AgoraVox : la Radio Londres numérique ?
par Paul Dalio
jeudi 1er juillet 2010
« Agoravox, la Radio-Londes de l’Italie ? ». Cette formule choc est le titre d’un article paru dans les Inrockuptibles le 18 juin, jour symbolique s’il en est. Le journaliste Marc Beaugé interviewait Francesco Piccinini, le responsable éditorial d’AgoraVox Italie, à propos de la loi baillon qui suscite, on le comprend, de grandes inquiétudes chez nos voisins. Piccinini y expliquait qu’AgoraVox.it ne ne tombe pas sous le coup de la loi italienne "baillon" puisque AgoraVox « est à l’origine une fondation belge » et que son serveur « est installé en France. » Il y aura « encore la possibilité d’exploiter les écoutes téléphoniques » et le site pourra « accueillir les infos que ne pourront plus publier les journaux. ».
Alors que l’affaire Woerth bat son plein et que les ministres et parlementaires UMP font front commun pour défendre le ministre du travail, une phrase prononcée par le chef de file des députés UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, sonne étrangement aux oreilles.
Cette petite phrase glissée comme ça, l’air de rien, vient certainement de loin. C’est une manière de dire qu’en haut lieu on y réfléchit. Une sorte de signe avant-coureur.
Faut-il imaginer un "exil numérique" comme un "exil politique" de ses serveurs vers un pays plus clément (pour l’instant) ? Soixante dix ans après l’appel du 18 juin 1940 où Général de Gaulle appela les Français à résister à Vichy.
Ce texte vise à faire du pays un « refuge » ou « paradis » pour le journalisme d’investigation, et plus généralement à renforcer « la protection des libertés d’expression et d’information » en Islande, et dans le monde.
L’objectif est de créer une « cadre légal exhaustif » qui garantisse une « protection renforcée » pour les sources, journalistes et publications, et sécurise les communications et données. Soutenue par dix-neuf parlementaires islandais, dont Birgitta Jonsdottir (parti Mouvement), mais aussi le site WikiLeaks et des organisations (Global Voices, la Quadrature du net, etc.), Smari McCarthy, responsable de l’IDFS et Eva Joly, l’initiative doit maintenant être transposée en loi" (source Owni).
L’Islande fournit le terrain idéal pour que le journaliste puisse faire son travail, mais aussi pour que n’importe quel citoyen puisse s’exprimer car la liberté d’expression, indispensable à la construction de la démocratie, est le même pour tous. La liberté d’information et d’expression est un droit. "L’exil journalistique" permet aussi à tous les journalistes qui se sentent brimés dans leur rédaction, qui sentent que leur contexte politico-économique de leur rédaction les pousse à l’auto-censure, d’aller s’exprimer sur les supports libres et indépendants comme AgoraVox pour envoyer et publier tout ce qui ne peut pas l’être ailleurs. Mais aussi tous les citoyens qui ont envie de dire les choses, de faire entendre leur voix, et qui n’ont nulle part où s’exprimer pour être entendu.
L’avenir pourrait être sombre.
L’exil numérique et journalistique sera t-il la solution pour sauver le pluralisme de l’information ? Il ne s’agit pas de se lancer dans une lutte pour tout changer. Mais d’exploiter le potentiel d’Internet pour informer et mobiliser sur le terrain. C’est un message adressé à tous les citoyens libres. Etre citoyen ne signifie pas simplement cocher un bulletin de vote, mais rappeler ce qui est écrit dans l’article 1 de notre Constitution : « La souveraineté appartient au peuple ». Nous sommes souverains, ne l’oublions jamais.