AFP : le jour d’après

par PaulA
jeudi 5 mars 2015

Samedi, l’Agence France Presse dirigée par Emmanuel Hoog, a commis l’une des plus grossières erreurs de son histoire. Sinon la plus grossière. Car non, Martin Bouygues, le célèbre patron directeur d’un des plus grands groupes industriels français, ami personnel de Nicolas Sarkozy, n’est pas mort. Contrairement à ce qu’a annoncé l’Agence. Quête du scoop ou simple bourde d’un journaliste qui a publié trop vite ? Dans tous les cas l’opprobre sur une institution.

Martin Bouygues n’est pas mort, merci pour lui

Samedi après-midi, le ciel s’est abattu sur la tête de la direction de l’Agence France Presse. La faute à une dépêche malheureuse annonçant par erreur la mort de Martin Bouygues, industriel de 55 ans, patron du grand groupe industriel du même nom. L’histoire d’un imbroglio. Au départ, la (fausse) information arrive au siège de l’AFP, à Paris. Le bureau de Rennes est immédiatement contacté car Martin Bouygues serait mort dans l’ouest de la France, dans l’Orne. Les journalistes de l'antenne interrogent alors rapidement le maire d’une petite commune proche de là où l’industriel serait décédé. L’édile, Michel Julien, confirme alors que « monsieur Martin » est effectivement mort. Il n’en a pas fallu plus. Dans la foulée, le bureau de Rennes envoie sa dépêche au siège, qui la publie sans plus de cérémonie.

Quelques minutes plus tard, la nouvelle – la vraie – tombe, Martin Bouygues est toujours de ce monde : l’AFP s’est trompée. « Veuillez ne pas tenir compte de toute la série de dépêches concernant l’annonce par erreur du décès de Martin Bouygues  », peut-on lire dans la note adressée aux clients de l’agence. Venant d’une telle institution, c’est une véritable humiliation. La directrice de l’information de l’AFP, Michèle Léridon, parle d’une « débâcle  », d’une « erreur énorme  » : l’agence « se couvre de cendres  ». « C’est une erreur très grave qui, je l’espère, ne remet pas en cause la fiabilité de l’AFP dans l’absolu. Un certain nombre de verrous ont sauté, une absence de réflexion collective, une précipitation inacceptable  », ajoutera-t-elle ensuite.

L’AFP d'Emmanuel Hoog dérape, la chaine médiatique s’écroule

Manifestement, la direction de l’information mesure la portée de la chose. Certes l’erreur est humaine, mais celle-ci aurait pu être évitée si les règles élémentaires du recoupement d’informations avaient été respectées. Et de rappeler publiquement quelques principes qui ont fait la réputation de l’agence : « la fiabilité est la valeur numéro un à l’AFP. Elle doit toujours primer sur la rapidité  » ; « l’annonce de la mort d’une personnalité quelle qu’elle soit doit faire l’objet d’une attention toute particulière, avec des sources pleinement autorisées  » ; « le travail d’agencier est un travail d’équipe  ». 

Car une défaillance de l’AFP conduit, comme ce fut le cas samedi, à une réaction en chaîne : les autres médias s’empressant de reprendre sans vérifier les informations produites par l’agence. C’est tout le modèle actuel du journalisme qui se trouve donc remis en question. Amplement suffisant donc pour qu’Emmanuel Hoog, président de l’AFP, monte lui-même au front pour présenter ses plus plates excuses, et en premier lieu à l’intéressé. Cela pourrait néanmoins, et logiquement, constituer une tache indélébile sur ses états de service alors qu'il serait candidat pour remplacer Rémi Pflimlin à la tête de France Télévisions. Renouvelé depuis quelques mois à la tête de l'Agence, peut être serait-il plus inspiré de s'atteler à la tâche plutôt que de lorgner ailleurs. Bien plus qu'une simple boulette, le hiatus du week-end dernier à mis le doigt sur une faille structurelle de l'AFP : son empressement chronique, sa course au scoop, sa soumission sans nuance et sans discernement aux impératifs d'un monde de plus en plus frénétique. Hoog, en tant que président de l'institution, est directement responsable. 

Les médias déjà épinglés pour leur couverture des attentats de janvier

Après les 15 mises en garde et 21 mises en demeure formulées par le CSA en réponse aux manquements de certains médias dans leur couverture des attentats de janvier dernier, force est de constater que la profession vit des heures difficiles. Ces organes de presse ont failli, indique l’Autorité de régulation, dans le « respect de la dignité de la personne humaine », et ce particulièrement durant la prise d’otage de l’hypermarché cacher. Dans l’œil du cyclone, BFMTV, Euronews, TF1, LCI, France Inter, France 24 et RFI. 

Or ces derniers, à la différence de l’AFP d’ailleurs, n’ont pas eu l’élégance de reconnaître leurs torts. Ils ont plutôt envoyé une lettre au CSA, faisant part de leur incompréhension vis-à-vis de cette décision. « Dans quelle autre grande démocratie reproche-t-on aux médias audiovisuels de rendre compte des faits en temps réel ?  », s’interrogent-ils. Ces derniers avaient pourtant divulgué des informations sur les otages cachés dans l'hypermarché, que le forcené aurait pu entendre. Notons au passage que Marie-Christine de Saragosse, cheffe de France Médias Monde (groupe auquel appartiennent France 24 et RFI) est également candidate officieuse pour la direction de France Télévisions. Mais pourquoi diable ces hommes et femmes qui ont déjà fort à faire pour réformer les médias dont ils ont la charge cherchent-ils à s'enfuir ailleurs ? A l'heure d'un choix audiovisuel crucial, il s'agirait de ne pas faire d'erreur pour l’Autorité de régulation.


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