Angle mort

par Demi-lune
mardi 22 juillet 2008

Sommes-nous informé si l’on regarde uniquement la télévision ? La question mérite d’être posée tant le nombre de personnes s’informant uniquement avec cette dernière est important.

Un drame terrible, de l’immigration clandestine, « encore un » a dit Pujadas sur France 2.

A la vision des journaux des différentes chaînes, un constat s’impose. Ils ne sont pas tous égaux, mais ils omettent tous, à part Arte qui dit que « la situation économique en Afrique s’aggrave et pousse des familles entières à traverser la Méditerranée », les causes de cette immigration. Arte ne se mouille pas trop et évite d’approfondir le sujet.

30 secondes pour TF1 pour évoquer le sujet, avant de passer sur le cas de la Turquie.

« Encore un drame de l’immigration, 15 personnes sont mortes aux larges des côtes andalouses, parmi elles une majorité d’enfants. L’Espagne qui comme l’Italie d’ailleurs est confrontée quasi quotidiennement à un afflux de clandestins venus d’Afrique, un continent qu’ils quittent espérant trouver de l’autre côté de la mer une vie moins rude et surtout offrant de plus belles perspectives d’avenir. »

« Le Premier ministre espagnol a demandé un renforcement de Frontex, le système européen de surveillance censé lutter contre l’immigration clandestine, mais il a aussi reconnu que tant que des gens désespérés ne pourront pas nourrir leur enfant, ils essaieront d’entrer en Europe. »

Arte Info 10/07/2008 à 19h45

« Un nouveau drame de l’immigration clandestine. 15 Africains ont trouvé la mort aux larges des côtes andalouses pendant leur traversée sur une embarcation de fortune. Parmi eux, 9 enfants âgés de 12 mois à 4 ans. »

« Les clandestins cherchaient à rejoindre le sud de l’Espagne, […] L’année dernière, plus d’un millier d’immigrants illégaux sont morts en essayant de rejoindre les côtes espagnoles. »

Six, 10/07/08

Le sujet est bouclé en une minute.


« Comment la télévision peut, paradoxalement, cacher en montrant autre chose que ce qu’il faudrait montrer si on faisait ce que l’on est censé faire, c’est-à-dire informer ; ou encore en montrant ce qu’il faut montrer, mais de telle manière qu’on ne le montre pas ou qu’on le rend insignifiant.  »

L’analyse de Bourdieu est pertinente pour ce sujet.

On pourrait faire un nouveau jeu sur Agoravox.

Reprendre les journaux et montrer ce qui est caché.

Car, hélas, le cas de l’immigration n’est pas le seul.

« La télévision n’est jamais quelque chose de très critique, surtout quand les gens dont on parle sont au pouvoir. »
Jean-Claude Allanic, Le Monde, 11 janvier 2002.

Tous les journaux de la télévision ne mentionnent pas une seule fois le dumping de l’Union européenne ni la dette de l’Afrique.

« La métaphore la plus communément employée par les professeurs pour expliquer cette notion de catégorie, c’est-à-dire des structures invisibles qui organisent le perçu, déterminant ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, est celle des lunettes. Ces catégories sont le produit de notre éducation, de l’histoire, etc. Les journalistes ont des « lunettes » particulières à partir desquelles ils voient certaines choses et pas d’autres ; et voient d’une certaine manière les choses qu’ils voient. Ils opèrent une sélection et une construction de ce qui est sélectionné. »

Organiser la famine et criminaliser ceux qui la fuient

Pour comprendre l’immigration, la lecture de l’article de Jean Ziegler dans Le Monde diplomatique est éclairante : http://www.monde-diplomatique.fr/2008/03/ZIEGLER/15658

« Les Etats industrialisés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont payé à leurs agriculteurs et éleveurs, en 2006, plus de 350 milliards de dollars au titre de subventions à la production et à l’exportation. L’Union européenne, en particulier, pratique le dumping agricole avec un cynisme sans faille. Résultat : la destruction systématique des agricultures vivrières africaines. »

« La plupart des Etats de l’Afrique subsaharienne sont surendettés. Ils vendent leurs droits de pêche à des entreprises industrielles du Japon, d’Europe, du Canada. »

« L’hypocrisie des commissaires de Bruxelles est détestable : d’une part, ils organisent la famine en Afrique ; de l’autre, ils criminalisent les réfugiés de la faim. »

Qu’importe que la mondialisation et la croissance ne réduisent pas les inégalités.

Qu’importe que l’ouverture des marchés se soit accompagnée d’un accroissement des inégalités entre pays et individus.

Qu’importe qu’entre 1972 et 2002 le nombre d’Africains gravement et en permanence sous-alimentés ait augmenté de 81 à 203 millions.

Qu’importe que le coût de réalisation et de maintien d’un accès universel à l’éducation de base, à l’eau potable et à des structures sanitaires, ainsi, pour les femmes, qu’aux soins de gynécologie et d’obstétrique, soit estimé à environ 40 milliards de dollars par an (Chiffres PNUD).

Qu’importe que si l’objectif de l’ONU était respecté par l’ensemble des pays riches à savoir : affecter 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement, l’aide publique au développement s’élèverait à 150 milliards de dollars par an (chiffres PNUD).

Qu’importe que le montant de l’aide publique au développement soit en diminution constante. Elle a diminué de 6 % en 2000. Le montant de l’aide est revenu à son montant de 1997 soit 0,22 % du PIB cumulé des pays riches (chiffres OCDE).

Qu’importe qu’en vingt ans, la part des salaires dans le produit intérieur brut français ait baissé de 9,3 %, ce qui correspond à plus de 100 milliards d’euros en partie transférés vers le capital.

(3) Ou 8,4 %, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui adopte un mode de calcul différent, portant non sur le PIB du pays, mais sur la valeur ajoutée des entreprises non financières. Données rassemblées par l’économiste Michel Husson dans son article « La baisse tendancielle de la part salariale », disponible sur http://hussonet.free.fr/p arvabis.pdf

Qu’importe qu’en 2007, 10 millions de millionnaires se partagent 40 700 milliards de dollars, soit 9,4 % de plus qu’un an auparavant.

Puisque "La réalité n’a aucune importance, il n’y a que la perception qui compte."

Laurent Solly, numéro deux de TF1.


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