Amour, prison et gloire ou la société de spectacle
par FRIDA
samedi 26 janvier 2013
Amour, prison et gloire ou la société de spectacle.
Florence Cassez, savoure sa réussite médiatique.
C'est l'occasion de tenter de comprendre les mécanismes qui font que certains bénéficient plus d'attention et de considération que d'autres.
Affaire la plus récente : affaire Cassez
Elle manifeste une personnalité pour le moins étonnante, peut-on en déduire une personnalité narcissique, voire perverse ??? .
Les médias, sa famille et son réseau de soutien ont beau faire par procuration l'éloge de son courage, de sa détermination, de son combat, j'ai observé une femme à l'aise face aux caméras, se prêtant professionnellement comme une star au jeu des questions-réponses, des poses devant les caméras, il lui manquait la robe de soirée et le tapis rouge. Je m'attendais plutôt à une gestuelle maladroite, peu sûre.
La posture corporelle de Alexandre Berceaux rescapé de la prise d'otages In Aménas, son agacement des questions des journalistes etc, l'expression corporelle et orale de ce rescapé d'une mort certaine tranchent visiblement avec celles de cette femme qui arrive triomphalement comme si elle a gagné le Vendée Globe.
Des esprits brillants vont me rétorquer : « heureusement que l'on est unique et que chacun à sa manière pour gérer et composer avec les drames et les tragédies de la vie ». Pourtant, j'en suis moins convaincue.
Outre les médias, les politiques lui ont consacré le même accueil triomphal. Ils se disputent même la paternité de ce triomphe. Pourquoi le leur reprocher, c'est tout ce qu'il leur reste, quand nous observons consternés la France aller à vau-l'eau.
Affaire Cantat
C'était également une affaire médiatique par la force des choses. Les deux antagonistes n'étaient pas des visages nouveaux pour les médias. Le drame de la mort de Marie Trintignant a fait surgir pour un laps de temps le sujet de la femme battue, victime de son conjoint, mais avec des acteurs photogéniques, des stars, chacun à son niveau.
D'un coup, ce n'est plus la ménagère sans attraits, la bonne femme ordinaire qui se présente au commissariat du quartier, après s'être fait rouée de coup par son compagnon. Il s'agissait d'une comédienne, d'une célébrité.
Les médias ont trouvé en Marie Trintignant une égérie pour la cause des femmes victimes de violences domestiques.
Face à la force de frappe médiatique des milieux intellectuels maniant le verbe et le geste, pour la plupart appartenant au théâtre, cinéma, télévision, un monde de communication et d'image, un accusé, sa famille et ses amis se défendent de manière artisanale. Une famille de bourgeois bordelais fait crânement face à un monde de paillettes et de tapis rouge qui défend une des siens .
Bien que Cantat soit également une célébrité, a des fans, il faisait partie de ces outsiders, sans pedigree et assume sa marginalité face à une caste bien satisfaite d'elle-même. Sa famille a dû batailler durement (sa femme Christina et son frère entre autres) pour lui éviter un lynchage médiatique avant le lynchage juridique. Il ne fuyait pas sa responsabilité, il voulait tout simplement que l'on le jugeât comme n'importe quel coupable, ni plus ni moins. Que sa responsabilité et opprobre de sa faute ne soient pas sanctionnés plus que ce qui se fait habituellement dans ce genre d'affaires.
Bien que coupable, il pouvait aussi se défendre, demander la clémence. Sa famille l'a soutenu malgré le déséquilibre des forces des deux parties antagonistes. Elle l'a soutenu durant son séjour en prison à l'étranger. Elle a œuvré pour son transfert dans une prison en France.
Affaire de disparition : Estelle Mouzin
Nous sommes face à des situations tragiques qui concernent tout particulièrement la disparition d'enfants. Il y en a un certain nombre de cas qui aboutit à l'impasse. L'enquête, malgré les moyens mis en œuvre, la mobilisation de l'opinion publique, se révèle sans issue. Face à la routine administrative, au découragement des enquêteurs, la famille devient la conscience et la mémoire pour défendre et entretenir la cause des disparus.
Sans la famille, ou des familles négligentes ou démunies, la disparition peut passer inaperçue. Le cas d'Emile Louis est emblématique.
Affaire politique : Clinton/Lewinsky
Ici, nous sommes face à un « deal » politique pour sauver les apparences. La réputation a son prix dans le monde politique. Parfois, il est utile de ranger des considérations de coeur, d'honneur et de fierté dans une armoire et de la fermer à double clé. Réfléchir la tête froide, calculer les conséquences de tous les actes, sur le long terme et le moyen terme sont indispensables avant toute prise de décision. Il peut s'avérer très utile de pardonner et de jouer la famille unie, très appréciés par l'opinion publique, que de dévoiler au grand jour son indignation et la flétrissure de sa blessure. La force est plus appréciée que la faiblesse, et même si la réalité n'a rien à voir avec l'image médiatique construite, celle-ci sert des projets de carrière à long terme.
Hillary Clinton devait montrer, qu'elle y croyait sur le moment ou non, la solidité de son couple, transformer l'image d'un homme adultère en celle d'un homme normal, cédant à la tentation, mais tenant quand même à sa femme et à son mariage. Son pardon n'était pas à l'époque sans calcul politique pour sa propre carrière. Elle l'a soutenu, et en contrepartie, il doit l'épauler pour réaliser son ambition d'être la première femme qui accède à la présidence des États Unis.
Son mari, s'est donc impliqué dans la compagne de Obama. Et il seconde sa femme, qui reste déterminée de tenter sa chance en 2017, la désastreuse guerre en Libye, l'assassinat de l'ambassadeur américain par les djihadistes, sa maladie n'ont pas eu raison de sa détermination. Mais pourrait-elle tenir encore, quatre ans c'est long, surtout pour quelqu'un de son âge avec les problèmes de santé qui commencent par se manifester publiquement.
Affaire de moeurs : DSK
C'est le même registre que Hillary Clinton. Comment inverser une situation défavorable, faire en sorte de ne révéler que le côté positif de la chose. Les amis, les médias amicaux, les fans se chargeront du reste, expliquant le courage, le dévouement, l'amour par dessus toute autre considération de cette femme qui accepte de rester aux côtés de son mari. Anne Sinclair a tenté péniblement et sans succès de revenir dans les médias français, elle a eu l'occasion de tourner la page en commentant l'élection présidentielle française de 2012. Mais les boulets de son mari sont trop nombreux et trop lourd pour rebondir comme ce fut le cas de Hillary Clinton et ce malgré le soutien, l'indulgence et le traitement de faveur (au contraire de Nafisatou Diallou) de la part des médias français.
Et les gueux !!!
Ceux-là, ils rament dans leur galère au petit bonheur la chance.
J'ai pensé tout particulièrement à Pierre Robert.
Le journal gratuit 20 Minutes nous informe ainsi"Puis l'avocat a su mobiliser l'opinion et les autorités. « Florence Cassez est jolie et médiatique, grince un avocat. Mais qui va se bouger pour un Français converti à l'islam qui croupit dans une prison marocaine » Page 10 au format PDF. L'article est signé (V.V. = Vincent Vantighem). Le journaliste soit n'a pas le courage de son opinion et la fait dire à un avocat anonyme. Soit il a réellement rapporté fidèlement les propos de cet avocat qui grince. Mais dans les deux cas il a failli à son devoir de recouper et de vérifier l'information.
Le Français converti à l'islam est Pierre Robert. Pourquoi n'a-t-il pas attiré autant de sympathie que Cassez ? Sexisme à l'envers ? Moins photogénique ? Ou d'autres raisons, comme sa conversion à l'islam entre autres. Il n'est nullement question de se prononcer ni sur sa culpabilité (déjà jugée par la justice marocaine), ni sur sa responsabilité dans les actes qui lui sont reprochés.
Pourtant, il reste un citoyen français. L'absence d'entourage pratiquant un lobbying auprès de l'État français pour demander et accélérer son transfert en France est la conséquence de la quasi amnésie à son sujet.
Ceci s'observe aussi bien lors de son arrestation, et tout au long de son procès que lors du prononcé du jugement. Le manque d'intérêt pour cet homme dresse un écran opaque quant à sa version des faits, sa défense, ses regrets, ses besoins, sa souffrance. En outre, il a toujours nié avoir participé à des actions terroristes.
Il a pourtant déclaré que ses aveux ont été extorqués sous la torture. Il a également révélé qu'il était une sorte d'agent double de la DST (Direction de la surveillance du territoire français).
Ceci nous rappelle une autre histoire, assez récente, qui manifeste la DCRI, des années après, incapable de surveiller de plus près un autre jeune qui allait en vadrouille, en solitaire d'après la version officielle, sans que personne n'envisage sa dangerosité voire son passage à l'acte.
Pierre Robert « comptait « porter plainte contre certains responsables » et a même donné quelques détails sur ses rencontres avec un agent de la DST appelé « Monsieur Luc », auquel il aurait remis une cassette audio d’Hassan Hattab, le chef du Groupe islamiste pour la prédication et le combat, ou encore un faux-passeport établi à son nom par la « mafia turque » de Bruxelles. Face à cette mise en cause, le ministère français de l’Intérieur a tout de suite démenti et a récusé « formellement ces allégations ». » Ce genre déclaration est passée comme s'il parlait du beau temps, tout au plus un petit article de rien de tout ou une dépêche qui ne demande pas trop de développement. Il a surtout fait grief des méthodes d'interrogations plus que brutales, les inexactitudes des traductions etc. Question respect des droits de la défense, cela dépasse largement la mise en scène médiatique de l'arrestation de Florence Cassez.
Au Maroc, la police et la justice sont des institutions qui ne bénéficient pas d'une bonne renommée, même pour les affaires de droit commun. Les méthodes de collecte de preuves et d'obtention des aveux n'ont rien à voir avec celles des pays nordiques, elles ne font pas dans la dentelle. La Commission de Vérité et de Réconciliation en sait quelque chose.
Ce Français, qui risquait la peine capitale, n'a eu aucune sympathie, aucune empathie. Au contraire, quand la presse daigne lui consacré finalement un peu de son précieux temps et de sa très fabuleuse fenêtre de visibilité, c'est pour faire de lui un portrait peu flatteur.
Elle se base sur les ragots distillés par les services secrets marocains et français. Ses cris de fond de sa cellule restent sans échos. Personne pour entendre son souhait d'être transféré en France, le besoin de se rapprocher de sa famille, ou du moins de ne plus subir des conditions de détention inhumaines dans un pays étranger et un environnement hostile. En effet, sans renier sa conversion (on imagine le risque qu'il encourt), il souhaite retrouver ses racines et son identité.
Comment susciter l'émotion, l'empathie, parce qu'il s'agit bien de cela, quand la presse ne lui laisse aucune chance de se racheter ou de voir en lui le contraire de ce pourquoi on l'accuse.
Elle le décrit ainsi « Pourtant Pierre Robert n’est pas un ange » et trouve que Pierre Robert a de la chance d'être emprisonné au Maroc au lieu du camp de Guantanamo. Il n'a donc pas de quoi trop se plaindre « Être Français embastillé au Maroc peut se révéler commode ».
Le summum du mépris se dégage de l'article de la journaliste Lara Mace qui a rapportaé les propos de Pierre Robert « « je déclare entamer une grève de la faim illimitée jusqu’à ce que je sois transféré en France afin que des magistrats français s’assurent de la caducité de la sentence prononcée à mon rencontre (mon dossier ne contient pas moins de dix vices de procédure) et que je retrouve ma liberté. » Ben voyons… ».
Un autre l'a qualifié de « falot d'Allah ». Le journaliste de Libération
Si l'on compare un article comme celui de Libération qui sort du cadre de la neutralité, s'éloigne de l'objectivité et écorne le sens de la mesure avec un article sur le même sujet fait par Jeune Afrique l'on mesure combien nos médias peuvent biaiser certains faits, devenir partie prenante dans une affaire, ou ne pas rapporter fidèlement l'information afin d'influencer l'opinion publique.
Pierre Robert a été transféré en France, contrairement à ce que laisse entendre le journal gratuit 20 Minutes
Mais le plus scandaleux des cas, c'est le blackout, un endiguement, un embargo sur l'information concernant Salah Hamouri.