Antisémitisme : l’emballement médiatique

par maggie
lundi 23 juin 2008

Samedi 21 juin, à l’issue de la fête de la musique, un adolescent a été violemment agressé par plusieurs autres jeunes dont l’implication dans ces actes reste encore à démontrer. Seulement, la victime en question portait une kippa et respectait les rites juifs, ce qui a automatiquement associé le tabassage à l’antisémitisme.

Avant même les conclusions de l’enquête, les politiciens défilent pour exprimer toute leur indignation envers toute forme de racisme. La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, et le président, Nicolas Sarkozy, montent au créneau pour exprimer leur « profonde émotion » suite à ce fait divers.

Mais après l’agression fictive du RER D, œuvre d’une mythomane en mal de reconnaissance, on pouvait s’attendre à un peu plus de circonspection de la part des médias et du monde politique sur le thème houleux de l’antisémitisme. Depuis, les dirigeants politiques de la majorité ou de l’opposition, qui ont allégrement apporté du crédit aux dires de la jeune femme malade, n’ont pas daigné faire leur mea culpa. Pire encore, ils ont justifié leurs débordements, arguant que l’agression imaginaire aurait pu se dérouler. Car, à cette époque, il était de bon ton de jeter l’opprobre sur les jeunes, originaires du Magreb ou des pays de l’Afrique sub-saharienne à majorité musulmane, réputés antisémites. Peu importe si ces accusations devaient peser sur la vie professionnelle et quotidienne des habitants des banlieues pauvres, puisque les rédacteurs et les hommes politiques se croyaient dans leur bon droit. En persistant dans le procès d’intention envers la communauté musulmane, les médias ont fait preuve d’un sectarisme tout aussi grave que l’antisémitisme qu’ils entendaient dénoncer.

Mais, cette fois, il semble que la réalité de l’agression ne fasse pas de doute. Pourtant, porter une kippa ne constitue pas un élément suffisant pour tirer des conclusions sur les motifs de ce drame. A moins d’avoir abreuvé l’adolescent d’insultes ou de propos sans ambiguïté, ne se baser que sur la présence d’un signe religieux pour hurler au racisme, c’est montrer une certaine malhonnêteté intellectuelle. D’ailleurs, il est fort à parier que, dans les jours suivants, les médias donneront le ton d’une grand débat national sur le thème de la haine anti-juive avec comme principaux accusés les mahométans dans leur ensemble. Après l’affaire du mariage annulé, les temps s’annoncent durs pour tous les croyants musulmans. Pourtant, jusqu’à nouvel avis, les actes antisémites les plus effroyables sont l’œuvre d’une Europe issue du christianisme.

Une croyance populaire veut qu’on attribue facilement aux autres nos propres défauts. Or, il est certain que l’Europe postérieure à la Shoah montre un certain malaise face aux atrocités de ce génocide et qu’elle peine à se libérer de sa culpabilité. Elle se borne à reconnaître dans des actes parfois insignifiants l’expression de ses vieux travers. Tiraillée entre sa nostalgie des pogroms et le choc émotionnel de l’holocauste, elle montre une attitude sado-masochiste, entre culpabilité et fantasme violent. Comme l’homophobe qui croit voir des invertis à chaque coin de rue, elle voit partout l’antisémitisme dont elle vit par procuration. Cette violence la fascine autant qu’elle la dégoûte. Rien d’étonnant dès lors à ce que le thème la passionne et qu’elle saute sur la moindre occasion pour tomber en contrition et affirmer son dégoût pour toute forme de haine, tout en l’entretenant avec dévotion.

Pire encore, les médias tendent encore à souffler sur les braises en accordant du crédit aux accusations d’antisémitisme d’associations prétendument représentatives de la communauté juive. Ces dernières tendent parfois à percevoir des actes racistes là où on n’en décèle nulle trace, et le soutien d’une partie de la presse ne les encourage pas à faire preuve de recul et de tempérance.

Quoi qu’il en soit, la récupération politique et médiatique de ce fait divers semble inévitable. Mais espérons que, cette fois, les divers éditorialistes sauront faire preuve d’un minimum de sang froid et attendrons les conclusions de la justice avant d’ajouter leur grain de sel à cette affaire. Enfin, on peut toujours rêver…


Lire l'article complet, et les commentaires