Al Jazeera : instrument de pouvoir du Qatar et vraie tribune pour les mouvements islamistes radicaux

par Mohamed Takadoum
jeudi 7 juillet 2011

Dans sa couverture des mouvements de révoltes arabes ou ce qui est convenu d’appeler le « printemps arabe », la chaine qatarie Al Jazeera apparait de plus en plus comme un instrument du pouvoir de la famille régnante au Qatar (Al Tani) et une tribune pour les mouvements islamistes radicaux.

Depuis la fuite de Ben Ali, la chaine Qatari Al Jazeera joue un jeu dangereux en Tunisie. Profitant de son audience auprès de la population tunisienne, c'est un tapis rouge (plutôt vert) qui est offert pour les islamistes d’Annahda et la marginalisation par conséquent des courants démocrates.
 
Ce n'est pas étonnant pour ceux qui connaissent cette chaine qui dépend du ministre des affaires étrangères du Qatar et qui est devenu un instrument de la politique étrangère de ce pays.

Les penchants islamistes de cette chaine ne sont plus à démontrer. En effet tout ce que compte le monde arabe et islamique de mouvements islamistes radicaux utilise Al Jazzera.
 
Ses bulletins d'information font une large place aux figures islamistes dans le monde y compris parmi ceux qui ont commis des crimes de sang (refugiés à Londres notamment) ainsi que d'anciens prisonniers de Guantanamo.

Et ce n'est pas par hasard que Ben Laden (appelé Sheikh Ben Laden par ses journalistes) et sa nébuleuse dans le monde recourent d'abord à Al Jazzera pour diffuser leurs messages qui sont repris en boucle sur ses bulletins d'information comme le dernier message d'intimidation intronisant Azzaouahiri nouveau patron de la nébuleuse terroriste. Concernant l'Irak, les attentas sanglants perpétrés (dans le tas) contre la population civile par les groupes terroristes sont des actes de « résistance » pour la chaine.

Au niveau du langage, les journalistes d'Al Jazzera se « trahissent » en désignant le terrorisme par « ce qu'on appelle le terrorisme » alors que le monde entier parle de terrorisme qu'il s'agisse des attentas sanglants commis en Irak contre des civils, à Madrid à Londres au Pakistan ou ailleurs.
 
A l’heure du « printemps arabe » un traitement particulier de l’information est réservé aux pays du Golfe dont on n’entend pas grand-chose alors que la contestation y gronde aussi.
 
Les régimes arabes et le régime iranien ne sont pas traités sur les mêmes pieds d'égalité.

Ainsi nous trouvons les régimes qui sont « craints » par l'Émirat du Qatar : les régimes, saoudien et iranien. Ces régimes sont traités avec égard et leurs versions officielles des faits et des événements sont donnés aux téléspectateurs. En Arabie Saoudite les correspondants  sont des journalistes qui officient à la télévision publique saoudienne ou proches des cercles du pouvoir. Quand à l’Iran ce sont des proches du pouvoir dont l’ancien conseillé du président iranien qui officie à ce titre au bureau de Téhéran de la chaine. Rien de ce qui se passe réellement dans ces pays n'est rapporté aux téléspectateurs notamment en matière de gouvernance, des droits de l'homme et des droits de la femme. Mais aussi le Qatar lui-même dont aucune information n'est rapporté par la chaine si on exclut les congrès et les inaugurations.

Par contre, pour presque tous les autres pays arabes, c'est un défilé quotidien de tout ce qu'ils comptent comme opposants surtout islamistes. Leurs faiblesses en matière de gouvernance et leurs difficultés économiques et sociales et en matière de droits de l'homme sont répertoriées, analysées et souvent amplifiées. D'ou le succès d'El Jazzera dans ces pays. Au Maroc par exemple, lorsque son bureau était encore ouvert à Rabat, tous les mouvements de protestations que ce soit contre le gouvernement, les autorités locales, le secteur privé sont repris et amplifiées ainsi que des faits divers par cette chaine qui est devenu une sorte de bureau de "réclamations" pour toute sorte d'affaires. Après avoir pris fait et cause Polisario, leur bureau qui couvrait aussi l'ensemble du Maghreb a été fermé par les autorités marocaines. Les interventions massives des téléspectateurs marocains sur le site d'El Jazeera approuvant et saluant cette fermeture ont du certainement donné à réfléchir aux responsables de cette chaine qui s'attendaient peut être à des protestations de la part des téléspectateurs marocains.
 
En outre, grâce à l'audience d'Al Jazeera dans le monde arabe, l'émir du Qatar est sollicité pour des médiations tant au Soudan au sujet du Darfour qu'au Liban dernièrement. Toutefois ses prises de position pour le Hamas et son alignement sur Damas ne lui ont pas permis d'exercer ce rôle de médiation entre ce mouvement et l'Autorité Palestinienne malgré sa disponibilité ostentatoire à cet effet.
 
Enfin, les câbles de Wikileaks ont révélé des marchandages et des pressions exercés par la diplomatie du Qatar sur les gouvernements de la région grâce à Al Jazzera ; notamment un marchandage flagrant fait au gouvernement de Moubarak : changer de position avec les palestiniens (en l'occurrence épouser les thèses de Damas voir du Hamas) et en contrepartie Al Jazeera ignorera l’Egypte. Moubarak a eu tord de ne pas accepter.
 
Apparemment, Al Jazeera dispose de moyens énormes sinon illimités. Pour preuve chaque bureau d'Al Jazeera à travers le monde dispose de plusieurs journalistes et de moyens conséquents (locaux dédiés, studios etc.) aucune indication n'est fournis par le Qatar sur ce que lui coute Al Jazzera. Il n'y pas de publicité si on exclut les sociétés de gaz et de pétrole du Qatar. Les journalistes viennent de presque l'ensemble du monde arabe : peu de qataris. Un rôle central est joué par Youssouf Al Karadaoui exilé des frères musulmans d'Egypte au Qatar et créateur « d'Islam on ligne », interdit de séjour aux USA et en Angleterre. Conseiller très écouté de l'Emir du Qatar, son influence sur la ligne éditoriale d'El Jazzera n'est plus à démontrer pour les téléspectateurs de cette chaine et il s’est fait proclamer président de l’Union Mondiale des Oulemas (théologiens musulmans habilités à prononces des fatwas). Une émission religieuse lui est consacrée chaque semaine et il intervient directement sur la chaine pour prononcer toutes sortes de Fatwas.

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