai que les conditions dans lesquelles le journal a mis au jour les premiers éléments de l’affaire Clearstream ont, au moment des révélations publiées, fait peu débat. Pourtant, aujourd’hui, rattrapées par la vague de l’affaire que le quotidien a largement contribué à mettre au jour, la déontologie et la crédibilité du Monde risquent d’être remises en cause. De nombreuses questions se posent sur les méthodes d’investigation employées par le journal. Comment le quotidien s’est-il procuré les dossiers dont il a publié de larges extraits dans ses colonnes ? A-t-il été suffisamment rigoureux dans son enquête ? Si oui, pourquoi taire ses sources ?
La mise en cause du Monde illustre en réalité l’opposition des deux conceptions qui se livrent bataille, régulièrement, à propos du rôle de la presse écrite.
Selon la première, le travail de la presse doit suivre des règles claires d’absolue transparence vis-à-vis du lecteur. Le secret de l’instruction ne peut être violé qu’à condition de ne pas le remplacer par le secret des sources. C’est la position de Marcel Gauchet qui, dans un article inédit récemment paru dans Le Mensuel de l’Université, considère que Le Monde n’a pas pris les mesures de précaution nécessaires. "Communiquer les procès-verbaux d’une audience d’instruction, en principe couverte par le secret de l’instruction, estime le rédacteur en chef de la revue Le Débat, sans expliquer au lecteur par quel canal les informations ont été transmises au journal, alors que cela conditionne la lecture que l’on peut faire de l’affaire, me semble avoit été une faute de la part du quotidien."
En revanche, d’autres estiment que la liberté de la presse prime toute considération, ou, en tous cas, ne peut être limitée par un respect abusif du secret de l’instruction. C’est en ces termes que s’exprime Jean-Claude Casanova, directeur de Commentaire, qui, dans le même article de LMU, considère qu’il serait étrange que "les membres du gouvernement aient accès au dossier d’instruction par l’intermédiaire du parquet, qui y a accès et qui est soumis à un ministre, et que les citoyens, théoriquement souverains, et au nom desquels on rend la Justice, ne soient pas informés."
Quel que soit le résultat de l’action judiciaire initiée contre Le Monde, l’affaire Clearstream cesse, avec elle, d’être uniquement une affaire politique et judiciaire pour devenir, semble-t-il, une authentique affaire de déontologie médiatique.